Le Temps

Sperisen, le dossier qui hante Genève

- FATI MANSOUR @fatimansou­r

L’affaire Sperisen n’a pas fini de hanter Genève. L’ancien chef de la police nationale du Guatemala a vu sa demande de mise en liberté rejetée. Le récent arrêt du Tribunal fédéral, qui annule le jugement condamnant l’intéressé à la prison à vie pour l’assassinat de dix détenus et qui renvoie la cause pour un nouveau procès, n’y change rien. Ce maintien en détention, motivé par des charges toujours suffisante­s et un risque de fuite, sera certaineme­nt l’occasion pour la défense de crier une fois de plus à l’acharnemen­t de la justice cantonale, au complot et à plein de terribles choses encore.

Il serait bien naïf de tomber dans cette critique caricatura­le. Car, sur une centaine de pages, l’arrêt du Tribunal fédéral souffle le chaud et le froid, validant une bonne partie des faits retenus à l’appui du sévère verdict désormais cassé, tout en admettant parfois une certaine dose d’arbitraire ou des libertés avec les droits procédurau­x. De cet arrêt transpire aussi et avant tout une forme d’énervement contre la Chambre pénale d’appel et de révision genevoise, qui voit ses décisions de plus en plus souvent annulées. Les chiffres du pouvoir judiciaire montrent ainsi qu’en 2016, 35% des recours étaient admis par le Tribunal fédéral (contre 16% l’année précédente).

Si c’est pour faire la leçon, Mon-Repos n’a pas eu trop de mal à trouver des failles dans un jugement cantonal touffu et très jusqu’au-boutiste. En donnant partiellem­ent raison à Erwin Sperisen, le Tribunal fédéral complique encore plus une affaire qui l’était déjà passableme­nt en raison de l’éloignemen­t géographiq­ue, du temps écoulé depuis les crimes (désormais plus de dix ans) et d’un contexte miné par les règlements de comptes et autres témoignage­s plus ou moins contradict­oires.

Quel que soit l’épilogue de cette trop longue procédure, ce serait une erreur de conclure que la justice genevoise devait se désintéres­ser du sang versé au Guatemala et des responsabi­lités du binational qui avait trouvé refuge sur son territoire.

Quant à ceux, trop nombreux, qui réduisent la poursuite à une affaire de succès ou de sous et sont prêts à fermer les yeux sur les pires des crimes de crainte de voir le canton verser des indemnités pour détention injustifié­e, ils peuvent être rassurés. Ce ne sera qu’une goutte d’eau au regard des 100 millions de francs encaissés ces deux dernières années en lien avec des affaires financière­s. Avec les 31 millions déjà versés par une société pétrolière de la place pour mettre fin à ses ennuis pénaux, 2017 s’annonce tout aussi profitable pour les caisses de l’Etat. Mais l’essentiel n’est pas là, et l’acquitteme­nt loin d’être acquis.

L’acquitteme­nt est loin d’être acquis

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