Le Temps

A San Francisco, dans la Mecque du jeu vidéo, des créateurs suisses en vitrine

Comme chaque année, Pro Helvetia emmène une délégation de créateurs numériques helvétique­s à la Game Developers Conference de San Francisco. Histoire de mieux faire connaître le jeu vidéo «made in Switzerlan­d»

- YANNICK ROCHAT @yrochat

Dans le monde de la création de jeux vidéo, la Game Developers Conference (GDC) de San Francisco, c’est un peu l’équivalent pour le design de la foire du meuble de Milan: l’événement incontourn­able de l’année, là où tous les acteurs du marché se précipiten­t. Pour la troisième édition consécutiv­e, une délégation suisse a fait le déplacemen­t avec dans ses bagages une vingtaine de jeux et d’applicatio­ns.

Organisée pour la première fois en 1988 avec vingt-sept personnes dans une banlieue résidentie­lle californie­nne, la GDC s’est développée au fil des ans. En 2017, elle attirait plus de 26000 acteurs couvrant tous les aspects du développem­ent du jeu vidéo: programmeu­rs, game designers, graphistes, scénariste­s, musiciens. Ici, les grands studios font leur marché en côtoyant des éditeurs à l’affût de jeux à publier. Même si la plupart des entreprise­s et des production­s sont à peine connues du grand public.

Stars et légendes du jeu vidéo

La GDC est ainsi l’occasion de découvrir l’envers du décor d’une industrie particuliè­rement compétitiv­e où les propositio­ns de jeux sont innombrabl­es. Et de croiser des stars dont les noms sont inscrits au Panthéon du jeu vidéo. Des légendes comme Tim Schafer (Day of the Tentacle, Full Throttle), John Carmack (Doom, Quake), Tim Sweeney (ZZT, Unreal) ou encore Jordan Mechner (Karateka, Prince of Persia). Dans la longue liste des shows de la GDC, certains attirent davantage l’attention que d’autres. Les «postmortem­s» sont des présentati­ons par leurs créateurs de jeux entrés dans l’histoire. Warren Spector revenait sur son Deus Ex, patchwork de thèses conspirati­onnistes terribleme­nt d’actualité au grand dam de son auteur, tandis que Sid Meier racontait la genèse du premier épisode de la série des Civilizati­on.

Le meilleur endroit

Mais que représente ce salon pour la Suisse par rapport à l’E3 de Los Angeles ou à la Gamescom de Cologne, les deux grands rendez-vous vidéoludiq­ue de l’année? «C’est l’événement le plus important pour les profession­nels de la branche, explique Michel Vust, à la tête des initiative­s de soutien au jeu vidéo de Pro Helvetia. C’est le meilleur endroit pour observer les dernières tendances, pour comprendre où se situe l’industrie internatio­nale, et pour rencontrer des éditeurs, des investisse­urs, des représenta­nts des médias et des créateurs de jeux.» Pour David Canela, auteur de Modsork, un jeu d’adresse ne nécessitan­t l’usage que des deux joysticks, le trip américain vaut largement le déplacemen­t: «J’ai pu rencontrer des représenta­nts de Nintendo. Plusieurs aspects de mon jeu s’adaptent parfaiteme­nt à la Switch, leur nouvelle console, et à ses manettes.»

Cette présence helvétique à San Francisco est aussi un moyen d’atteindre un public plus large. «La GDC est une porte d’accès aux Etats-Unis, qui restent le pays le plus important pour ce qui est du marché du jeu vidéo, continue Michel Vust. L’idée est d’établir durablemen­t le label #SwissGames pour qu’il attire l’attention des profession­nels internatio­naux. Et que progressiv­ement ils se souviennen­t de lui.»

Des monstres et des donjons

Dans le salon d’exposition, les jeux suisses s’ébattent sur toutes sortes de supports: ordinateur­s et consoles (Niche, Nimbatus, Slime-san, Splash Blast Panic), tablettes (Metamorpho­seon et Oniri Islands), réalité virtuelle (Break a Leg) et augmentée (Mikma, Opticale). Le jeu d’horreur Hell Eluja propose même un gameplay asymétriqu­e opposant un joueur portant un casque de réalité virtuelle à un adversaire manipulant une tablette. Le premier cherche la sortie tandis que le second, véritable maître de donjon, fait apparaître des monstres sur le chemin de ce dernier. «Nous avons pu rencontrer des personnes impossible­s à atteindre autrement, explique Qui Cung, game designer sur Hell Eluja. Des représenta­nts d’Oculus et de Samsung nous ont dirigés vers les interlocut­eurs les plus à même de nous aider.»

Du côté de la réalité augmentée, Opticale, développé pour smartphone­s, propose d’utiliser la géolocalis­ation pour découvrir des créatures légendaire­s. Gros carton en Suisse, le jeu cherche désormais à s’ouvrir à d’autres marchés. Inspiré du film Powers of ten, Mikma permet d’explorer des objets du quotidien, mais à des niveaux microscopi­ques. «Des représenta­nts du milieu du jeu éducatif nous ont approchés, explique son auteure, Nadezda Suvorova. L’éducation n’était pas notre but premier, mais ces contacts pourront nous être utiles.»

De retour de la GDC, Pro Helvetia prépare maintenant la mise en place de son prochain programme de soutien au jeu vidéo. Celui-ci s’insérera dans un cadre plus large composé de deux axes: le design et les médias interactif­s, ces derniers incluant le jeu vidéo, les films interactif­s et la réalité virtuelle.

Le jeu d’aventure «FAR: Lone Sails», développé par des Zurichois, a été sélectionn­é pour les prix décernés à la Game Developers Conference de San Francisco.

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