Lyon célèbre les Lumière
Le Musée des Confluences se penche sur la genèse du cinéma. L’exposition «Lumière!» retrace les expériences qui ont abouti à l’avènement du 7e art. Parmi elles, celle des frères Lumière et de leur cinématographe
«Au pas saccadé de son cheval, Golo, plein d’un affreux dessein, sortait de la petite forêt triangulaire qui veloutait d’un vert sombre la pente d’une colline, et s’avançait en tressautant…» Tel est le souvenir que Proust conservait de la lanterne magique dont on coiffait sa lampe, dans A la recherche du temps perdu.
Inventée au XVIIe siècle et fabriquée en série au XIXe, la lanterne magique est comme le fusil photographique de Jules-Etienne Marey, l’une des multiples expérimentations ayant contribué à la naissance du cinéma. L’exposition Lumière!, au Musée des Confluences à Lyon, fait la synthèse de ces inventions, dont le fameux cinématographe. Elaboré par Louis et Auguste Lumière en 1894, l’objet couple pour la première fois enregistrement d’images animées et projection sur grand écran.
L’apport décisif du grand écran
«Le cinéma, c’est non seulement l’écriture et la réalisation d’un film, mais aussi sa projection dans une salle, face à un public», s’enthousiasme Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière, partenaire de l’exposition. Le cinéphile ne cache pas son ambition de hisser les frères Lumière au rang d’inventeurs du cinéma.
«Avec le recul, on comprend que l’apparition du cinéma est due à un ensemble de personnes. L’écriture du mouvement existait avant les frères Lumière, mais ce qui manquait, c’était la projection des films sur grand écran. Il faut rendre justice à Louis Lumière, qui a mis au point le cinématographe», nuance Laurent Mannoni, directeur scientifique du patrimoine de la Cinémathèque française, tout en rappelant que la paternité du cinéma fut disputée dès le début du XXe siècle.
Issus d’une famille bourgeoise de l’industrie lyonnaise, les Lumière s’étaient imposés dans la photographie grâce à la plaque photographique sèche. A l’affût des innovations de leur temps, ils s’inspirèrent du kinétographe de l’Américain Thomas Edison, dont un exemplaire est présent dans l’exposition. Conçu pour enregistrer des images animées sur un film photographique de 35 mm de large, cet appareil était couplé à une visionneuse individuelle. Le film n’était donc visible que par un seul spectateur à la fois.
Première projection publique à Paris
Pour promouvoir leur cinématographe, les frères Lumière organisent, le 28 décembre 1895, la première projection publique payante dans le Salon indien du Grand Café, à Paris, reproduite pour l’occasion au Musée des Confluences. Cette projection est-elle l’acte fondateur du cinéma en tant que spectacle, comme le suggère l’exposition? «Les frères Lumière ont manqué de vision et ont mis du temps pour imposer leur objet. C’est à Léon Pathé et à Charles Gaumont que l’on doit l’essor industriel du cinéma», selon Laurent Mannoni, qui précise que d’autres séances de projection avaient été organisées avant celle des frères Lumière, notamment à Berlin.
Reste que les Lumière ont activement contribué à la naissance du cinéma. Le visiteur appréciera la richesse des 1422 films réalisés par les opérateurs formés par Louis Lumière, dont les autochromes révèlent aussi les talents de photographes. Récemment restaurés, ils sont rassemblés sur un mur d’images.
A la fois évocation du vitrail et du pixel, par la juxtaposition de centaines de rectangles clignotants, il fait un lien entre tradition et modernité. Et invite à la curiosité pour ces films, dont certains témoignent des premiers trucages. Dans Les Chats boxeurs, par exemple, le visiteur devinera les mains d’un marionnettiste agitant les pattes des félins.
▅ Musée des Confluences, Lyon, jusqu’au 25 février 2018. Lumière! – Le cinéma inventé,