Mobilité: Berne recale le projet genevois
Le Conseil fédéral a jugé le plan de péage routier genevois trop restrictif. Il a préféré la proposition présentée par le canton de Zoug pour mener un test de tarification de la mobilité afin de réduire les pics d’affluence
Noyée dans le flot de décisions prises le même jour, la nouvelle est passée quasiment inaperçue: le 5 juillet, le Conseil fédéral a retenu Zoug et non Genève pour effectuer un premier test de tarification de la mobilité, aussi connue sous le nom anglais de mobility pricing. Le dossier genevois n’est pas jugé suffisamment compatible avec les principes visés par la Confédération, qui demandent des «solutions intermodales» s’appuyant sur la complémentarité entre la route et le rail. En clair, le modèle genevois, tout comme celui du canton du Tessin, relevait trop du péage urbain. Outre Genève, Zoug et le Tessin, trois autres cantons avaient répondu à l’appel lancé par l’Office fédéral des routes (Ofrou). Mais ils n’entrent plus en considération. Dans deux cas – Saint-Gall pour la ville de Rapperswil-Jona et Berne pour l’agglomération de la capitale –, les projets ont été suspendus par leurs propres autorités politiques. Dans le dernier cas – Neuchâtel –, le projet est encore trop vague pour servir de radar.
Petit canton soumis à une forte mobilité
Reste donc Zoug, qui n’a pourtant pas présenté de projet très concret d’essai pilote. Mais c’est là que l’expérimentation se fera. De petite taille, soumis à une très forte mobilité professionnelle aux heures de pointe mais dépourvu de trafic frontalier, ce canton s’est dit prêt à mener cette étude. Comme l’a confié son directeur des Constructions, le conseiller d’Etat Urs Hürlimann, à la Luzerner Zeitung, son gouvernement est disposé à «documenter les nouvelles technologies». Il livrera ses observations d’ici à l’été 2019.
En fait d’expérience pilote, il s’agira surtout de mener une analyse pragmatique des engorgements en fonction des heures et des endroits où ils se produisent, du montant et de la différenciation des tarifs, de leurs incidences sur le trafic, la population, les entreprises et l’environnement. On est encore loin d’un essai pilote. Pour la suite, le Conseil fédéral envisagera ultérieurement de faire appel à des clients tests volontaires, mais pas avant 2019.
L’objectif de la tarification de la mobilité est de «réduire les pics d’affluence et de mieux exploiter les capacités de la route et du rail». Le mobility pricing suscitant de grandes réserves auprès des usagers de la route, des instances chargées de la protection des données et des titulaires d’un abonnement général – qui pourrait être remis en question –, le Conseil fédéral opte pour une approche prudente et par étapes.
La Confédération reproche au modèle genevois d’être avant tout «un instrument de financement» plutôt qu’un outil de pilotage de la mobilité. C’est la même constatation qu’ont faite les Chambres fédérales lorsqu’elles ont rejeté l’initiative cantonale genevoise intitulée «Pour des expériences pilotes de péages urbains». Les commissions préparatoires des deux conseils ont jugé la démarche «trop restrictive» car elle ne prévoyait de réglementer que le trafic routier et n’incluait pas les transports publics. Dans ce sens, a constaté l’Ofrou, l’approche du canton de Genève ne rejoignait «que partiellement» les objectifs visés par la Confédération.
Que dit-on à Genève de s’être ainsi fait recaler? «Je ne suis pas surpris de la décision du Conseil fédéral de confier le projet pilote à Zoug. L’Ofrou a demandé aux cantons intéressés de se manifester. Nous étions prêts à nous engager dans la démarche pour autant que nous puissions la développer en vue de financer les infrastructures dont notre agglomération a tant besoin pour rattraper notre retard et répondre à la croissance de la demande qui s’annonce», réagit le conseiller d’Etat Luc Barthassat. Il craint que l’optique de la Confédération ne tire les tarifs vers le haut. «Sur le fond, je m’oppose à faire payer davantage les usagers, car à l’exception de Genève, les tarifs des transports publics sont trop élevés en Suisse», fait-il remarquer.
Luc Barthassat ne baisse pas les bras
Mais il ne baisse pas les bras. Le feu rouge allumé par les Chambres fédérales et le Conseil fédéral ne le décourage pas de poursuivre ses travaux pour un péage routier et une solution de financement complémentaire pour la traversée du lac. «Nous sommes en train de mener les études demandées par le Grand Conseil pour examiner la faisabilité d’un péage urbain dans le canton. L’Ofrou est associé à ces travaux. On verra bien sur la base de ces études si la Confédération sera prête à revoir sa position», commente-t-il encore en assurant ne pas être opposé à la prise en compte du «financement des déficits de l’offre en transports publics» dans la réflexion.
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Le «mobility pricing» suscite de grandes réserves auprès des usagers de la route