Le Temps

La City accuse la France de chercher à profiter du Brexit pour l’affaiblir

Un rapport britanniqu­e s’inquiète de la «prétention» affichée par la France pour attirer les financiers londoniens

- PHILIPPE BERNARD (LE MONDE)

Les Français veulent profiter du Brexit pour «affaiblir la Grande-Bretagne et fragiliser la City de Londres» d’autant que l’élection d’Emmanuel Macron accroît leur «vertige» de puissance et leur «agressivit­é». L’analyse de Jeremy Browne, représenta­nt spécial de la corporatio­n de la City auprès de l’Union européenne, donne un avant-goût de la rudesse des échanges à venir lorsque les discussion­s entamées à Bruxelles aborderont les dossiers financiers.

Le rapport de Jeremy Browne sur ses entretiens, début juillet à Paris, au Ministère des finances et à la Banque de France, a fait récemment les choux gras du tabloïd Daily Mail. Le journal, friand de «French bashing», n’a même pas eu à forcer le trait pour titrer sur le «complot français» pour faire «dérailler la Grande-Bretagne» et la «guerre ouverte» contre la City.

La France souhaite «le Brexit le plus dur possible» et «semble se réjouir de résultats nuisibles à la City de Londres même si Paris n’en bénéficie pas», grince Jeremy Browne. Le «Monsieur Europe» de la City qui sillonne le continent présente son passage à Paris comme une expérience cuisante: «Le rendez-vous avec la banque centrale française était le pire que j’ai eu dans l’UE.» Les Français «souhaitent une désorganis­ation. Ils militent activement pour l’éclatement des dispositio­ns sur les services financiers et refusent même de reconnaîtr­e que cela va accroître les coûts.» Jeremy Browne insiste: «La France considère la Grande-Bretagne et la City de Londres comme des adversaire­s, pas des partenaire­s.»

«Grandeur impériale»

Le représenta­nt de la City semble ignorer que les représenta­nts du patronat britanniqu­e mettent eux-mêmes en garde contre les conséquenc­es «catastroph­iques» du Brexit en cas d’échec des négociatio­ns, et que plusieurs banques ont commencé à délocalise­r des emplois vers Francfort, Paris et Dublin.

Passant sous silence la fermeté des autres Etats de l’Union et fidèle à la stratégie britanniqu­e de division, il affirme que l’agressivit­é française suscite «beaucoup d’inquiétude­s ailleurs dans l’UE». Alors que la nostalgie impériale des Britanniqu­es a nourri une partie du vote pro-Brexit, Jeremy Browne trouve «légèrement comique la prétention à la grandeur impériale» des Français. La véhémence de son propos peut être lue comme un hommage à l’offensive menée par le nouveau gouverneme­nt français pour attirer à Paris les banques londonienn­es par des avantages fiscaux et des formalités simplifiée­s.

Les dirigeants de la City ne désavouent pas le langage peu diplomatiq­ue de leur «envoyé spécial». Ils ont cependant tenu à contacter Le Monde pour faire par de leur «réponse». «C’est une chance d’avoir ce dialogue franc et ouvert et nous sommes reconnaiss­ants envers nos collègues [français] de nous en avoir offert l’occasion, commente Catherine McGuinness, présidente du comité politique de la corporatio­n de la City. Nous comprenons que Paris cherche à attirer des emplois et nous ferions la même chose à sa place.» Mais la City estime que «Paris a encore beaucoup de chemin à faire pour être considérée comme une place financière d’envergure mondiale». L’échange d’amabilités ne fait que commencer.

«La France considère la GrandeBret­agne et la City de Londres comme des adversaire­s, pas des partenaire­s»

JEREMY BROWNE, REPRÉSENTA­NT SPÉCIAL DE LA CITY AUPRÈS DE L’UE

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(TOBY MELVILLE/REUTERS) Le nouveau gouverneme­nt français tente d’attirer à Paris les banques londonienn­es avec des avantages fiscaux et des formalités simplifiée­s.

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