Une «guerre» asymétrique
Les Etats et le secrétariat de l’OMS chargé de faire respecter la convention antitabac se disent débordés par l’armée de lobbyistes des groupes cigarettiers
Entrée en vigueur en 2005, la «Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac» FCTC a pour ambition de s'ériger en document de référence. Elle a déjà incité des dizaines d'Etats à élever les taxes antitabac, à interdire la fumée dans les lieux publics et/ou à agrandir les messages de prévention sur les paquets. Pourtant, un rapport du secrétariat de la FCTC datant de fin 2016 déplore le manque de progrès récents. Seuls 7 des 16 articles «substantiels» du traité ont été mis en oeuvre depuis 2014. L'une des raisons principales: les «interférences de l'industrie du tabac», dénoncées par certains des Etats membres à cette convention-cadre.
«Jeu politique»
Rien que chez Philip Morris, quelque 600 «directeurs des affaires corporatives» oeuvrent à promouvoir les intérêts du géant du tabac. Soit l'une des plus grandes armées de lobbyistes au monde, selon Reuters, qui a consulté un courriel interne datant de 2015. Dans sa documentation interne, révélée par l'agence britannique, Philip Morris évoque fréquemment sa stratégie de lobbying par les expressions «jouer le jeu politique» et trouver des alliés qui «offrent une couverture et des victoires politiques».
Détournement de badges
Face à cette machine bien huilée, le secrétariat genevois de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), chargé de faire respecter les clauses antitabac contenues dans la convention FTCT, compte 19 employés. Son budget annuel ne dépasse pas 460 000 dollars (444 000 francs).
En 2014, lors d'une conférence antitabac à Moscou, le secrétariat du traité FTCT avait fini par fermer les portes de la conférence, vu l'utilisation abusive par les lobbyistes de l'industrie cigarettière des badges destinés au public. «C'est une véritable guerre», résume la cheffe du secrétariat, Vera Luiza da Costa e Silva, citée par Reuters.
Selon une source interne de Philip Morris, l'OMS refuse catégoriquement d'entrer en discussion sur les produits à risques réduits comme l'IQOS. Ouverts dans les années 1970, les conflits entre les géants du tabac et l'OMS vont perdurer.
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