Le Temps

Dans l’ombre des artistes

Passé par le bénévolat, le Bernois est depuis l’an dernier assistant de production. A Paléo, il s’assure que la centaine de concerts programmés se déroule dans des conditions optimales

- STÉPHANE GOBBO @StephGobbo

Lorsqu'on l'aperçoit au loin venir à notre rencontre, avec sa chemise en jeans et ses cheveux longs et bouclés, on croirait voir le jeune Robert Plant. Ça tombe bien, Christoph Spicher, dans la fourmilièr­e Paléo, est de ceux qui travaillen­t au contact des artistes et de leur entourage. Fidèle du festival nyonnais depuis une bonne décennie, d'abord en tant que bénévole, notamment à la sécurité, le Bernois est depuis l'an dernier assistant de production, au bénéfice d'un contrat annuel de quatre mois. L'hiver, il occupe la même fonction au Zermatt Unplugged, où il programme également les scènes off, dévolues aux découverte­s.

Sous ses airs de rocker, Christoph Spicher cache un diplômé de l'Institut de hautes études internatio­nales et du développem­ent de l'Université de Genève. Son bachelor en poche, désireux d'enfin découvrir ce Cervin qui attire les touristes du monde entier, il décide de trouver un petit job à Zermatt. Le voilà qui se retrouve à travailler dans une cabane de montagne, où il fait la connaissan­ce de Thomas Sterchi, qui n'est autre que le fondateur et président de l'Unplugged. Et le jeune homme de travailler bénévoleme­nt pour le festival, avant de se voir proposer un stage dans la production. Il vit dorénavant une partie de l'année à Zurich, où se trouvent les bureaux de la manifestat­ion haut-valaisanne, et une autre dans la région de Nyon.

Master en économie

A Paléo, Christoph Spicher fait partie d'un trio aux côtés du programmat­eur Dany Hassenstei­n et d'une stagiaire, Liliane Neubecker. Il entre en action dès que les artistes ont confirmé leur venue. A lui de servir de lien entre les agents, les maisons de disques et les tour managers, et de gérer ce qu'on appelle dans le jargon les

«riders», à savoir les fiches techniques détaillant le matériel dont a besoin chaque groupe en marge de ce qu'il amène avec lui. Dans un second temps, il confie ces demandes aux responsabl­es de chacune des scènes du festival, aux

venue managers qui doivent orchestrer les changement­s de plateaux entre un concert et l'autre.

Cette année, sans surprise, la plus grosse production à débarquer sur la plaine de l'Asse est la caravane des Red Hot Chili Peppers, qui se déplacent avec six semi-remorques et cinq tour

buses. Ceux-ci devront repartir dès le concert terminé, mercredi à 1 heure du matin. A Christoph Spicher de s'assurer que les camions ont bien obtenu l'autorisati­on de rouler de nuit alors que la loi suisse oblige les poids lourds à couper leur moteur entre 22 et 5 heures. «Quand les gens voient un concert, ils ne se rendent pas compte de tout ce qui se passe derrière la scène, de tout ce qu'on a dû faire pour rendre cela possible. C'est comme quand vous buvez un café au bistrot: vous ne prenez pas la mesure de tout ce qui a été réalisé pour que votre tasse soit devant vous.»

Christoph Spicher est un passionné, pas besoin de parler longtemps avec lui pour s'en rendre compte. Envisagera­it-il un autre travail? Il rigole: «Je pourrais gagner le double en faisant du consulting, mais ça ne m'intéresse pas.» Prévoyant, il est quand même en train d'achever un master en économie à Saint-Gall. Son titre: «Management, organisati­on et culture». Il précise: «culture» pour culture d'entreprise. Il glisse aussi avoir effectué un stage au Départemen­t fédéral des affaires étrangères, puis reparle aussitôt musique en soulignant aimer ce monde à part, lui qui a fait un peu de piano mais n'a jamais envisagé une carrière de musicien.

Le lundi précédant l'ouverture de Paléo est pour son équipe la journée la plus chargée de l'année, quand soudaineme­nt les mails pleuvent, car «tout le monde réalise qu'il a encore une question». Mais l'assistant de production est organisé et méticuleux, il gère avec une précision tout helvétique les départs et arrivées des groupes sur le site, de même qu'il contrôle systématiq­uement tous les riders et qu'il s'assure avec les responsabl­es de l'hospitalit­é que les loges soient prêtes et équipées. «La clé du succès, c'est d'être totalement préparé, de tout vérifier deux fois. C'est le seul moyen de pouvoir gérer les imprévus.» Comme par exemple, l'an dernier, ce musicien resté en rade à l'aéroport de Cointrin car la voiture venue le chercher avait embarqué par erreur un homonyme.

Près de 100 concerts

Durant cette semaine qui voit son travail de l'ombre se concrétise­r, le Bernois se réjouit d'accueillir les artistes après des semaines de correspond­ance informatiq­ue avec leurs agents et managers. Il évoque un stimulant «rush d'adrénaline», mais aussi «le grand vide» de l'après-festival, lorsque le téléphone cesse soudaineme­nt de vibrer. Il est curieux, comme tout le monde, de jeter un oeil ce mardi-là à la prestation des Red Hot Chili Peppers. Lorsqu'il voit un groupe heureux de jouer pour un public qui le lui rend bien, il se dit que le job est fait.

Mais, au-delà des têtes d'affiche, les curieux feraient bien, conseille-t-il, d'aller écouter dimanche les Allemands de Meute, «une sorte de groupe de carnaval faisant de la techno avec de vrais instrument­s». On prend congé en se promettant de ne pas manquer ce rendez-vous. Christoph Spicher nous rattrape et sort de sa poche un Post-it sur lequel il avait noté ces chiffres: Paléo 2017, c'est 5 scènes, 96 concerts, et 1414 artistes. Qui bénéficier­ont tous du même accueil, jure-t-il. Demain: Patrick Chambaz, directeur de La Ruche

«La clé du succès, c’est d’être totalement préparé, de tout vérifier deux fois. C’est le seul moyen de pouvoir gérer les imprévus»

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