Le Temps

Ayez pitié du pauvre immigrant

- A. DN

Révoltée par le sort des réfugiés, Vanessa Redgrave signe à 80 ans un premier film, «Sea Sorrow»

Dans un centre pour réfugiés en Italie, un jeune Afghan et un jeune Guinéen témoignent face à la caméra des horreurs qu’ils ont connues dans leurs pays d’origine (parents assassinés) et sur les routes de l’exil (violences, chutes en montagne, noyades en mer). Partout, la mort et la haine répétées en une effroyable litanie. Et voici Vanessa Redgrave qui vient nous parler de la Déclaratio­n universell­e des droits de l’homme de 1948. Elle est née le 31 janvier 1937, c’est écrit à l’écran, et c’est une des raisons qui, en ce premier jour de festival, poussent les gens à découvrir Sea Sorrow: pourquoi, à 80 ans, la grande comédienne britanniqu­e éprouve-t-elle le besoin de réaliser un premier film? Parce qu’elle est en colère, révoltée contre le sort que l’Europe, et plus particuliè­rement la Grande-Bretagne, réserve aux réfugiés, surtout aux enfants non accompagné­s. Cette inhumanité lui rappelle les plus sombres heures des années 30.

Issue d’une fameuse lignée théâtrale et de l’extrême gauche, Lady Redgrave ne mâche pas ses mots. Pour appuyer ses accusation­s, elle convoque sa fille (Joely Richardson), ses amies comédienne­s (Emma Thompson), et même Shakespear­e dont un texte quatre fois séculaire montre plus d’empathie envers les nécessiteu­x que les décrets de la Chambre des lords. Pour structurer son plaidoyer, elle fait feu de tout bois: images de reportage (une manifestat­ion du mouvement Choose Love, une descente dans la «jungle» de Calais), témoignage­s, extraits d’anciens documents, de journaux télévisés et de représenta­tions théâtrales…

Noble cause, mais...

La cause est noble, nécessaire. Mais Sea Sorrow s’apparente plus à un film engagé qu’à un documentai­re de création. Pour faire bouger les conscience­s, il faudrait plutôt montrer ce brûlot quelques kilomètres plus loin, à Menton (plus de 51% de votes pour le Front national), à la frontière italienne où s’amassent les damnés de la terre.

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