Marie Garnier, la magistrate qui parlait trop, dessaisie de la préfecture de la Sarine
Rien ne va plus entre la conseillère d’Etat Marie Garnier et le préfet de la Sarine Carl-Alex Ridoré. Le gouvernement fribourgeois s’en mêle et reprend le dossier
«Ça suffit!» Ce mardi face à la presse, Maurice Ropraz, président du gouvernement fribourgeois, l’a répété à plusieurs reprises, résumant ainsi la réponse du Conseil d’Etat à la querelle qui oppose le préfet de la Sarine, Carl-Alex Ridoré, et sa ministre de tutelle, Marie Garnier. Une goutte d’eau a récemment fait déborder le vase: la transmission à la presse par Marie Garnier elle-même d’un audit interne. «Notre collègue a voulu bien faire. Mais nous sommes d’avis que le mode choisi était inapproprié et maladroit.» Concrètement, Maurice Ropraz va dorénavant gérer à sa place certaines tâches qui la liaient à la préfecture de la Sarine, soit les engagements et la communication. La décision entre en vigueur «avec effet immédiat jusqu’à révocation», précise-t-il.
Le puzzle
A Fribourg, ce n’est pas tous les jours que le monde politique se met en mode «gestion de crise». Mais cela fait plusieurs semaines maintenant que les relations entre la conseillère d’Etat écologiste, chargée des institutions, et le préfet de la Sarine alimentent la chronique. Une fuite en amenant une autre, l’affaire a pris un tournant politique et juridique, contraignant le gouvernement à intervenir.
Au départ, il y a le constat que la préfecture de la Sarine connaît un important tournus dans son personnel, avec des vagues de départs qui entravent le bon fonctionnement de l’institution. A qui la faute? Marie Garnier a commandé un audit, dont les conclusions sont sévères pour le préfet. De son côté, Carl-Alex Ridoré a évoqué du mobbing au sein même de son équipe. Il a souhaité lui aussi l’ouverture d’une enquête et demandé la récusation de la conseillère d’Etat. Il a été remis au pas par le gouvernement, qui l’a sommé de mettre de l’ordre dans sa maison. C’est la presse qui a progressivement pu rassembler les pièces de ce puzzle.
Secret de fonction
Mais le feuilleton a connu un énième rebondissement la semaine dernière, avec la divulgation du fameux audit par les Freiburger Nachrichten, lesquels n’ont pas caché leur source: Marie Garnier. La conseillère d’Etat répond avoir agi avec le consentement du président du gouvernement. Ce que Maurice Ropraz ne dément que partiellement: «C’est vrai, je lui ai dit qu’il y avait lieu de communiquer de manière ferme et directe», répond-il, précisant qu’il sous-entendait que cette communication devait se faire dans le cadre institutionnel. La transmission d’un rapport confidentiel, qui porte sur des personnes, qui plus est à un média bien ciblé, était le pas à ne pas franchir.
Le Ministère public a immédiatement ouvert une investigation préliminaire pour soupçons de violation de secret de fonction concernant la transmission d’informations internes relevant de la préfecture de la Sarine. Fabien Gasser, procureur général, a demandé des renseignements au Conseil d’Etat, notamment la production des échanges de courriers. La décision sur la suite de la procédure sera prise après analyse des documents. La droite fribourgeoise, qui pensait ravir le siège de l’écologiste aux dernières élections cantonales, ne va probablement pas en rester là.
Maurice Ropraz indique que le gouvernement a fait mardi matin l’état des lieux. «Nous avons pris connaissance de l’évolution du dossier et émis notre vive préoccupation», dit-il. Décision a alors été prise de transférer certaines tâches de la directrice des institutions. «A sa demande et à son grand soulagement», assure-t-il. Marie Garnier ne veut plus se prononcer sur la question. Carl-Alex Ridoré par contre «prend acte avec une satisfaction certaine des décisions communiquées». Le préfet du plus important district du canton dit vouloir maintenant se tourner vers l’avenir dans un esprit positif et constructif. Le président du Conseil d’Etat évoque les défis importants de la préfecture, notamment le projet de fusion du Grand Fribourg. «L’image du préfet ne doit pas être ternie par des querelles internes», estime-t-il. Quant à celle du gouvernement, qui a agi tardivement, et de sa conseillère d’Etat, au coeur d’une investigation judiciaire? C’est une autre question.
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