Pourquoi la jeune génération ne doit pas avoir peur pour le 2e pilier
Oui, il y a des défis à relever, des ajustements à opérer en fonction de l’évolution de l’espérance de vie et des rendements financiers attendus. Il y a quelques institutions en phase délicate avec notamment de gros déséquilibres entre actifs et passifs. Mais regardons les faits: le système du 2e pilier fonctionne et nombre d’institutions se portent bien.
Prenons l’exemple de la Caisse inter-entreprises de prévoyance professionnelle (CIEPP). La fondation créée en 1961 par la Fédération des entreprises romandes pour répondre aux besoins des PME affiche une croissance continue du nombre d’entreprises affiliées, un haut niveau de couverture, de solides réserves, un taux de conversion de 6,8% sur l’entier de l’avoir vieillesse, une excellente performance de gestion sur les cinq dernières années (6,2% en moyenne). Sur cette même période, la CIEPP a distribué 2,5% d’intérêt en moyenne chaque année, à mettre en regard avec une inflation négative. Où est la non-rémunération de l’épargne des actifs régulièrement évoquée par les procureurs du système?
Il faut aussi mettre fin aux discours qui attisent l’opposition entre rentiers et actifs, et même entre jeune génération et enfants du baby-boom. Les jeunes adultes seraient spoliés par leurs aînés, qui profiteraient extraordinairement de l’évolution des dernières années, disent certains. Pire, ils épargneraient aujourd’hui pour ne toucher que peu demain ou pour remplir un tonneau sans fond. Faux débat! Le 2e pilier accompagne une personne quasiment tout au long de sa vie: 60 à 80 ans!
Il est antinomique et faux de comparer la période d’accumulation du capital (période active) et celle de consommation du capital (période de vieillesse). Durant le temps de l’accumulation et de l’épargne, le système de prévoyance professionnelle n’a pas à s’engager à verser X% par année pendant 40 ans de vie active. L’objectif qui lui est assigné pour cette phase, c’est de garantir un rendement régulier de l’épargne vieillesse à hauteur de la règle d’or, c’est-à-dire un rendement supérieur à la croissance des salaires ou à l’augmentation de l’indice des prix. Le système du 2e pilier a les capacités de le faire. Et il le fait. Depuis 1985, le système a fait largement mieux, en moyenne 1,2% pour l’obligation légale et plus de 2% pour une institution comme la CIEPP. Au final, le système a permis d’améliorer de 30% le montant de la rente, corrigée de l’inflation.
La période de consommation du capital correspond, elle, au versement d’une rente garantie à vie. La rente est fixée en fonction d’une performance attendue, de l’espérance de vie et de la réversibilité sur les éventuels ayants droit (conjoint, partenaire principalement). Il s’agit donc ici de garantir une prévision des rendements futurs pour ce temps de vie.
Ce sont donc bien deux périodes distinctes qui traversent plusieurs cycles économiques mais qui fonctionnent différemment pour un seul but: verser les rentes de vieillesse les plus élevées possible en toute sécurité (garantie de la vie) et à un coût efficient.
La jeune génération ne doit pas avoir peur de l’avenir du 2e pilier. Elle qui pourra profiter des bénéfices des deux périodes décrites ci-dessus et d’un allongement de la durée de vie largement au-delà de 80 ans ne sera pas lésée. Elle pourra jouir d’une prévoyance retraite par capitalisation stable.
Quoi qu’on écrive ici et là, les rendements demeurent conséquents (6,2% à la CIEPP sur les cinq dernières années et 3,3% sur 10 ans en tenant compte de la crise de 2008). De quoi financer un niveau de rente conséquent! En regardant trop dans le rétroviseur, on postule que les taux d’intérêt vont rester éternellement bas – comme si c’était la fin des cycles – et on oublie les changements dans le monde du travail.
Sur le long terme, il est difficile de croire à une insuffisance dramatique de la croissance et donc des rendements des placements. Et quand bien même les rendements resteraient faibles pour une période prolongée, le système a les moyens de vivre.
Le système du 2e pilier est bien plus solide qu’on ne le répète quotidiennement dans les médias. Au lieu de le vilipender, nous devons sortir du débat dogmatique, informer objectivement les citoyens et nous unir autour d’un système de prévoyance qui a permis d’éradiquer en grande partie la pauvreté dans notre pays.
Notre système de prévoyance est une question d’équilibre. Jouer sur les peurs, monter les uns contre les autres pourrait finir par détruire le système que l’on croit sauver. A moins que le législateur n’agisse en dépit du bon sens, le système des trois piliers, base de la sécurité sociale enviée et saluée par de nombreux Etats étrangers, conserve sa force. Il possède un avenir. Nous pouvons donner ce conseil à la jeune génération: si votre fondation de 2e pilier est saine, continuez à faire des rachats, c’est l’un des meilleurs placements qui soient!
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«Il faut mettre fin aux discours qui attisent l’opposition entre rentiers et actifs, et même entre jeune génération et enfants du baby-boom»