Fabrice A., la stabilité d’un verdict
Le Tribunal criminel a condamné Fabrice A. à une peine de prison à vie assortie d’une mesure d’internement simple. Le jugement dépeint l’assassin méticuleux voulu par le parquet, mais retient aussi la faible lueur d’espoir plaidée par la défense
Le Tribunal criminel genevois a condamné l’assassin de la sociothérapeute Adeline à une peine de prison à vie assortie d’une mesure d’internement simple. Personne ne devrait faire appel de cette décision, qui permet de maintenir l’intéressé derrière les barreaux jusqu’à la fin de ses jours.
Le crime était ruminé, cruel et abject. Le personnage est machiavélique et toujours très dangereux pour la société. Le procès de Fabrice A. s’est achevé mercredi par un verdict très sévère qui tourne sans doute définitivement une page mouvementée de l’histoire judiciaire genevoise. L’assassin de la sociothérapeute Adeline est condamné à une peine privative de liberté à vie ainsi qu’à une mesure d’internement simple. En toute logique, personne ne devrait faire appel de cette décision, qui permet de maintenir l’intéressé derrière les barreaux jusqu’à la fin de ses jours moyennant un réexamen régulier de son potentiel psychopathe.
Combat improbable
Même si le procureur général, Olivier Jornot, avait demandé aux juges de faire fi des conclusions réservées des experts et de s’aventurer sur le terrain incertain d’un internement à vie, il devrait se satisfaire d’une issue qui retient le scénario très sombre d’une préméditation élaborée tout en mettant la société à l’abri d’une récidive. Le patron du Ministère public avait d’ailleurs laissé entendre lors de son réquisitoire qu’il n’irait pas «tomber au champ d’honneur» pour cette disposition controversée et finalement peu utile.
La défense, qui espérait de son côté une responsabilité restreinte pour empêcher le prononcé d’une peine à perpétuité, évite tout de même le pire avec une mesure d’internement simple. Fabrice A., lui-même, a eu l’air soulagé en entendant la motivation orale d’un jugement qui exclut la mise à l’écart la plus radicale de l’arsenal pénal faute d’inaccessibilité définitive à tout traitement. Quant à la partie plaignante, qui a publiquement regretté la minuscule lueur d’espoir laissée à Fabrice A., elle n’a pas voix au chapitre en matière de sanction et ne peut donc pas faire appel sur ce point.
Fabrice A. n’ira donc très vraisemblablement jamais rejoindre le club très fermé des internés à vie de Suisse. Pour le moment, celui-ci est composé d’un seul condamné définitif. Un homme qui avait assassiné une prostituée après avoir commis plusieurs viols et qui n’a jamais recouru contre la mesure infinie prononcée contre lui en 2010 par un tribunal thurgovien assez hardi. C’était avant la jurisprudence très restrictive du Tribunal fédéral (dans l’affaire Lucie) exigeant un pronostic pour toujours dramatique.
Le second candidat sérieux est Claude D., l’assassin de la jeune Marie, pour lequel le Tribunal cantonal vaudois a confirmé, en septembre dernier, l’internement à vie sur la base d’expertises psychiatriques nettement plus péremptoires et plus pessimistes que celles exposées au procès de Genève. L’affaire est encore entre les mains du Tribunal fédéral.
Pour écarter l’internement à vie dans le cas de Fabrice A., le Tribunal criminel a précisé qu’aucun collège d’experts ne constate ici que l’intéressé serait, pour des raisons étroitement et durablement liées à sa personnalité, véritablement inaccessible à un traitement sa vie durant. Le duo des psychiatres suisses a estimé qu’un tel pronostic était impossible à faire. Les experts français sont même allés plus loin, rappelle le jugement, en n’excluant pas une compliance à la thérapie et une évolution. Les conditions légales n’étant ainsi pas réalisées pour prononcer cette mesure ultime – entrée en vigueur en 2008 après l’initiative adoptée par le peuple –, la cour a logiquement renoncé à le faire en lui préférant sa variante dite ordinaire.
Avant d’en arriver à ce point le plus controversé, qui cristallise les attentes du public dans une grande confusion, le tribunal a fait de Fabrice A. l’auteur d’un crime «monstrueux». Toutes les conditions de l’assassinat sont réunies. Il a agi de façon particulièrement odieuse, lâche et perfide en tranchant la gorge de sa victime, après l’avoir attachée à un arbre tout en lui donnant le faux espoir qu’il la ferait libérer après sa fuite. Le décès de la victime, qui s’est vidée de son sang, a été lent et particulièrement stressant.
Son seul mobile était d’assouvir ses fantasmes d’égorgement, son besoin de domination et son envie de ressentir les effets d’une telle mise à mort. Un mobile d’autant plus abject, ajoute la décision, qu’Adeline était la gentillesse incarnée et qu’elle lui avait tendu la main pour l’aider à se réinsérer. Le tribunal retient la dimension sexuelle dans le plaisir infini ressenti par Fabrice A. au moment de tuer. Il retient aussi que ce dernier a prémédité son crime et choisi sa victime. Même si le prévenu a pu exagérer sa maîtrise des choses à l’intention des experts afin de grandir encore l’image de son pouvoir néfaste, cela n’exclut en rien la planification minutieuse de cette sanglante sortie.
Double précaution
Mis à part une enfance difficile, rien ne vient expliquer ou atténuer la faute extrêmement lourde de Fabrice A., lequel est aussi reconnu coupable de séquestration, de contrainte sexuelle (le baiser imposé) et du vol des affaires de la victime. Aux yeux des juges, seule une peine privative de liberté sans limites peut ici entrer en considération.
Cette peine à perpétuité – qui n’est pas égale à 20 ans et qui n’est pas non plus une promesse de libération conditionnelle après 15 ans – aurait à elle seule permis de garder indéfiniment le bourreau d’Adeline en prison en cas de risque évident. Deux précautions valant mieux qu’une, le tribunal a aussi opté pour une mesure d’internement simple dont la durée est indéterminée et qui ne sera levée que si tout danger peut être raisonnablement écarté. Que demander de plus?
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Personne ne devrait faire appel de cette décision, qui permet de maintenir l’intéressé derrière les barreaux jusqu’à la fin de ses jours Toutes les conditions de l’assassinat sont réunies. Fabrice A. a agi de façon particulièrement odieuse