L’UDC licencie son paria
La section lucernoise se sépare de son secrétaire général, qui a lancé seul une initiative restreignant la libre circulation des personnes
Il fallait s’y attendre. L’UDC lucernoise a congédié son secrétaire général Richard Koller, le principal auteur de l’initiative «Priorité aux travailleurs en Suisse». Elle estime qu’il ne peut pas porter deux casquettes à la fois.
En juin dernier, Richard Koller, engagé à 50% par la section lucernoise de l’UDC, s’était attiré les foudres des dirigeants du parti national en annonçant le lancement d’une initiative pour juguler l’immigration due à l’accord sur la libre circulation des personnes (LCP) signé avec l’UE. Il entrait ainsi en collision frontale avec l’UDC suisse, qui planche elle aussi sur une initiative de concert avec l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN).
Conflit d’intérêts
«On ne peut pas servir deux maîtres en même temps», déclare la présidente de l’UDC lucernoise, Angela Lüthold. Celle-ci souligne que son secrétaire général aurait dû quitter son comité d’initiative afin de pouvoir rester à son poste, ce qu’il s’est refusé à faire.
Le principal intéressé confirme la nouvelle de son licenciement, mais refuse de la commenter selon un engagement pris avec son parti. Pour lui, l’important est de mener le combat pour réduire le chômage en Suisse. Et celui-ci ne doit pas forcément se traduire par la résiliation de l’accord sur la libre circulation des personnes, même si c’est un risque à prendre.
L’initiative «Priorité aux travailleurs en Suisse» exige qu’à partir du moment où le taux de chômage dépasse 3,2%, les entreprises soient contraintes de recruter du personnel vivant en Suisse, qu’il dispose ou non du passeport à croix blanche. Même si son texte prévoit des exceptions pour les professions touchées par une pénurie de main-d’oeuvre, il viole clairement le principe de la LCP.
Méfiance de la base
A Berne, l’UDC suisse assure qu’elle n’a fait aucune pression sur sa section lucernoise. Mais elle est sûrement satisfaite de ne plus être assimilée à cette initiative dont elle ne partage pas le contenu et qui surtout concurrence celle qu’elle prépare pour crucifier l’accord sur la LCP. Elle n’a cependant pas encore tranché sur un texte définitif.
Sur ce thème, les grandes manoeuvres ne font que commencer. En approuvant une mise en oeuvre douce de l’initiative «Contre l’immigration de masse», le parlement a favorisé une solution eurocompatible en décembre 2016. «Cette option, très éloignée du texte de la Constitution, a posé un problème de légitimité démocratique», constate le politologue Nenad Stojanovic, qui a tenté en vain de provoquer un référendum pour y remédier. «Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est qu’une partie de la base de l’UDC ne croit plus en la véritable volonté de la tête du parti de vouloir limiter l’immigration: elle craint qu’elle ne se serve de ce thème que comme d’un outil de marketing pour les élections de 2019.»
▅