Le Temps

Une alliance Israël-Arabie, le rêve de Trump

Tout juste arrivé dans l’Etat hébreu, le président américain a affirmé à ses hôtes que leur position était mieux comprise que jamais par le régime saoudien. Il serait décidé à lancer un nouveau processus de paix israélo-palestinie­n

- SERGE DUMONT, TEL-AVIV

Peu après l’arrivée de Donald Trump et de ses proches en Israël, David Friedman, le nouvel ambassadeu­r des Etats-Unis dans ce pays, a confirmé que l’hôte de marque de l’Etat hébreu n’annoncera pas durant ce voyage le transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv vers Jérusalem. Mais cela ne signifie pas que la visite de 28 heures qu’effectue le chef de l’exécutif américain dans l’Etat hébreu et dans l’Autorité palestinie­nne est purement protocolai­re.

En effet, à plusieurs reprises au cours de ses rencontres avec le président israélien, Reuven Rivlin, et avec le premier ministre, Benyamin Netanyahou, Donald Trump a envoyé des messages très clairs à propos de la reprise du processus de paix. Evoquant son récent passage en Arabie saoudite et sa rencontre avec plusieurs dizaines de chefs d’Etat musulmans invités à Riyad pour l’occasion, il a affirmé aux Israéliens que leur position «est mieux comprise» par eux. Il a aussi fait comprendre qu’il existe une communauté d’intérêt contre l’Iran comprenant les Etats-Unis, Israël, l’Arabie saoudite et les régimes sunnites voisins.

Une rumeur de contacts secrets

«Le roi Salmane d’Arabie saoudite veut voir la paix entre Israël et les Palestinie­ns», a-t-il également lâché devant les invités du président Rivlin médusés. Pour les chroniqueu­rs israéliens, cette confidence volontaire ou pas confirme les rumeurs selon lesquelles des contacts secrets sont en cours depuis des mois entre les monarchies arabes, l’Etat hébreu et les Etats-Unis afin de pousser à la reprise des pourparler­s de paix interrompu­s en 2014.

Selon des sources palestinie­nnes proches de Mahmoud Abbas, Donald Trump lancerait son initiative d’ici à quelques semaines pour autant que la situation politique américaine et les enquêtes en cours sur les relations de son entourage avec Moscou le lui permettent. Si c’était le cas, il exigerait alors que les négociatio­ns se déroulent rapidement – d’ici à un an/un an et demi – et qu’elles débouchent sur des résultats. La conclusion d’un tel accord facilitera­it ensuite l’intégratio­n d’Israël dans un grand bloc uni par son hostilité à l’Iran.

En raison de la présence du chef de l’exécutif américain à Jérusalem, des dizaines d’artères de la ville ont été bouclées lundi matin pour laisser passer son convoi d’une centaine de véhicules. Les transports en commun ont partiellem­ent interrompu leur circulatio­n et plusieurs quartiers ont été entièremen­t bouclés.

Le dispositif, qui comprend

Donald Trump devant le mur des Lamentatio­ns. Il est le premier président américain en exercice à avoir osé s’y rendre.

11000 policiers et gardes-frontière, est particuliè­rement lourd et impression­nant. En tout cas, il oblige les habitants de la ville à jongler entre les barrages pour se rendre à leur travail ou emmener les enfants à l’école. Pourtant, les Israéliens de la partie ouest ( juive) le prennent plutôt bien puisque Donald Trump est considéré comme un «ami sincère». En témoignent ces affiches en quadrichro­mie proclamant que «Trump renforce Israël», ainsi que les manifestat­ions de jeunes Israélo-Américains qui perturbent le travail des journalist­es en scandant «fake news, fake news».

Dans les quartiers arabes de la ville et en Cisjordani­e, la réaction est évidemment différente puisque les organisati­ons palestinie­nnes ont proclamé une «journée de la colère». Outre les manifestat­ions mal contrôlées à Hébron et dans plusieurs autres villes de territoire­s occupés, un homme a été tué à Abu Dis après avoir tenté de poignarder un policier israélien.

La tension était particuliè­rement palpable dans la vieille ville de Jérusalem dont les habitants palestinie­ns avaient été priés de se cloîtrer chez eux et de fermer leur commerce pour permettre au président américain et à sa famille de se rendre au Saint-Sépulcre (le tombeau du Christ), puis au mur des Lamentatio­ns.

Courte marche dans des rues désertes

La tension était particuliè­rement palpable dans la vieille ville de Jérusalem

Portant une kippa noire, Donald Trump, qui avait marché quelques centaines de mètres dans des rues totalement désertes, s’est longuement recueilli devant le principal lieu saint juif. Une première puisque aucun chef de l’exécutif américain n’avait jusqu’alors osé franchir le pas. Certes, Barack Obama s’était rendu devant le plus important des lieux saints juifs mais il n’était alors qu’un candidat démocrate à la présidence parmi d’autres. Quant à Bill Clinton, il avait préféré y envoyer son épouse Hillary.

Afin de faire passer la pilule, l’entourage de Donald Trump a d’ailleurs présenté cette étape comme une «visite privée», à laquelle les responsabl­es israéliens n’ont pas été conviés. Pourtant, cette excuse ne trompe personne puisque les rabbins chargés d’expliquer la significat­ion des lieux et leur importance religieuse sont bien des fonctionna­ires de l’Etat hébreu payés par lui.

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(RONEN ZVULUN/AFP PHOTO)

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