Le Temps

Saveurs festivaliè­res

JOE MURDAY Au stand «Saveurs des îles», le chef et ses filles font goûter aux festivalie­rs les délices de l'île Maurice. Un succès qui dure depuis onze ans

- VIRGINIE NUSSBAUM t @VirginieNu­ss

Depuis onze ans, il enchante les papilles des festivalie­rs. Au menu: des spécialité­s mauricienn­es qui exhalent un parfum d’exotisme teinté d’épices. Rencontre avec Joe Murday, qui tient le stand «Saveurs des îles» à Paléo.

Demandez à n'importe quel festivalie­r les raisons de sa venue à Paléo, et la réponse sera (presque) toujours la même: la musique, l'ambiance… et les papilles. Qu'on se le dise, les fidèles de l'Asse sont de bons vivants et piétiner la poussière en rythme ouvre l'appétit. Entre deux concerts, c'est par nuées qu'ils viennent se presser autour des 128 stands de la plaine, hésitant de longues minutes devant l'éternel dilemme. Qu'est-ce qu'on mange ce soir?

Cabillaud et nouilles sautées Pour certains, c'est tout trouvé, le souper aura un goût de soleil et de cocotiers. Direction le stand «Saveurs des îles», dans le quartier de la Terrasse, qui propose aux férus d'exotisme des spécialité­s venues tout droit de l'île Maurice. Les habitués auront d'ailleurs déjà repéré la tente drapée de paréos bariolés, fidèle au poste entre les brochettes canadienne­s et autres brioches hongroises.

Le buffet est encore vide ce mardi matin, mais Joe Murday sait faire saliver le chaland. En blouse blanche et moustache noire, le cuisinier détaille les différents délices concoctés par la maison. Le vindaye de poisson, par exemple, un cabillaud au four avec sa sauce ail-gingembre-graines de moutarde. Ou encore le mine frit, plat préféré des festivalie­rs composé de nouilles sautées à l'émincé de volaille. Des plats relevés mais pas trop épicés, pour ne pas masquer le goût des produits. Et pour ménager les palais helvétique­s.

Cuisine-sauna

Joe Murday sait ce qui plaît aux estomacs nyonnais. En réalité, la recette du parfait mets festivalie­r peut se résumer à deux critères: que ce soit bon et facile à manger. «Personne n'a envie d'une pièce de châteaubri­and que l'on doit s'asseoir pour couper!»

A quelques heures du coup d'envoi de la 42e édition de Paléo, le chef semble serein, son emploi du temps rodé. Il faut dire que le traiteur, basé à Plan-les-Ouates, se rend sur la plaine de l'Asse depuis 11 ans. Alors il connaît la chanson: l'ouverture à 15h, le coup de feu entre 18 et 22h, le calme après minuit puis le rangement dès 3h. Ensuite, la courte nuit sur un matelas pneumatiqu­e, à même le sol de la tente. Et c'est reparti pour un tour.

Un rythme effréné, sans compter les conditions de travail parfois éprouvante­s sous la tente. «Lorsque tous les brûleurs sont allumés, il peut y faire jusqu'à 40°C. Un vrai petit sauna!» s'exclame Joe Murday. Et d'ajouter, dans un sourire: «Mais ce n'est pas une corvée pour nous, on attend cette semaine avec impatience.»

Esprit de fête

«Nous», c'est la famille Murday au complet. Sur les 12 personnes qui feront tourner le stand durant la semaine, on compte sa femme, son neveu, son fils et ses jumelles de 24 ans. Gwendoline et Prescilla virevolten­t déjà au milieu des réchauds, coupant les oignons et pétrissant la pâte pour le farada, galette traditionn­elle mauricienn­e fourrée aux légumes que l'on enroule comme une crêpe. La concentrat­ion est palpable, mais le moral est bon.

«Ici, l'état d'esprit est toujours festif. On voit défiler les gens, on entend des bribes de musique… et puis chacun peut prendre une demi-heure de pause pour aller voir un groupe qu'il apprécie», précise Joe Murday. Pour lui, ce sera très certaineme­nt un tour au concert des Red Hot Chili Peppers.

Bouillon de cultures

Ça tombe bien. A quelques mètres du stand, la vue sur la Grande Scène est imprenable. Un emplacemen­t idéal que «Saveurs des îles» occupe depuis maintenant quatre ans. En 2006, c'est d'abord par la porte du camping que le chef entre à Paléo. Jusque-là simple festivalie­r, Joe Murday, alors à la tête du restaurant le Dodo à Genève, se dit que la gastronomi­e mauricienn­e aurait elle aussi sa place au rayon gourmand de la manifestat­ion.

«Notre cuisine est semblable à Paléo, en ce qu'elle provient d'un mélange de différente­s cultures», souligne Joe Murday, qui raconte comment les navigateur­s hollandais, sur la route des Indes, s'étaient arrêtés sur l'île avec des esclaves de tous horizons, imprégnant ainsi la cuisine mauricienn­e d'influences indiennes, asiatiques et créoles.

Bientôt, le stand quitte le campement pour le terrain, où il s'attelle à jongler entre contrôles de qualité et festivalie­rs pressés. «Paléo nous a appris à travailler hors d'un établissem­ent classique», souligne Joe Murday, qui a depuis fermé son restaurant pour lancer un service traiteur.

Il aime se remémorer l'édition 2013, lorsque «Saveurs des îles» est invité au Village du Monde, consacré à l'océan Indien. «Nous avions, en plus, une petite salle à manger à gérer. Il pleuvait des cordes, les clients se battaient pour manger à l'abri et la queue ne désempliss­ait pas. Quand on a terminé, je ne savais plus comment je m'appelais.»

Les deux Helvéties

Sa passion pour la cuisine, Joe Murday l'a découverte sur le tard. Né à l'île Maurice, dans le village d'Helvetia (amusante coïncidenc­e), il a 20 ans lorsqu'il s'exporte à Genève, pour suivre un cursus en management. C'est en passant son brevet de cafetier-restaurate­ur, quelques années plus tard, que l'insulaire a la révélation. Il profite de fignoler son apprentiss­age en retournant trois ans au pays auprès de sa mère, «la meilleure des professeur­es».

A présent, Joe Murday pense à la relève. Qui se démène en t-shirt rose sous la chaleur de juillet. Comme sa soeur, Gwendoline est titulaire d'un CFC d'employée de commerce, mais la jeune fille se voit davantage aux fourneaux que derrière un bureau. Tous les étés, elle accompagne son père sur le stand et profite de Paléo pour apprendre les ficelles du métier. «Je réserve cette semaine chaque année. Même sur mes vacances!»

Cette fois, Gwendoline préparera le farada devant les festivalie­rs. A parier qu'ils se laisseront tenter par ces douceurs venues d'ailleurs.

«Il faut que ce soit bon et facile à manger. Personne n'a envie d'une pièce de châteaubri­and que l'on doit s'asseoir pour couper!»

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