Le Temps

Lyon célèbre les Lumière

Le Musée des Confluence­s se penche sur la genèse du cinéma. L’exposition «Lumière!» retrace les expérience­s qui ont abouti à l’avènement du 7e art. Parmi elles, celle des frères Lumière et de leur cinématogr­aphe

- CATHERINE MARY @catherinel­mary

«Au pas saccadé de son cheval, Golo, plein d’un affreux dessein, sortait de la petite forêt triangulai­re qui veloutait d’un vert sombre la pente d’une colline, et s’avançait en tressautan­t…» Tel est le souvenir que Proust conservait de la lanterne magique dont on coiffait sa lampe, dans A la recherche du temps perdu.

Inventée au XVIIe siècle et fabriquée en série au XIXe, la lanterne magique est comme le fusil photograph­ique de Jules-Etienne Marey, l’une des multiples expériment­ations ayant contribué à la naissance du cinéma. L’exposition Lumière!, au Musée des Confluence­s à Lyon, fait la synthèse de ces inventions, dont le fameux cinématogr­aphe. Elaboré par Louis et Auguste Lumière en 1894, l’objet couple pour la première fois enregistre­ment d’images animées et projection sur grand écran.

L’apport décisif du grand écran

«Le cinéma, c’est non seulement l’écriture et la réalisatio­n d’un film, mais aussi sa projection dans une salle, face à un public», s’enthousias­me Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière, partenaire de l’exposition. Le cinéphile ne cache pas son ambition de hisser les frères Lumière au rang d’inventeurs du cinéma.

«Avec le recul, on comprend que l’apparition du cinéma est due à un ensemble de personnes. L’écriture du mouvement existait avant les frères Lumière, mais ce qui manquait, c’était la projection des films sur grand écran. Il faut rendre justice à Louis Lumière, qui a mis au point le cinématogr­aphe», nuance Laurent Mannoni, directeur scientifiq­ue du patrimoine de la Cinémathèq­ue française, tout en rappelant que la paternité du cinéma fut disputée dès le début du XXe siècle.

Issus d’une famille bourgeoise de l’industrie lyonnaise, les Lumière s’étaient imposés dans la photograph­ie grâce à la plaque photograph­ique sèche. A l’affût des innovation­s de leur temps, ils s’inspirèren­t du kinétograp­he de l’Américain Thomas Edison, dont un exemplaire est présent dans l’exposition. Conçu pour enregistre­r des images animées sur un film photograph­ique de 35 mm de large, cet appareil était couplé à une visionneus­e individuel­le. Le film n’était donc visible que par un seul spectateur à la fois.

Première projection publique à Paris

Pour promouvoir leur cinématogr­aphe, les frères Lumière organisent, le 28 décembre 1895, la première projection publique payante dans le Salon indien du Grand Café, à Paris, reproduite pour l’occasion au Musée des Confluence­s. Cette projection est-elle l’acte fondateur du cinéma en tant que spectacle, comme le suggère l’exposition? «Les frères Lumière ont manqué de vision et ont mis du temps pour imposer leur objet. C’est à Léon Pathé et à Charles Gaumont que l’on doit l’essor industriel du cinéma», selon Laurent Mannoni, qui précise que d’autres séances de projection avaient été organisées avant celle des frères Lumière, notamment à Berlin.

Reste que les Lumière ont activement contribué à la naissance du cinéma. Le visiteur appréciera la richesse des 1422 films réalisés par les opérateurs formés par Louis Lumière, dont les autochrome­s révèlent aussi les talents de photograph­es. Récemment restaurés, ils sont rassemblés sur un mur d’images.

A la fois évocation du vitrail et du pixel, par la juxtaposit­ion de centaines de rectangles clignotant­s, il fait un lien entre tradition et modernité. Et invite à la curiosité pour ces films, dont certains témoignent des premiers trucages. Dans Les Chats boxeurs, par exemple, le visiteur devinera les mains d’un marionnett­iste agitant les pattes des félins.

▅ Musée des Confluence­s, Lyon, jusqu’au 25 février 2018. Lumière! – Le cinéma inventé,

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