Le Temps

Clariant et Huntsman, un mariage de compromis

Le groupe bâlois va fusionner avec son homologue texan. Un nouveau géant valorisé à 20 milliards de dollars va naître d’une opération pour laquelle chacun a fait des concession­s

- SERVAN PECA @servanpeca

La chimie n’en finit plus d’enfanter des géants. Après Syngenta et ChemChina, et avant les potentiels regroupeme­nts de Monsanto et Bayer ou de Dow Chemical et DuPont, c’est au tour de Clariant d’annoncer son mariage avec un proche, l’américain Huntsman.

L’opération va créer un nouveau mastodonte dans le secteur. Le nouveau groupe s’appellera HuntsmanCl­ariant, pèsera 20 milliards de dollars (l’équivalent en francs) et générera un chiffre d’affaires de 13,2 milliards. Il comptera 200 sites de production et emploiera plus de 28000 personnes, selon les documents présentés lundi.

La transactio­n sera réalisée par un échange d’actions. Au final, les actionnair­es de Clariant détiendron­t 52% de la nouvelle entité, contre 48% pour ceux de Huntsman. «Puisqu’il n’est pas question de primes pour l’un ou pour l’autre actionnari­at, le débat va se focaliser sur les synergies possibles et la vitesse à laquelle elles pourront être réalisées», écrivait lundi matin un analyste de Morgan Stanley. Ce dernier n’avait pas tort. Le rapprochem­ent doit générer des économies de 400 millions de dollars par an, ainsi qu’un gain extraordin­aire de 500 millions dans les deux années à venir.

«La transactio­n parfaite»

Ce n’est de loin pas la première fois que Clariant entre en discussion avec un concurrent. Et ce n’est pas non plus la première fois que Huntsman se présente comme candidat. Mais jusqu’ici, les négociatio­ns n’avaient jamais abouti. Victoria Kruchevska, analyste chez Vontobel, rappelle que cela fait plus d’une décennie que les deux groupes se tournent autour.

Huntsman est revenu à la charge et les deux sociétés ont fini par tomber d’accord sur de nombreux points. Par exemple, que la ville bâloise de Muttenz conservera le siège du groupe, tandis que la direction des opérations sera centralisé­e aux Etats-Unis. Et aussi que les deux groupes garderont leur cotation respective, l’un à Zurich, l’autre à New York. «C’est la transactio­n parfaite au bon moment», a déclaré le directeur général de Clariant, Hariolf Kottmann.

Selon des sources citées par l’agence Reuters, les deux sociétés n’étaient d’abord pas parvenues à s’entendre sur le futur président de l’entité fusionnée. Aujourd’hui, l’on sait que c’est Hariolf Kottmann qui prendra la présidence du conseil d’administra­tion. Le patron de l’entreprise américaine, Peter Huntsman, le fils du fondateur, deviendra le directeur général de HuntsmanCl­ariant.

Si les deux groupes vont se réunir, c’est aussi parce que l’un et l’autre cherchent régulièrem­ent des alliances. Le groupe texan, fondé en 1970 et coté depuis 2005, s’est même construit à coups d’acquisitio­ns. Clariant, de son côté, a souvent voulu trouver preneur. Il l’a plus ou moins directemen­t clamé à plusieurs reprises ces dernières années, alors qu’il traversait de grandes difficulté­s.

Deux profils, deux marges

Aujourd’hui, le secteur se porte mieux et l’euphorie qui règne sur les marchés boursiers est propice aux rapprochem­ents. D’un point de vue stratégiqu­e, les deux groupes semblent complément­aires. Depuis l’arrivée de Hariolf Kottman, Clariant s’est concentré sur des activités à fortes marges et moins cycliques, comme les produits pour catalyseur­s ou la pétrochimi­e.

Pour sa part, Huntsman fabrique des produits chimiques plus courants, comme des polyurétha­nes pour les isolations ou les sièges de voitures, des polymères ou encore des pigments pour l’industrie textile. Cette différence de profil s’observe dans leurs marges opérationn­elles: Clariant affiche une profitabil­ité de 15,2% contre 11,7% pour Huntsman. Selon Vontobel, le regroupeme­nt devrait permettre à ce nouveau géant de dépasser le seuil de 20% à moyen terme.

La fusion devrait être officialis­ée d’ici à la fin de l’année. Elle doit encore obtenir l’approbatio­n des autorités de la concurrenc­e et des actionnair­es. Mais lundi, les analystes ne semblaient avoir aucun doute sur l’issue de ce mariage de compromis. ▅

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(MICHELE LIMINA/BLOOMBERG VIA GETTY) Peter Hunstman (à gauche), le patron du groupe du même nom, et Hariolf Kottmann, le directeur de Clariant, ont détaillé leur projet commun à Zurich lundi.

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