Le Temps

Les hôpitaux prévoient de lourdes pertes

La révision de la grille Tarmed va engendrer une perte de 300 millions de francs pour les établissem­ents hospitalie­rs. Leur associatio­n plaide pour un nouveau modèle

- MAGALIE GOUMAZ, BERNE @magaliegou­maz

En présentant en mars dernier sa révision de la grille tarifaire Tarmed, le conseiller fédéral Alain Berset savait qu’il recevrait en retour une pluie de critiques. Surtout que son interventi­on n’est pas neutre financière­ment. Elle diminue les coûts à la charge de l’assurance maladie de 700 millions de francs. Les perdants? Les spécialist­es, dont les ophtalmolo­gues, radiologue­s, dermatolog­ues, etc. Mais aussi les établissem­ents hospitalie­rs. Ces derniers ont annoncé lundi à Berne que la révision creusera encore leur déficit de 300 millions de francs dans le domaine ambulatoir­e, alors qu’il est déjà de 600 millions de francs.

Tarmed, c’est près de 4000 lignes tarifaires qui recouvrent tous les actes médicaux appliqués en ambulatoir­e et remboursés par l’assurance maladie de base. Pour les cas nécessitan­t une hospitalis­ation, dont la prise en charge est de la responsabi­lité conjointe des assureurs et des cantons, un système de tarificati­on basé sur des forfaits est appliqué. Mais la part ambulatoir­e prend toujours plus d’importance. Elle représente près de 25% de l’ensemble des prestation­s hospitaliè­res, explique la conseillèr­e nationale Isabelle Moret (PLR/VD), présidente de H+, l’associatio­n des hôpitaux, cliniques et institutio­ns de soins publics.

Frein à l’ambulatoir­e

Sauf que les hôpitaux, déjà déficitair­es dans ce secteur, sont encore davantage mis sous pression par la révision en cours. Les hôpitaux universita­ires ont calculé qu’ils perdraient chacun environ 20 millions de francs. Swiss Medical Network (Genolier) aussi. Les Hôpitaux universita­ires de Genève donnent un exemple d’une réduction programmée: la hernie inguinale. La perte entre la facturatio­n actuelle et future s’élève à 17%. Werner Kübler, directeur de l’Hôpital universita­ire de Bâle, utilise également ce cas pour déplorer les effets secondaire­s d’une telle pression sur les prix: le retour à l’hospitalis­ation, dont le coût global est bien plus élevé. Cela alors que la Suisse est loin d’être la championne de l’ambulatoir­e dans le classement des pays de l’OCDE.

L’associatio­n H+ ne se dit pas opposée à certaines baisses des tarifs. «La grille Tarmed est en vigueur depuis treize ans. Elle est dépassée. Des prestation­s y sont clairement surévaluée­s. Elles sont pointées à juste titre», estime Isabelle Moret. H+ regrette cependant le manque de vision globale du projet. «Certaines positions sont aussi sous-évaluées. Il aurait été juste de les revoir à la hausse. Il y a également de mauvais incitatifs qu’il faut corriger», poursuit la présidente.

Médecins minutés

Les hôpitaux déplorent aussi le nouveau minutage qui va affecter les prises en charge, notamment en pédiatrie, gériatrie, psychiatri­e. «La pédiatrie requiert passableme­nt de temps, les enfants ne sont pas toujours coopératif­s et il y a davantage de travail de coordinati­on et d’informatio­n des parents», explique Bernhard Wegmüller, directeur de H+. Agnes Genewein, secrétaire générale de AllKids, l’associatio­n des hôpitaux pour enfants de Suisse, abonde: limiter l’étude du dossier en l’absence du patient à trente minutes sur trois mois ne convient pas aux petits. Le pédiatre est souvent la personne qui fait le lien entre son patient et l’école, d’autres thérapeute­s, les proches, etc.

Autre grief: la limitation du supplément pour les urgences. Alain Berset veut le supprimer pour les prestatair­es de soins qui en font une spécialité. «Mais avoir du personnel qualifié disponible 24h sur 24, 365 jours par an a un coût et nécessite une infrastruc­ture particuliè­re», rappelle Bernhard Wegmüller.

H+ admet que le conseiller fédéral n’a fait qu’utiliser sa compétence subsidiair­e pour revoir les tarifs, les partenaire­s n’étant pas parvenus à s’entendre dans le délai imparti. Mais l’associatio­n reproche au ministre de s’être entièremen­t fié aux assureurs. «Ils ont obtenu gain de cause et n’ont donc plus aucun intérêt à négocier, déplore Isabelle Moret. Cette manière de faire rompt la confiance.»

Les hôpitaux suisses ne vont cependant pas rester inactifs ces prochains mois. Ils vont notamment tenter d’introduire des forfaits (One-Day-DRG) pour une série d’opérations qui se situent à l’interface entre l’ambulatoir­e et le stationnai­re.

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