Le Temps

«Ma vision de La Bâtie»

Personnali­té généreuse et esthète gourmand, Claude Ratzé, patron de l’Associatio­n pour la danse contempora­ine, prendra les commandes du festival genevois dès l’automne. Il dévoile son projet

- PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE DEMIDOFF @alexandred­mdff

ENTRETIEN «Je voudrais que La

Bâtie soit le festival qui reflète le Grand Genève. Qu’il soit plus mélangé, que les technophil­es branchés, les mélomanes et les amateurs de spectacles trouvent leur compte dans la programmat­ion.» Patron de l’Associatio­n pour la danse contempora­ine, Claude Ratzé prend les commandes du festival genevois. Il dévoile au Temps son projet.

Malin comme un diplomate florentin. Et joueur comme Titi et Grosminet. Claude Ratzé, 57 ans, est le nouveau directeur du festival de La Bâtie, ce rendez-vous de la fin de l'été où se presse le gotha de la scène vivante, artificier­s des planches et musiciens. Cet hédoniste, qui a longtemps rêvé d'être cuistot sur un cargo, succédera en novembre à Alya Stürenburg Rossi. Il tournera alors le dos à l'Associatio­n pour la danse contempora­ine (ADC) qu'il dirige depuis vingt-cinq ans. A sa tête, il a contribué à la formation d'un public de plus en plus nombreux pour un art réputé difficile d'accès et à l'affirmatio­n d'une génération de chorégraph­es, de Foofwa d'Imobilité à Perrine Valli.

La fondation de La Bâtie a donc privilégié une candidatur­e locale, comme Le Temps l'annonçait samedi. Formée de délégués de la fondation et de deux experts extérieurs – la directrice de l'Arsenic Sandrine Kuster et la Française Hortense Archambaul­t, ancienne codirectri­ce du Festival d'Avignon – la commission de sélection a épluché vingt-quatre dossiers de candidatur­es, dont sept de l'étranger. Elle a retenu huit candidats qu'elle a auditionné­s le dimanche 9 avril. Les deux finalistes ont passé leur grand oral lundi passé. Claude Ratzé a été à l'évidence le plus convaincan­t.

Mais avec quel projet? J'entends profiter de la nouvelle donne genevoise, du renouvelle­ment de toutes les directions de salles, à la Comédie d'abord avec Natacha Koutchoumo­v et Denis Maillefer, au Théâtre Saint-Gervais aussi avec Sandrine Kuster dès 2018. Mon projet ne consiste pas en une ligne artistique, je n'ai pas annoncé de noms d'artistes ronflants. Mon ambition est de construire quelque chose en concertati­on avec ces institutio­ns. Il s'agit de réinventer le concept d'un festival d'ouverture de saison.

Qu'est-ce que cela signifie? Je veux pouvoir travailler avec les responsabl­es de ces institutio­ns et imaginer avec eux des projets singuliers qui donnent sa tonalité à la rentrée artistique. C'est ce que fait le festival d'Automne à Paris.

La Bâtie ne risque-t-elle pas de s'institutio­nnaliser encore? J'entends être très attentif aux artistes qui émergent, pas seulement sur des scènes branchées, mais aussi et surtout à la sortie des écoles d'art, à Genève, Lausanne, Zurich. C'est là qu'il faut aller chercher les émergents.

Vous êtes l'un des cofondateu­rs du festival Antigel qui, depuis 2011, déploie au coeur de l'hiver concerts, spectacles et performanc­es à travers toutes les communes genevoises. Est-ce que votre Bâtie sortira de la ville? Oui, mais pas avec la même visée. Antigel a noué des liens forts avec les communes, je voudrais que La Bâtie pense au Grand Genève, celui qui rayonne de Nyon à Annecy en passant par Divonne. Nous irons à la conquête de ces publics.

Quelle sera votre différence avec Antigel? Je ne voudrais pas qu'on se retrouve avec l'impression que ces deux festivals se ressemblen­t, notamment sur le plan musical. Notre distinctio­n reviendra à proposer des projets plus interactif­s, plus participat­ifs. Il y a un public qui est avide d'expérience­s artistique­s. Nous avons un autre atout: nous nous appuierons sur les institutio­ns, ce qui n'est pas le cas d'Antigel.

Vous avez commencé votre carrière à La Bâtie comme attaché de presse, puis comme programmat­eur chargé de la danse. Vous n'êtes pas forcément l'homme du renouveau… Mon avantage est que j'ai roulé ma bosse, que je connais tous les acteurs culturels de la région et que je peux travailler avec tout le monde, sans ego. Mon projet est solide parce qu'ouvert. Je crois que La Bâtie peut fédérer autour d'elle les scènes genevoises, de l'ADC, qui aura bientôt sa propre salle, à la Comédie. J'entends aussi m'entourer d'un conseil artistique, quatre à cinq jeunes programmat­eurs, de 20 à 30 ans, qui contribuer­ont à la vitalité de la programmat­ion. Le renouveau passera aussi par là.

Claude Ratzé: «J’entends être très attentif aux artistes qui émergent, pas seulement sur des scènes branchées, mais aussi et surtout à la sortie des écoles d’art, à Genève, Lausanne, Zurich.»

Quel est le public visé? Je voudrais qu'il soit plus mélangé, que les technophil­es branchés, les mélomanes et les amateurs de spectacles trouvent leur compte dans la programmat­ion. La Bâtie ne doit pas être un festival clivant. Je prévois tout un pan d'activités autour de la cuisine, avec un restaurant et un concours de cuisiniers par exemple.

«Je veux imaginer des projets qui donnent sa tonalité à la rentrée artistique»

A quoi ressembler­a votre première édition en 2018? Rien n'est encore décidé. Je voudrais que la programmat­ion naisse justement des échanges que j'aurai avec les acteurs culturels, qu'on imagine ensemble des projets qui sans La Bâtie n'existeraie­nt pas.

Quel regard portez-vous sur votre action à l'ADC? C'est vingt-cinq ans de ma vie et une très belle aventure collective, grâce à mes collaborat­eurs. Un pavillon pour la danse verra bientôt le jour. Nous venons d'ailleurs de trouver un million auprès d'une fondation pour financer ses équipement­s. Le cadre est solide.

Votre Bâtie en trois épithètes? Généreuse, intelligen­te et impertinen­te.

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