Le Temps

«Se battre pour une autre appartenan­ce cantonale n’est pas ringard»

- L.B. ET M.G.

Dans son bureau de l’Hôtel de Ville, le maire de Moutier, Marcel Winistoerf­er, est fébrile. La campagne se durcit. Successeur de Maxime Zuber depuis le 1er août dernier, cet élu PDC a annoncé cette semaine à son Conseil municipal que les verrées à l’issue des séances seraient supprimées jusqu’en août. «C’est mieux comme ça. Le ton monte un peu. Cela dit, il n’y a aucune comparaiso­n par rapport à l’époque.»

L’époque, c’est celle des plébiscite­s en cascade de 1974 et 1975. Marcel Winistoerf­er raconte, des étoiles dans les yeux: «J’étais à l’Ecole normale à Porrentruy, où j’apprenais le métier d’enseignant. Mais je revenais toutes les fins de semaine à Moutier. On habitait à côté de la gare. En face, il y avait les brigadiers.» Et des échauffour­ées entre policiers bernois et militants séparatist­es. Un cauchemar? «Un rêve! Je me suis fait aspirer par le Jura.»

«Les Jurassiens sont plus colorés»

Originaire­s du canton de Soleure, les Winistoerf­er arrivent à Moutier en 1955. Le père de Marcel, Max, est très engagé en politique. Il est aussi catholique et prend rapidement parti pour le Jura. La religion joue-t-elle aujourd’hui encore un rôle dans l’appartenan­ce cantonale, Berne étant majoritair­ement protestant? Marcel Winistoerf­er sourit: «Les Jurassiens, catholique­s, sont plus colorés et vite pardonnés. Tandis que les Bernois, protestant­s, ont peur du conflit et sont des taiseux. Ce sont des clichés, mais ils ont du vrai.»

Pourtant, la langue maternelle des Winistoerf­er est ce dialecte que les Jurassiens caricature­nt si volontiers. «Je n’ai jamais fait partie du Mouvement autonomist­e jurassien parce qu’à l’époque, je n’ai pas tellement goûté le fait qu’on s’en prenne aux Suisses alémanique­s. Ensuite, j’ai compris que c’était par opposition au canton de Berne», explique le maire, qui enseigne l’allemand à l’école primaire de la ville.

Dans le mal nommé Café de l’Ours, fief séparatist­e à Moutier, Valentin Winistoerf­er écoute son père avec un regard tendre et amusé. A 24 ans, il est vice-président du Conseil de Ville sous la bannière du Rauraque, formation de jeunes pro-jurassiens. «Contrairem­ent à ce que peuvent penser beaucoup de gens, je me suis forgé une identité jurassienn­e par mes propres expérience­s», affirme-t-il. «Prenez la culture: le canton du Jura est un exemple à suivre», poursuit cet étudiant en littératur­e française et histoire à l’Université de Neuchâtel. «Sans jugement de valeur aucun, pour mon avenir, j’ai davantage envie de théâtre que de compétitio­ns de tracteur pulling.»

Pas question de déménager

Quand on évoque leurs références jurassienn­es, Marcel cite les «pères fondateurs» du canton du Jura, Béguelin, Schaffter, Voyame et son ami jurassien Serge Vifian. Valentin parle de François Lachat, mais met surtout en avant les musiciens jurassiens Carrousel et Sim’s. «Aux yeux du monde, il peut paraître ridicule de se battre pour une appartenan­ce cantonale. Mais en intégrant un canton jeune – le Jura – qui a appris de ses erreurs et fait un excellent boulot, on a l’occasion de prendre part à une nouvelle dynamique», estime-t-il. Le Jura bernois politique, représenté par deux UDC au plus haut niveau, l’un au Conseil-exécutif et l’autre au Conseil national, l’«horripile».

Pas question pour autant de déménager si Moutier reste bernoise. «J’aime ma ville», dit tranquille­ment Valentin. Marcel bouillonne sur sa chaise. «A titre personnel, ce serait une déception inouïe. Et si Moutier reste bernoise, je ne me représente­rai pas à la mairie, c’est certain.» Mais père et fils le savent: le 19 juin, les défis d’avenir au niveau municipal resteront les mêmes. «C’est l’emploi, le système sanitaire et le maintien de la ligne CFF Bâle-Genève dans les lignes prioritair­es de la Confédérat­ion», cite le maire. «Et il faudrait amener une dynamique culturelle et économique au centrevill­e», évoque le fils.

«En intégrant un canton jeune – le Jura – qui a appris de ses erreurs et fait un excellent boulot, on a l’occasion de prendre part à une nouvelle dynamique» VALENTIN WINISTOERF­ER

 ??  ?? Marcel Winistoerf­er, 60 ans, maire de Moutier (PDC), et Valentin Winistoerf­er, 24 ans, vice-président du Conseil de Ville (Rauraque), ont leurs habitudes au mal nommé Café de l’Ours à Moutier, un fief séparatist­e.
Marcel Winistoerf­er, 60 ans, maire de Moutier (PDC), et Valentin Winistoerf­er, 24 ans, vice-président du Conseil de Ville (Rauraque), ont leurs habitudes au mal nommé Café de l’Ours à Moutier, un fief séparatist­e.

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