La City dans le viseur de Francfort
BANQUES Après le Brexit, la capitale allemande de la finance espère récupérer une partie des activités de la City
La capitale allemande de la finance espère récupérer une partie des activités de la City après le Brexit. Le ministre-président du Land de Hesse, la région de Francfort, plaide notamment pour une réforme du droit du travail
Volker Bouffier en est convaincu: Francfort, c’est Londres, mais en mieux… Le ministre-président du Land de Hesse, la région de Francfort, multiplie les initiatives pour séduire les banques actives au Royaume-Uni qui pourraient être tentées de quitter Londres après le Brexit. Le chef du Land, un chrétien-démocrate proche d’Angela Merkel, évoque notamment la possibilité d’une réforme du code du travail allemand pour les très gros salaires.
Le but est d’alléger les conditions du licenciement pour les rapprocher des règles en vigueur en Grande-Bretagne. La discussion porte sur les salaires supérieurs à 250000 voire à 500000 euros (273000 à 546000 euros). «Il faut retirer aux entreprises étrangères la peur du droit du travail allemand», explique Volker Bouffier. Le patron du Land dit bénéficier du soutien de la chancelière et du ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, sur ce point. «Je vois une possibilité politique de changer cette loi d’ici au milieu de l’année prochaine ou à l’automne 2018, lorsque le nouveau gouvernement sera en place», précise Volker Bouffier.
Nombreuses métropoles en concurrence
Plusieurs métropoles européennes se disputent l’héritage de la City. Dublin, Paris et Amsterdam sont les principales concurrentes de Francfort. En arrière-plan: le fait que les banques non européennes installées à la City perdront après le Brexit la licence qui leur permet d’agir au sein de l’Union européenne. Banques, fonds et assureurs pourraient alors ne plus pouvoir vendre leurs produits dans cette zone. Les banques devraient entraîner dans leur sillage d’importants effectifs en provenance des cabinets d’affaires et d’avocats.
Goldman Sachs, Citi, Bank of America, JP Morgan et Morgan Stanley vont déplacer une partie de leurs activités de la Tamise vers Francfort. UBS décidera en fin d’année si elle transfère certaines de ses activités londoniennes vers une autre ville européenne. En décembre, la grande banque avait installé sur les bords du Main le quartier général de sa nouvelle filiale européenne UBS Europe SE, qui englobe la majorité de ses unités de gestion de fortune sur le Vieux Continent. Le siège de la nouvelle entité sera à Francfort.
A ce jour, seule HSBC a clairement fait le choix de Paris. Dans le secteur, on estime que les banques américaines pourraient relocaliser un millier de leurs salariés en Allemagne. «Une banque chinoise, une japonaise, une coréenne et une indienne ont déjà opté pour Francfort, ajoute Hubertus Väth, directeur de la société Frankfurt Main Finance, chargée par le Land de la promotion de la City francfortoise. La banque japonaise veut délocaliser plusieurs centaines d’emplois; la banque indienne quelques milliers.» Les délocalisations pourraient concerner un millier d’emplois d’ici à fin 2017, et entre 10000 et 20000 d’ici à 2021, selon les estimations. Le Brexit est une vraie chance pour le secteur financier allemand, estime-t-on tant à Berlin qu’à Francfort.
Des atouts mais aussi des faiblesses
Volker Bouffier – soutenu sur ce point par le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble – compte sur les nombreux atouts de Francfort: la présence d’un secteur bancaire important et d’institutions telles que la Banque centrale européenne, la Bundesbank (première banque centrale de la zone euro) et le contrôleur financier BaFin. Francfort dispose d’un aéroport international presque aussi important que celui de Londres, et de personnel qualifié dans le secteur bancaire. Le marché immobilier y est moins tendu qu’à Londres, avec la construction de nombreuses tours de bureaux en plein centre, en prévision de ces déménagements.
Mais la provinciale Francfort n’a pas que des atouts. La plate-forme en ligne Movinga s’est livrée à une étude comparative entre les métropoles candidates pour reprendre une partie des activités de la City. Francfort arrive en sixième position en termes de loyers, connaissance de l’anglais, taux d’imposition, développement de structures scolaires bilingues, coût de nettoyage d’un costume ou d’un abonnement dans un fitness. Loin derrière Dublin ou Amsterdam.
L’avenir de la place financière de Francfort dépendra en partie de la capacité de la cité à attirer les 180 salariés que compte l’Autorité européenne de surveillance (ABE), qui pourrait fusionner à terme avec les autorités de contrôle de la BCE. Les autorités de Hesse sont convaincues que cet argument pourrait jouer en faveur de Francfort, lorsque les autorités européennes devront choisir le futur site de l’ABE.
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