Renaud, rassembleur et sans voix
Dès les premières secondes, ce constat cuisant. «Mais il n’a plus de voix!» Regards stupéfaits et consternés du public. Samedi soir, ils étaient nombreux à s’être massés devant la Grande Scène de Paléo pour écouter Renaud, malgré la boue périlleuse et les nuages menaçants. Moment de flottement.
Certes, on se doutait que le chanteur ne serait pas au sommet de sa fougue. L’an passé, il faisait son grand retour après une décennie de combat contre l’alcool et la dépression. Son nouvel album, Toujours debout, se veut alors le manifeste d’un nouveau départ, à la fois personnel et musical.
S’il s’est effectivement relevé, le phénix a perdu un paquet de plumes et avec elles son ardeur insolente. Sur la scène de l’Asse, et malgré son look de jeune rockeur, il apparaît éprouvé, la démarche lente et les jambes flageolantes, s’agrippant au micro sans pouvoir maîtriser ses tremblements.
Mais surtout, la voix que l’on connaissait brute et impertinente est à présent passablement éraillée et sans relief. Lorsqu’il entonne «Docteur Renaud, Mister Renard», pourtant soutenu par ses musiciens choristes, le Français livre une litanie monocorde aux paroles pas toujours intelligibles. Et qui devient lassante, voire légèrement pénible à la longue.
Entre les morceaux, le chanteur lâche quelques mots à la foule. «Après avoir affronté la pluie, vous affronterez ma voix pourrie», lance-t-il, plus résolu que désolé, alors que percent quelques rayons de soleil bienvenus. Et de poursuivre: «Mais vous vous en foutez, vous n’êtes pas venus pour écouter Céline Dion ou Florent Pagny.»
Gonflé, mais pas tout faux. Au fur et à mesure que les tubes s’enchaînent, l’assistance semble oublier un peu la faiblesse de sa performance vocale. Avant tout, c’est Renaud en tant que figure mythique de la chanson française qui séduit, cette machine à souvenirs dont les refrains ont marqué les oreilles de plusieurs générations.
Alors le public pardonne. Et se réjouit de réentendre «Marche à l’ombre» ou «Dans mon HLM». Durant «Manhattan Kaboul», invités à remplacer Axelle Red, les festivaliers qui connaissent les refrains par coeur ne se font pas prier. Et exultent quand vient le moment de l’incontournable «Mistral gagnant», finalement touchant dans cette version triste et fatiguée.
A bout de souffle mais toujours debout, Renaud se retire après une heure trente d’un concert courbaturé mais nostalgique et rassembleur.