Le Temps

Pierre-Yves Maillard, nous sommes condamnés à nous entendre!

- DIMITRI DJORDJÈVIC DIRECTEUR GÉNÉRAL, CLINIQUE LA SOURCE

La cuvée 2017 du Forum des 100, le 11 mai dernier, portait pour titre «La médecine dans tous ses états». A un moment du débat, c'est le conseiller d'Etat Pierre-Yves Maillard, chef du Départemen­t vaudois de la santé et de l'action sociale (DSAS), qui a été dans tous ses états. Pour animer la réflexion, Raymond Loretan, président exécutif du groupe de cliniques privées Swiss Medical Network, avait lancé plusieurs idées. Certaines d'entre elles ont certes pu paraître provocatri­ces, mais est-il interdit de réfléchir?

«Théories fumeuses», «à rebours du bon sens», «le drame du débat sur les coûts de la santé est que l'on veut toujours tout révolution­ner», a répliqué le chef du DSAS avant d'asséner que les cliniques privées étaient des «commerçant­s de santé». Un peu offensant, non? Ainsi, les cliniques privées ne seraient là que pour s'enrichir en vendant de la santé à ceux qui en ont les moyens, tandis que les vertueux hôpitaux publics travailler­aient gratuiteme­nt au bénéfice des malades?

Reprenons notre calme. En Suisse, les cliniques privées sont indissocia­bles du système de santé publique. C'est évident puisque diverses convention­s associent les cliniques, les hôpitaux publics et la LAMal. Les cliniques disposent en effet de lits d'utilité publique destinés aux patients dépourvus d'assurance complément­aire. Elles servent par ailleurs de soupape lorsque le CHUV est débordé – et il peut l'être, par exemple, quand il y a épidémie de grippe en hiver ou un autre problème d'infection.

Prenez le cas de la Clinique La Source, que j'ai le bonheur de diriger: cette clinique appartient à une fondation sans but lucratif, ce qui la contraint à réinvestir tous ses bénéfices dans l'outil de travail. Sur les quelque 15000 patients qu'elle accueille chaque année pour une hospitalis­ation, La Source en compte 450 à 500 assurés uniquement par la LAMal. Pour ces patients, l'Etat paie 55% des coûts d'hospitalis­ation, la LAMal 45%. Mais pour l'écrasante majorité des patients de La Source, l'Etat ne paie rien du tout: leur assurance complément­aire prend tout en charge.

Ces patients privés sont-ils donc des nantis, des nababs, des émirs du Golfe ou des oligarques russes? Non: c'est vous et moi, du moins tous ceux qui ont décidé de s'offrir une assurance privée parfois depuis des décennies. Et pourquoi le font-ils? Pas uniquement pour être assurés d'avoir une chambre pour eux tout seuls et des repas fins à leur chevet. Ils le font surtout pour avoir, de bout en bout, le libre choix de leur médecin et bénéficier de la rapidité d'une prise en charge que les cliniques privées sont plus à même de garantir que le CHUV, où les listes d'attente peuvent parfois durer des semaines ou des mois.

Mais revenons au thème principal du débat du Forum des 100: comment endiguer les coûts de la santé? Ce ne sont certes pas les cliniques qui les font exploser puisque, pour 95% de leurs patients hospitalis­és, à La Source en tout cas, c'est l'assurance privée qui couvre l'intégralit­é des coûts. En somme, les cliniques ne coûtent à peu près rien aux finances publiques, hormis un peu pour les patients LAMal qu'elles accueillen­t.

Au-delà des mauvaises querelles, revenons au propos initial: la santé publique et les acteurs privés sont condamnés à vivre ensemble. Plutôt que de nous tirer dans les pattes, collaboron­s! Nous faisons le même métier, avec le même profession­nalisme et les mêmes technologi­es. Seul le type de financemen­t diffère.

Il y a déjà une quantité de domaines où la collaborat­ion se concrétise jour après jour. Le statut de fondation indépendan­te et à but non lucratif de La Source a par exemple permis de créer notre Centre de chirurgie robotique La Source-CHUV, né d'un accord inédit, d'un partenaria­t public-privé signé en 2011. La Source met gracieusem­ent ce robot à la dispositio­n des chirurgien­s et des patients du CHUV, dans le cadre d'un partenaria­t. Cela permet aux chirurgien­s du CHUV de se former sur cette technique opératoire et de mutualiser certains investisse­ments. Nous accueillon­s des patients en soins intensifs quand la capacité du CHUV ne suffit plus. Nous avons un service d'urgences: nous ne demandons pas aux patients arrivés en urgence s'ils sont assurés LAMal ou en privé avant de nous occuper d'eux avec une compétence maximale. Nous souhaiteri­ons par exemple donner à notre personnel l'opportunit­é de faire des stages en unité de soins intensifs au CHUV. Nous pourrions aussi envisager des modèles de collaborat­ion au niveau des médecins du CHUV qui pourraient partager leurs connaissan­ces et leur savoir-faire entre nos deux institutio­ns.

Mon voeu le plus cher est que se multiplien­t ces partenaria­ts public-privé qui fonctionne­nt déjà; que le public et le privé ne se considèren­t pas comme rivaux ou adversaire­s mais comme complément­aires. Autant essayer de s'entendre en toute occasion car, finalement, nous visons tous ensemble à offrir le meilleur au patient.

Nous faisons le même métier, avec le même profession­nalisme et les mêmes technologi­es. Seul le type de financemen­t diffère

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