Le Temps

Rentre ton T-shirt!

- SÉVERINE SAAS @sevsaas

Les fashion weeks sont de formidable­s terrains d’observatio­n ethnograph­ique. Pendant les défilés, les capitales de la mode grouillent de créatures cherchant à capter l’oeil des photograph­es. Excessifs, truculents, ces drôles d’oiseaux absorbent toutes les tendances, tous les tics vestimenta­ires les plus délirants.

La dernière lubie des mâles? Rentrer son T-shirt dans son pantalon. Le détail est tout sauf anodin. Il y a cinq ans, les gars auraient été excommunié­s de la fashionsph­ère, allergique aux geeks coincés et aux fils à maman. A l’été 2017, ils sont soudaineme­nt devenus des avant-gardistes, des rebelles du chiffon. Même les fils de parents cool s’y mettent: Jaden Smith, rejeton de Will, et Brooklyn Beckham, descendant de David et Victoria, se sont fait paparazzer avec un T-shirt blanc sagement rentré dans le pantalon. Attention, large, le fute. Parce que pour être hype, il faut cultiver l’allure déglingue à la Kurt Cobain. Sur les podiums, des marques comme Gucci, Fendi ou Lemaire ont compris le truc. Chez eux, on défile sur de la techno allemande, on tire la gueule, on ne dit pas si on est un homme ou une femme, on ne dit rien, d’ailleurs.

Le véritable responsabl­e du coming in du T-shirt est un créateur russe, Gosha Rubchinski­y. Fondée en 2008, sa marque de streetwear célèbre le look bad boy échappé d’une banlieue moscovite. C’est rétro-ringard, légèrement fascisant et ineffablem­ent cool. Les millennial­s, ces ados qui n’ont jamais connu un monde sans réseaux sociaux, lui vouent un véritable culte. Dans cette communauté aux frontières mouvantes, le moche et le beau, le banal et l’exceptionn­el se chevauchen­t, se répondent. Mettre son

T-shirt dans son pantalon n’a rien d’une lubie. C’est un langage, un cri de ralliement.

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