Le Temps

La situation reste explosive à Jérusalem et dans les Territoire­s

La tension demeure très forte dans les quartiers arabes de Jérusalem après neuf jours d’émeutes pour protester contre l’installati­on par Israël de portails aux entrées de l’Esplanade des mosquées

- SERGE DUMONT, TEL-AVIV @SergeDumon­t

Dans l’attente de la réunion urgente du Conseil de sécurité convoquée lundi à la demande de la France, de la Suède et de l’Egypte, la tension reste très forte dans les quartiers arabes de Jérusalem ainsi que dans les territoire­s palestinie­ns. Certes, au terme de neuf jours d’émeutes pour protester contre l’installati­on par Israël de portails aux entrées du Haram al-Sharif, le troisième lieu saint de l’islam, Benyamin Netanyahou a annoncé qu’il réunirait dimanche soir un cabinet restreint de la Défense chargé d’évaluer l’état sécuritair­e. Mais la situation restait versatile. En raison de l’attentat perpétré durant le weekend par un Palestinie­n qui a poignardé à mort trois civils dans la colonie de Halamish (Cisjordani­e occupée), et parce que peu avant la session à huis clos du cabinet rien ne permettait d’affirmer que les principaux ministres de l’Etat hébreu calmeraien­t le jeu en supprimant les contrôles électroniq­ues à l’entrée de l’esplanade.

«Les faucons du Likoud et du parti d’extrême droite Foyer juif poussent au maintien des appareils de contrôle parce qu’Israël est suffisamme­nt puissant pour mater n’importe quelle rébellion palestinie­nne», estime le chroniqueu­r politique Moav Vardi. «A leurs yeux, Jérusalem est la capitale indivisibl­e d’Israël et le gouverneme­nt a le droit d’y faire ce qu’il veut.Ils disent que si Netanyahou et son ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, font marche arrière, ils donneront raison au terroriste de Halamish et montreront des signes de faiblesse face aux émeutes et aux pressions de la rue palestinie­nne.»

Interventi­ons des Etats-Unis

Cependant, même s’il n’en parle pas publiqueme­nt, le premier ministre israélien doit aussi composer avec les interventi­ons des Etats-Unis, des pays arabes dits «modérés» tels l’Egypte et la Jordanie, ainsi que de l’Union européenne. Ceux-ci l’incitent en effet à faire preuve de souplesse pour éviter une dégradatio­n de la situation sécuritair­e, qui ajouterait au chaos actuel du Proche-Orient.

Ces dernières heures, l’état-major de la police a d’ailleurs proposé quelques solutions de remplaceme­nt susceptibl­es de calmer les inquiétude­s étrangères telles des barrières spéciales, voire un scanner. Mais le Waqf, l’instance musulmane gérant l’Esplanade des mosquées, ne veut rien entendre. Soutenu par l’ensemble du monde arabe, il exige le retour à la situation qui prévalait il y a une semaine et demie.

Le fait que l’Autorité palestinie­nne ait décidé vendredi d’interrompr­e tous ses contacts avec Israël, y compris ses échanges sécuritair­es, n’émeut quasiment personne à Jérusalem. «Ça ne change rien, on peut tout aussi bien faire sans eux et de toute façon, ils ont plus besoin de nous que le contraire», assène le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman.

Par contre, l’opinion s’inquiète beaucoup plus de la manière cavalière avec laquelle a été décidé le placement de portails magnétique­s aux entrées de l’Esplanade des mosquées, puisque Benyamin Netanyahou s’est contenté de téléphoner aux membres du cabinet restreint de la Défense avant de donner son accord. En tout cas, il n’a pas tenu compte de l’avis du Shabak (la Sûreté générale) et de l’Aman (le renseignem­ent militaire) qui lui conseillai­ent de ne pas toucher au lieu saint musulman pour ne pas enclencher un nouveau cycle de violences.

L’opinion publique palestinie­nne a changé

Dans les rapports journalier­s qu’il adresse au gouverneme­nt, l’Aman signale en tout cas que «quelque chose» a changé dans l’opinion palestinie­nne. Que ses analystes détectent la même «dynamique négative» qu’ils avaient remarquée au début de l’été 2014, peu avant le déclenchem­ent de l’opération «Bordure protectric­e», la guerre de cinquante jours entre Israël et les organisati­ons palestinie­nnes de Gaza. Les notes du renseignem­ent militaire préviennen­t aussi les dirigeants israéliens que des «éléments religieux» sont de plus en plus présents dans la motivation des manifestan­ts de Cisjordani­e et de la bande de Gaza alors qu’auparavant, ils étaient uniquement politiques.

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