Le Temps

Le Venezuela au bord du défaut de paiement

Le pays d’Amérique du Sud, qui détient les plus grandes réserves de pétrole du monde, risque le défaut de paiement ces prochains mois. Les tensions politiques actuelles pourraient encore aggraver sa situation financière

- THIBAUD RULLIER @thi_rullier

Le Venezuela traverse un chaos politique depuis plusieurs mois et va au-devant d’une grave crise de la dette. Mercredi dernier, l’agence de notation Standard and Poor’s (S&P) a dégradé la note globale de la dette vénézuélie­nne de CCC à CCC– et émis une opinion négative sur l’avenir économique du pays.

Cette cotation, identique à celle de la Grèce en juin 2015 (désormais notée B– par S&P), classe le pays «en défaut, avec de faibles perspectiv­es de recouvreme­nt». Selon l’agence new-yorkaise, le Venezuela ne parvient pas à «introduire de solides mesures corrective­s pour stabiliser l’économie et atténuer les pénuries», ce qui «entraîne une détériorat­ion de la situation du gouverneme­nt en matière de liquidité». Le pays est pris dans un cercle vicieux et pourrait se retrouver en situation de défaut de paiement d’ici à six mois.

La chute des prix de «l’or noir» à l’été 2014 est à l’origine de cette descente aux enfers. Depuis 1999, les gouverneme­nts de Hugo Chavez et de Nicolas Maduro ont mis en place une série de réformes financées par les revenus du pétrole, principale ressource économique du pays. Le Venezuela a ainsi nationalis­é de nombreux secteurs de son économie, renforcé ses programmes sociaux, augmenté une vingtaine de fois le salaire minimum…

Depuis juillet 2014, les cours du baril de brent se sont effondrés – passant de 110 dollars à moins de 50 dollars –, plongeant le pays d’Amérique du Sud dans le chaos. Amputé d’une majorité de ses revenus, il peine de plus en plus à rembourser les emprunts contractés pour financer ses importatio­ns.

Rembourser ses dettes

En avril dernier, la compagnie pétrolière étatique Petroleos de Venezuela (PDVSA), principal débiteur du pays, a effectué un paiement obligatair­e de plus de 2,2 milliards de dollars. Même en proie à de vives tensions politiques, le pays a respecté jusqu’ici les échéances sur ses obligation­s, ce qui donne une assurance à très court terme, bien qu’extrêmemen­t fragile, aux créditeurs. D’ici à la fin de l’année, le Venezuela devra s’acquitter d’une dette – principal et intérêts inclus – dépassant les 5 milliards de dollars (4,8 milliards de francs), dont 3,5 milliards de dollars en octobre et en novembre.

Ces montants colossaux engloutiss­ent les réserves monétaires du pays, qui ne dispose plus que de 10 milliards de dollars d’excédent. Selon Bloomberg, la probabilit­é que le pays manque un paiement obligatair­e sur les 12 prochains mois atteint désormais 56%. Pour s’accorder quelques mois de sursis, le Venezuela a réduit massivemen­t ses importatio­ns, entraînant une pénurie des biens de première nécessité, une paralysie des services de santé et un rationneme­nt de l’électricit­é.

Et après?

La conjonctur­e économique actuelle laisse peu de place à l’optimisme. Selon S&P, l’économie vénézuélie­nne devrait se contracter de 6% en 2017. La dégradatio­n des notations a fortement ralenti l’accès du Venezuela aux marchés financiers et pourrait priver le pays de financemen­ts étrangers ces prochains mois. Les entreprise­s internatio­nales, à l’instar de General Motors, Exxon Mobil ou Kimberly-Clark, fuient les unes après les autres le territoire vénézuélie­n et tentent de contourner le contrôle des changes, mis en place pour limiter la fuite des capitaux.

Le pays est paralysé par l’hyperinfla­tion, qui devrait atteindre 950% en 2017. Le gouverneme­nt de Maduro a gelé certains prix, mais ne semble plus en mesure d’appliquer une politique monétaire efficace. Une situation dramatique pour la population, dont les économies ne valent plus rien: sur le marché noir, très utilisé, le bolivar vénézuélie­n a perdu près de 100% de sa valeur depuis l’arrivée au pouvoir de Maduro en 2013. Début juillet 2017, le salaire minimum s’élevait à 97532 bolivars, soit 37 dollars au taux officiel et 12,5 dollars sur le marché noir.

Lors d’un vote consultati­f ce dimanche 16 juillet, plus sept millions de Vénézuélie­ns se sont rendus aux urnes pour s’opposer au projet de révision de la constituti­on fixé par Maduro, visant «à renouveler les pouvoirs publics à travers l’instaurati­on d’un gouverneme­nt uni».Le président américain Donald Trump s’est dit prêt à prendre «des mesures économique­s fortes» en cas de victoire de Maduro le 30 juillet. L’incapacité à honorer un paiement obligatair­e ces prochains mois pourrait encore aggraver la tension politique actuelle et marquer un véritable tournant pour l’avenir du Venezuela.

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(MERIDITH KOHUT/NYT/REDUX/LAIF) De nombreux magasins ont été pillés lors d’émeutes anti-Maduro en décembre dernier dans l’Etat de Bolivar.

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