Six Etats du golfe Persique s’apprêtent à instaurer une TVA
Six Etats du golfe Persique s’apprêtent à instaurer une TVA de 5% dans le but de limiter leurs déficits budgétaires et de diversifier leurs revenus
Les touristes moyen-orientaux présents sur les rives du Léman connaîtront une véritable révolution quelques mois après leur retour de vacances. Début 2018, les six pays membres du Conseil de coopération du golfe Persique prévoient d’introduire un impôt, en l’occurrence une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 5%. Pour élargir leurs revenus en attendant de diversifier leurs économies.
Cette irruption de la fiscalité dans la vie quotidienne des Saoudiens ou des Emiratis découle tout d’abord de la faiblesse des cours du pétrole, passés de plus de 110 dollars à moins de 50 dollars le baril depuis mi-2014. Cet impact se trouve renforcé par la décision des pays membres de l’OPEP d’abaisser leur production, fin novembre.
Le défi de la démographie
Résultat, le gouvernement saoudien s’attend à un déficit budgétaire de près de 200 milliards de riyals pour 2017 (soit près de 51 milliards de francs), pour des dépenses équivalentes à 226 milliards de francs. Avec un déficit attendu à près de 25 milliards de francs, le Koweït a coupé dans ses subventions et a levé 8 milliards de dollars (l’équivalent en francs) sur les marchés obligataires en mars.
«Cette dégradation des finances publiques tombe d’autant plus mal que la région du Golfe devra faire face à une démographie croissante dans les années à venir, que le Fonds monétaire international a identifiée comme un risque majeur», explique Stéphanie Morcos, responsable du conseil en planification patrimoniale pour le Moyen-Orient à l’Union Bancaire Privée (UBP) à Genève.
Les hydrocarbures représentant entre 50 et 90% de leurs revenus publics, les pays du Golfe se trouvent au creux de la vague. L’Arabie saoudite devrait ainsi connaître une croissance économique de 0,4% cette année selon le Fonds monétaire international (FMI), puis de 1,3% en 2018. En avril, le FMI a par ailleurs révisé à la baisse ses prévisions 2017 pour l’ensemble de la zone.
Jusqu’à 1,5% du PIB
En conséquence, ces producteurs de pétrole doivent diversifier leur industrie et leurs sources de revenu. La TVA de 5% devrait apporter des recettes correspondant à 1,5% du PIB cumulé des six pays du Conseil de coopération, selon Monica Malik, économiste à l’Abu Dhabi Commercial Bank, citée par l’AFP.
«Ces pays connaissent déjà des impôts spécifiques, locaux ou liés à certains secteurs d’activité, mais pas aux personnes physiques, poursuit Stéphanie Morcos, de l’UBP. Avec la TVA on assiste à une modification des pratiques fiscales qui touche le consommateur, avec néanmoins des possibilités d’exemption pour des secteurs qui doivent être soutenus.» Les équipements médicaux, certains biens alimentaires, l’éducation, la santé, l’immobilier, les transports locaux ou des activités de services financiers pourraient être exemptés de TVA ou soumis à un taux zéro.
L’objectif de redistribution des richesses sera-t-il atteint, dans des pays connus pour leur haut degré d’inégalités? Cheffe économiste chez Indosuez Wealth Management à Genève, Marie Owens Thomsen en doute: «La TVA n’est pas l’instrument le plus efficace, car il touche l’ensemble des consommateurs.»
En plus d’un potentiel frein à la croissance dû au renchérissement des produits, «l’introduction de la taxe pourrait réduire l’attractivité des pays du Golfe pour les travailleurs expatriés, sauf si les autorités locales prennent des mesures de compensation, par exemple en leur offrant davantage de droits», poursuit l’économiste. Les étrangers n’ont par exemple pas le droit de posséder un bien immobilier, précise Marie Owens Thomsen, qui n’exclut pas qu’un élargissement de leurs droits se heurte à une forte résistance de la population locale, beaucoup moins nombreuse.
De manière générale, ces pays devraient parvenir à diminuer à moyen terme leur dépendance envers les hydrocarbures, estime Michael Bolliger, responsable de la stratégie d’investissement pour les pays émergents chez UBS: «L’ampleur des réformes lancées en Arabie saoudite, par exemple, permettra de transformer le pays. Cette évolution offre déjà des opportunités d’investissement, que ce soit sur le marché obligataire qui est dorénavant davantage accessible aux investisseurs étrangers, ou via les actions.»
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«La TVA pourrait réduire l’attractivité de ces pays pour les travailleurs expatriés»
MARIE OWENS THOMSEN, CHEFFE ÉCONOMISTE CHEZ INDOSUEZ WEALTH MANAGEMENT À GENÈVE