Le Temps

La City dans le viseur de Francfort

BANQUES Après le Brexit, la capitale allemande de la finance espère récupérer une partie des activités de la City

- NATHALIE VERSIEUX, BERLIN

La capitale allemande de la finance espère récupérer une partie des activités de la City après le Brexit. Le ministre-président du Land de Hesse, la région de Francfort, plaide notamment pour une réforme du droit du travail

Volker Bouffier en est convaincu: Francfort, c’est Londres, mais en mieux… Le ministre-président du Land de Hesse, la région de Francfort, multiplie les initiative­s pour séduire les banques actives au Royaume-Uni qui pourraient être tentées de quitter Londres après le Brexit. Le chef du Land, un chrétien-démocrate proche d’Angela Merkel, évoque notamment la possibilit­é d’une réforme du code du travail allemand pour les très gros salaires.

Le but est d’alléger les conditions du licencieme­nt pour les rapprocher des règles en vigueur en Grande-Bretagne. La discussion porte sur les salaires supérieurs à 250000 voire à 500000 euros (273000 à 546000 euros). «Il faut retirer aux entreprise­s étrangères la peur du droit du travail allemand», explique Volker Bouffier. Le patron du Land dit bénéficier du soutien de la chancelièr­e et du ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, sur ce point. «Je vois une possibilit­é politique de changer cette loi d’ici au milieu de l’année prochaine ou à l’automne 2018, lorsque le nouveau gouverneme­nt sera en place», précise Volker Bouffier.

Nombreuses métropoles en concurrenc­e

Plusieurs métropoles européenne­s se disputent l’héritage de la City. Dublin, Paris et Amsterdam sont les principale­s concurrent­es de Francfort. En arrière-plan: le fait que les banques non européenne­s installées à la City perdront après le Brexit la licence qui leur permet d’agir au sein de l’Union européenne. Banques, fonds et assureurs pourraient alors ne plus pouvoir vendre leurs produits dans cette zone. Les banques devraient entraîner dans leur sillage d’importants effectifs en provenance des cabinets d’affaires et d’avocats.

Goldman Sachs, Citi, Bank of America, JP Morgan et Morgan Stanley vont déplacer une partie de leurs activités de la Tamise vers Francfort. UBS décidera en fin d’année si elle transfère certaines de ses activités londonienn­es vers une autre ville européenne. En décembre, la grande banque avait installé sur les bords du Main le quartier général de sa nouvelle filiale européenne UBS Europe SE, qui englobe la majorité de ses unités de gestion de fortune sur le Vieux Continent. Le siège de la nouvelle entité sera à Francfort.

A ce jour, seule HSBC a clairement fait le choix de Paris. Dans le secteur, on estime que les banques américaine­s pourraient relocalise­r un millier de leurs salariés en Allemagne. «Une banque chinoise, une japonaise, une coréenne et une indienne ont déjà opté pour Francfort, ajoute Hubertus Väth, directeur de la société Frankfurt Main Finance, chargée par le Land de la promotion de la City francforto­ise. La banque japonaise veut délocalise­r plusieurs centaines d’emplois; la banque indienne quelques milliers.» Les délocalisa­tions pourraient concerner un millier d’emplois d’ici à fin 2017, et entre 10000 et 20000 d’ici à 2021, selon les estimation­s. Le Brexit est une vraie chance pour le secteur financier allemand, estime-t-on tant à Berlin qu’à Francfort.

Des atouts mais aussi des faiblesses

Volker Bouffier – soutenu sur ce point par le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble – compte sur les nombreux atouts de Francfort: la présence d’un secteur bancaire important et d’institutio­ns telles que la Banque centrale européenne, la Bundesbank (première banque centrale de la zone euro) et le contrôleur financier BaFin. Francfort dispose d’un aéroport internatio­nal presque aussi important que celui de Londres, et de personnel qualifié dans le secteur bancaire. Le marché immobilier y est moins tendu qu’à Londres, avec la constructi­on de nombreuses tours de bureaux en plein centre, en prévision de ces déménageme­nts.

Mais la provincial­e Francfort n’a pas que des atouts. La plate-forme en ligne Movinga s’est livrée à une étude comparativ­e entre les métropoles candidates pour reprendre une partie des activités de la City. Francfort arrive en sixième position en termes de loyers, connaissan­ce de l’anglais, taux d’imposition, développem­ent de structures scolaires bilingues, coût de nettoyage d’un costume ou d’un abonnement dans un fitness. Loin derrière Dublin ou Amsterdam.

L’avenir de la place financière de Francfort dépendra en partie de la capacité de la cité à attirer les 180 salariés que compte l’Autorité européenne de surveillan­ce (ABE), qui pourrait fusionner à terme avec les autorités de contrôle de la BCE. Les autorités de Hesse sont convaincue­s que cet argument pourrait jouer en faveur de Francfort, lorsque les autorités européenne­s devront choisir le futur site de l’ABE.

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(UNKEL/ULLSTEIN BILD VIA GETTY) Les banques américaine­s Goldman Sachs, Citi, Bank of America, JPMorgan et Morgan Stanley ont prévu de déplacer une partie de leurs activités de Londres vers Francfort.

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