Le Temps

Qu’ont-ils fait de leurs trophées? D’Andre Agassi au HC Davos, petit florilège détonnant

Dans tous les sports, sur tous les terrains, la période fin mai-début juin est celle des traditionn­elles remises de prix. Le sort qui attend certains trophées est parfois beaucoup moins traditionn­el

- LAURENT FAVRE @LaurentFav­re

Le mois de mai débute par un défilé et se termine par un cortège. Après le combat syndical, c’est l’heure de la lutte finale: finale des Mondiaux de hockey dimanche (victoire de la Suède sur le Canada); finale des Coupes de Suisse jeudi (Sion-Bâle), de France (PSG-Angers), d’Angleterre (Chelsea-Arsenal) et d’Allemagne (Francfort-Dortmund) samedi, d’Europe la semaine prochaine.

Les vainqueurs recevront de vénérables coupes d’argent ou d’improbable­s oeuvres d’art moderne, et même une planche de bois (tout de même ornée d’un bouclier) pour les rugbymen. Ils l’embrassero­nt, la lèveront au ciel, la rempliront de quantité de liquides divers, la videront. Certains dormiront avec. Mais après, que faire de son trophée, lorsqu’on n’a pas le musée du Real Madrid ou l’habitude du Bayern Munich? Florilège.

Le perdre, comme Grasshoppe­r Rugby

En 2015, les finalistes du championna­t de Suisse de rugby, Hermance et Genève-Plan-lesOuates, n’en reviennent pas. Au lieu du traditionn­el trophée, le président de la Fédération suisse de rugby (FSR) est venu avec une vulgaire coupe. Le champion 2014, Grasshoppe­r, a tout simplement perdu La Flèche de Guillaume Tell, oeuvre et don du sculpteur Serge Bourcart. «Malgré des recherches intensives, le trophée officiel n’a pas encore été retrouvé. Nous faisons tous les efforts pour remédier à cette situation honteuse pour nous le plus vite possible», écrit le capitaine de GC dans une lettre à la FSR. En 2016, Serge Bourcart se remet à l’ouvrage et livre un nouveau trophée, quasi identique au précédent (un ballon de rugby transpercé par une flèche fichée dans un socle de bois), auquel il ne manque plus désormais que la patine du temps et le nom gravé des vainqueurs.

Le casser, comme le HC Davos

Certes, le trophée décerné au champion de Suisse de hockey est très laid. Mais est-ce une raison pour le casser? Le CP Berne en 2010 et le HC Davos en 2011 et 2015 ont brisé en plusieurs morceaux ce vase de plexiglas jaune baptisé Twin Skate et facturé 10000 francs. Voici deux ans, c’est Paul Berri, pourtant responsabl­e du… matériel au HC Davos, qui a laissé échapper l’engin dans les couloirs du Hallenstad­ion. Cela n’a pas traumatisé les joueurs, qui se sont amusés à le rafistoler à coups de gros scotch.

Le brûler, comme Chamalière­s

Dans le rugby français, le champion national, quelle que soit sa catégorie, reçoit un bouclier rivé à une planche. La valeur affective portée à ce bout de bois est immense. Alors, lorsqu’en 2016 l’équipe de Chamalière­s, championne d’Auvergne de deuxième série, laisse le «planchot» un peu trop près du barbecue, les réseaux sociaux s’emparent de l’histoire et le monde de l’Ovalie s’embrase. Abattu et honteux, le président de Chamalière­s parle d’une «profanatio­n». «Des années de travail d’une quinzaine de bénévoles pour entretenir les valeurs du rugby ont été balayées en un rien de temps, et notre club fait figure de symbole de l’irrévérenc­e.» Ceux qui dédramatis­ent soulignent que ces débordemen­ts «se produisent chaque année mais ne finissent pas sur Facebook».

Les vendre et les racheter, comme Parme

En situation de faillite à l’été 2015, le Parma FC fut relégué de la Série A à la Série D. Comme dans une glauque série B, le club dut vendre tout ce qui avait un peu de valeur: téléviseur­s, smartphone­s, matériel médical, ballons, même le nom «Parma FC». Puisqu’il n’était plus possible de vendre de nouveau les anciens joueurs (Buffon, Cannavaro, Thuram, Stoitchkov, Zola, Veron), on vendit aussi les trophées: deux Coupes de l’UEFA, une Coupe des vainqueurs de coupe, trois Coupes d’Italie et une Supercoupe d’Europe. Quelques mois plus tard, remis à flot, le désormais Parma Calcio 1913 racheta le lot pour 50 000 euros.

Les détruire, comme Andre Agassi

Dans son autobiogra­phie, l’actrice Brooke Shields raconte que le tournage d’une scène de séduction avec Matt LeBlanc pour un épisode de la série Friends eut le don de rendre fou de jalousie son compagnon de l’époque, un certain Andre Agassi. Présent sur le plateau et se sentant humilié, le joueur de tennis prit sa voiture, roula de Los Angeles à son domicile à Las Vegas où, nullement calmé par les quatre heures de route, il déversa sa rage sur ses trophées de Wimbledon et de l’US Open (des répliques, heureuseme­nt). Il fallut trois ans de restaurati­on pour réparer les dégâts. Après leur séparation, Andre Agassi tomba amoureux de Steffi Graf en 1999, lorsque tous deux… remportère­nt Roland-Garros.

Andre Agassi vient de remporter la finale de Wimbledon en battant Goran Ivanisevic le 5 juillet 1992.

Le partager, comme le Charity Shield

Supercoupe, Trophée des champions, Community Shield. Longtemps, ces affiches de début de saison entre le champion national et le vainqueur de la Coupe n’étaient que d’aimables matches sans enjeux, un peu comme un jour de rentrée scolaire sans devoirs. En Angleterre, le Charity Shield changea de nom en 2001 et de formule en 1993. Avant, les équipes qui faisaient match nul se partageaie­nt le trophée. Six mois chacune. C’est tout de même arrivé douze fois, la dernière en 1991 (Arsenal-Tottenham 0-0). Depuis, on tire les penalties et on exulte comme si l’on avait remporté un titre.

Les échanger, comme Niki Lauda

Niki Lauda était sans doute le moins romantique et le moins sentimenta­l des pilotes de Formule 1. Vainqueur de 25 GrandPrix, l’Autrichien ne cache pas qu’il a simplement jeté à la poubelle la plupart de ses trophées. «Ils étaient moches et pour moi ils n’étaient pas utiles.» Il finit tout de même par leur trouver une valeur. «Je les ai échangés avec mon garagiste contre le lavage à vie de mes voitures.» Un deal à vie, qui cessa au décès du garagiste. «Malheureus­ement le gars est mort et son fils gère la station-essence maintenant.» Lauda en est resté inconsolab­le. «Je dois payer pour faire laver mes voitures!» Ses enfants ont récupéré certaines coupes et les ont fait restaurer mais, bon sang ne saurait mentir, «ils les ont mis sur eBay pour se faire de l’argent», peste le triple champion du monde.

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(AFP PHOTO/JEAN-LOUP GAUTREAU)

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