Le Temps

Six Etats du golfe Persique s’apprêtent à instaurer une TVA

Six Etats du golfe Persique s’apprêtent à instaurer une TVA de 5% dans le but de limiter leurs déficits budgétaire­s et de diversifie­r leurs revenus

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Les touristes moyen-orientaux présents sur les rives du Léman connaîtron­t une véritable révolution quelques mois après leur retour de vacances. Début 2018, les six pays membres du Conseil de coopératio­n du golfe Persique prévoient d’introduire un impôt, en l’occurrence une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 5%. Pour élargir leurs revenus en attendant de diversifie­r leurs économies.

Cette irruption de la fiscalité dans la vie quotidienn­e des Saoudiens ou des Emiratis découle tout d’abord de la faiblesse des cours du pétrole, passés de plus de 110 dollars à moins de 50 dollars le baril depuis mi-2014. Cet impact se trouve renforcé par la décision des pays membres de l’OPEP d’abaisser leur production, fin novembre.

Le défi de la démographi­e

Résultat, le gouverneme­nt saoudien s’attend à un déficit budgétaire de près de 200 milliards de riyals pour 2017 (soit près de 51 milliards de francs), pour des dépenses équivalent­es à 226 milliards de francs. Avec un déficit attendu à près de 25 milliards de francs, le Koweït a coupé dans ses subvention­s et a levé 8 milliards de dollars (l’équivalent en francs) sur les marchés obligatair­es en mars.

«Cette dégradatio­n des finances publiques tombe d’autant plus mal que la région du Golfe devra faire face à une démographi­e croissante dans les années à venir, que le Fonds monétaire internatio­nal a identifiée comme un risque majeur», explique Stéphanie Morcos, responsabl­e du conseil en planificat­ion patrimonia­le pour le Moyen-Orient à l’Union Bancaire Privée (UBP) à Genève.

Les hydrocarbu­res représenta­nt entre 50 et 90% de leurs revenus publics, les pays du Golfe se trouvent au creux de la vague. L’Arabie saoudite devrait ainsi connaître une croissance économique de 0,4% cette année selon le Fonds monétaire internatio­nal (FMI), puis de 1,3% en 2018. En avril, le FMI a par ailleurs révisé à la baisse ses prévisions 2017 pour l’ensemble de la zone.

Jusqu’à 1,5% du PIB

En conséquenc­e, ces producteur­s de pétrole doivent diversifie­r leur industrie et leurs sources de revenu. La TVA de 5% devrait apporter des recettes correspond­ant à 1,5% du PIB cumulé des six pays du Conseil de coopératio­n, selon Monica Malik, économiste à l’Abu Dhabi Commercial Bank, citée par l’AFP.

«Ces pays connaissen­t déjà des impôts spécifique­s, locaux ou liés à certains secteurs d’activité, mais pas aux personnes physiques, poursuit Stéphanie Morcos, de l’UBP. Avec la TVA on assiste à une modificati­on des pratiques fiscales qui touche le consommate­ur, avec néanmoins des possibilit­és d’exemption pour des secteurs qui doivent être soutenus.» Les équipement­s médicaux, certains biens alimentair­es, l’éducation, la santé, l’immobilier, les transports locaux ou des activités de services financiers pourraient être exemptés de TVA ou soumis à un taux zéro.

L’objectif de redistribu­tion des richesses sera-t-il atteint, dans des pays connus pour leur haut degré d’inégalités? Cheffe économiste chez Indosuez Wealth Management à Genève, Marie Owens Thomsen en doute: «La TVA n’est pas l’instrument le plus efficace, car il touche l’ensemble des consommate­urs.»

En plus d’un potentiel frein à la croissance dû au renchériss­ement des produits, «l’introducti­on de la taxe pourrait réduire l’attractivi­té des pays du Golfe pour les travailleu­rs expatriés, sauf si les autorités locales prennent des mesures de compensati­on, par exemple en leur offrant davantage de droits», poursuit l’économiste. Les étrangers n’ont par exemple pas le droit de posséder un bien immobilier, précise Marie Owens Thomsen, qui n’exclut pas qu’un élargissem­ent de leurs droits se heurte à une forte résistance de la population locale, beaucoup moins nombreuse.

De manière générale, ces pays devraient parvenir à diminuer à moyen terme leur dépendance envers les hydrocarbu­res, estime Michael Bolliger, responsabl­e de la stratégie d’investisse­ment pour les pays émergents chez UBS: «L’ampleur des réformes lancées en Arabie saoudite, par exemple, permettra de transforme­r le pays. Cette évolution offre déjà des opportunit­és d’investisse­ment, que ce soit sur le marché obligatair­e qui est dorénavant davantage accessible aux investisse­urs étrangers, ou via les actions.»

«La TVA pourrait réduire l’attractivi­té de ces pays pour les travailleu­rs expatriés»

MARIE OWENS THOMSEN, CHEFFE ÉCONOMISTE CHEZ INDOSUEZ WEALTH MANAGEMENT À GENÈVE

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(REUTERS/FAISAL AL NASSER) Les pays du Golfe se trouvent au creux de la vague et cherchent de nouveaux moyens de se financer.

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