Bâle met fin aux conquêtes de Sion
Les Valaisans ne sont plus invincibles en finale de la Coupe de Suisse. Jeudi au Stade de Genève, ils ont été balayés 3-0 par un FC Bâle impitoyablement réaliste. C’est la victoire de l’ordinaire sur l’extraordinaire
Sébastien Fournier l’avait annoncé avant le match. La défaite du FC Sion en finale de la Coupe de Suisse, jeudi contre Bâle, ne serait pas uniquement la sienne, ni celle de ses joueurs, ni même celle du président Christian Constantin. Elle serait celle de tout un canton, le Valais, et de tous les Valaisans. Au moment où l’arbitre Stephan Klossner a sifflé la fin de la rencontre, l’atmosphère pesante qui s’est installée dans le Stade de Genève a montré à quel point il avait raison. Peutêtre même aurait-il pu aller plus loin: quelque part, chaque fan de foot dans le pays a perdu avec le FC Sion. Bien sûr, les 8000 supporters bâlois célébraient leurs favoris, mais un des principaux mythes du sport suisse venait de s’effondrer.
Vertige. Jusque-là, le FC Sion avait disputé treize finales de Coupe et les avait toutes gagnées. La première en 1965. La dernière cinquante ans plus tard, en 2015. C’était déjà contre un FC Bâle archi-favori, champion de Suisse en série depuis des années, mais la fameuse magie de la Coupe, celle qui avait le pouvoir de transformer la plus terne des formations valaisannes en une machine à gagner le temps de 90 minutes, avait opéré. Les Sédunois s’étaient imposés 3-0. Jeudi, au Stade de Genève, le score fut le même, mais à leurs dépens cette fois-ci.
«Je ressens un grand vide, déclarait, regard dans le vague, l’entraîneur Sébastien Fournier peu après le coup de sifflet final. Quelque part, nous savions que cette défaite devait arriver un jour. Cela tombe sur notre équipe, sur moi, c’est triste. Mais je ne parviens pas encore à en mesurer la signification, à mettre des mots là-dessus. Il nous a peut-être manqué un peu de foi, quelque chose comme ça…»
Quelque chose d’irrationnel
Depuis la qualification pour la finale, obtenue le 5 avril dernier aux tirs au but contre Lucerne, le FC Sion avait pourtant tout mis en oeuvre pour écrire un nouveau chapitre de sa légende. L’entraîneur allemand Peter Zeidler a été écarté au profit d’un Sébastien Fournier qui mesure parfaitement l’importance de la Coupe en Valais – il en a gagné trois en tant que joueur sous le maillot du FC Sion. Le président Christian Constantin a organisé les séminaires de motivation dont il a le secret avec des personnalités inspirantes. L’équipe s’est retrouvée lors d’une mise au vert en terres vaudoises. Elle a tenté de provoquer, pour la quatorzième fois, l’étincelle qui lui permet de soulever le trophée alors que, souvent, elle n’aborde pas la finale dans la peau du favori.
La série du FC Sion était-elle, comme certains le revendiquent, unique au monde? Difficile à vérifier. Mais elle avait incontestablement quelque chose d’irrationnel. Une improbable loi mystique semblait offrir aux joueurs arborant le maillot rouge et blanc le pouvoir de se transcender dans les conditions très particulières d’une finale et elle survivait à tous les changements de générations, de joueurs, d’entraîneurs, de dirigeants, d’époque. En finale de Coupe de Suisse, le public découvrait des footballeurs sous un jour inédit. Plus déterminés. Plus habités. Le FC Sion et la Coupe, c’était une histoire tutoyant l’extraordinaire.
Si elle s’est terminée jeudi au Stade de Genève, c’est précisément parce que les Valaisans se sont fait rattraper par l’ordinaire. Avant la rencontre, toutes les statistiques et tous les bookmakers donnaient le FC Bâle pour favori au nom de la routine. Les Rhénans dominent le football suisse sans partage depuis huit ans. En championnat, ils n’ont plus perdu contre Sion depuis mai 2011 (24 matches, 17 victoires). Pour croire aux chances des Valaisans, il fallait se convaincre qu’ils feraient de cette partie quelque chose de spécial. Ils n’y sont pas parvenus.
La glissade de Pa Modou
La première mi-temps: cadenassée, pauvre en occasions et même en situations dangereuses. Les deux équipes se neutralisaient et cela convenait parfaitement au FC Sion. «C’était notre plan de jeu, analysait après coup l’entraîneur Sébastien Fournier. L’idée, c’était de tenir le choc puis de mettre davantage de poids offensif en fin de partie en faisant entrer Bia et Carlitos, qui n’avaient pas le physique nécessaire pour tenir tout le match.» Mais la stratégie a volé en éclats dès le début de la seconde période. Sur une action anodine, le latéral Pa Modou glissait et permettait au FC Bâle de concrétiser sa première véritable opportunité, par la grâce de son maître à jouer Matias Delgado.
Le capitaine valaisan Reto Ziegler s’emparait rapidement du cuir dans les filets, façon de dire qu’il était temps de sonner la révolte. Les supporters valaisans, largement majoritaires dans les tribunes, voulaient y croire en se rappelant que, par le passé, le FC Sion avait plusieurs fois été mené en finale de la Coupe avant de s’imposer. Mais cette fois-ci, malgré un pressing intensifié, Sion s’est heurté à ses limites et à un adversaire solide. A l’heure de jeu, le FC Bâle inscrivait le 2-0 par son latéral gauche Adama Traoré. L’international Michael Lang corsait l’addition dans les dernières minutes d’une belle volée. «J’ai ressenti une forme d’impuissance, avouait Fournier. Malgré les changements, malgré tout, il nous manquait de la substance pour aller chercher un but.»
La victoire du FC Bâle n’a rien en commun avec ce qu’aurait été celle du FC Sion. A la magie de la Coupe et à la capacité de se transcender, les Rhénans opposent la mécanique impitoyable d’une machine bien rodée. Cette saison, ils ont réussi le doublé. Malgré cela, l’entraîneur Urs Fischer n’a pas été confirmé dans ses fonctions. Son successeur, Raphaël Wicky, aura la lourde tâche d’assumer l’héritage d’un club qui reste sur huit titres de champion de Suisse consécutifs. Et qui sait parfaitement, pour l’avoir enseigné au FC Sion, que toutes les séries sont faites pour se terminer.
«Quelque part, nous savions que cette défaite devait arriver un jour. Cela tombe sur notre équipe, sur moi, c’est triste» SÉBASTIEN FOURNIER, ENTRAÎNEUR DU FC SION