Les défis du capitaine chargé de redresser la barre de la LNM
Jean-Luc Rouiller est le nouveau directeur de la compagnie de navigation des lacs de Neuchâtel et Morat. Il a devant lui une tâche titanesque: la situation financière est très tendue
L’avenir de la compagnie de navigation des lacs de Neuchâtel et Morat (LNM) est suspendu au renouvellement de sa concession. Au bénéfice d’une autorisation temporaire de deux ans octroyée par l’Office fédéral des transports (OFT), la LNM espère bien aborder son cent cinquantième anniversaire, en 2022, avec des résultats positifs et une stratégie porteuse d’avenir. Mais ce n’est pas simple, car, si l’exercice 2016 a bouclé avec un excédent net de 77000 francs, l’année 2015 s’est soldée par une perte de 1,162 million qui a été portée au bilan.
Par ailleurs, le réviseur PricewaterhouseCoopers SA a relevé une importante sous-évaluation – 780000 francs – de la provision pour la caisse de pension Symova. Et la filiale de restauration de la LNM, Cap Gourmand SA, est endettée à hauteur de 954000 francs auprès de la société alors que seuls 499000 francs ont été provisionnés.
Les problèmes financiers sont tels que les cantons de Vaud et de Neuchâtel, qui, avec celui de Fribourg, versent à la compagnie une indemnité annuelle de 1,5 million de francs, ont refusé de donner décharge au conseil d’administration lors de l’assemblée générale du 28 juin. «Compte tenu du déficit de transparence dans la gestion de la LNM et de sa société fille Cap Gourmand SA et du degré de surendettement, le canton de Neuchâtel, avec l’appui des cantons de Vaud et de Fribourg, a décidé de mettre en oeuvre un audit», a annoncé le Conseil d’Etat le 7 juillet. Le résultat de cet audit est attendu d’ici à la fin de l’année.
«Un job unique»
Un homme a d’ores et déjà été chargé de redresser la barre de la LNM: son nouveau directeur, JeanLuc Rouiller, un colosse de 1 m 93 et de 52 ans, marié et père de trois enfants. Ce titulaire d’un master en économie, obtenu à l’Université de Fribourg, et d’un brevet fédéral de marketing ne vient pas du milieu des transports et encore moins de celui des bateaux. Les étapes de sa carrière professionnelle sont multiples: elles ont pour noms Cremo, Cardinal, Emmi, Valcrème, la Fédération suisse de basketball – un sport qu’il a pratiqué naguère à Fribourg Olympic –, les Salines Suisses et une pharmacie de Marly.
Il a, comme 185 autres candidats, répondu à l’annonce du conseil d’administration de la LNM, qui s’était séparé de son directeur et en cherchait un nouveau (voir ci-contre). Jean-Luc Rouiller est conscient d’avoir pris un risque en présentant son dossier: «Le profil recherché était multiple. Mais le conseil d’administration voulait un entrepreneur, un manager capable de gérer les trois facettes de la société: la navigation, la restauration et les événements. C’est un job unique qui requiert de multiples compétences. Le défi m’a intéressé», résume-t-il.
Comment compte-t-il s’y prendre pour remettre la LNM à flot? «Il y a une recette que je n’ai pas: je ne peux pas influencer la météo. Or, elle joue un rôle essentiel. Si notre chiffre d’affaires et le nombre de nos passagers sont en hausse depuis le début de la saison, nous le devons aussi à un ciel clément», sourit-il.
Il a plusieurs idées en tête pour élargir la clientèle. Il envisage d’investir davantage dans le marketing pour étendre la notoriété de la LNM au-delà de son bassin traditionnel. Il souhaite également étoffer les offres spéciales et «désaisonnaliser» les activités. Cela signifie que la saison pourrait être prolongée à l’automne, aussi bien à bord que pour les prestations à terre. Il compte ainsi proAlors fiter du fait que, animé par plusieurs établissements publics, le port de Neuchâtel est en train de s’imposer comme the new place to be de la ville. «Notre offre de restauration et nos events se développent. L’audit dira si la croissance quantitative est aussi qualitative», commente-t-il.
Il compte aussi se frotter aux autres. «Je souhaite m’intégrer dans ce métier, voir les bonnes pratiques des autres compagnies de navigation, sortir la LNM d’un certain isolement et voir dans quelle mesure il est possible de coopérer avec les autres», reprend-il. Le regard se tourne naturellement vers la compagnie du lac de Bienne (BSG), dont les bateaux naviguent de Soleure (via l’Aar) jusqu’à Morat et Neuchâtel. «Je peux envisager des collaborations dans les domaines non stratégiques», lâche Jean-Luc Rouiller, sans trop s’avancer.
Deux compagnies pour les TroisLacs, est-ce encore justifié? Il ne répond pas à la question, mais relève que le bassin de la BSG et de la LNM constitue l’une des voies navigables les plus étendues d’Europe, soit environ 90 kilomètres d’Yverdon à Soleure. A titre de comparaison, la longueur du lac Léman est de 73 kilomètres.
Contrairement à la plupart de ses consoeurs, la compagnie BSG accepte que certaines de ses embarcations portent les couleurs d’un sponsor. Ce serait impensable sur les bateaux Belle Epoque du Léman. Mais ne serait-ce pas une source de revenus supplémentaires pour la LNM, qui n’a qu’un vapeur Belle Epoque, le Neuchâtel, fraîchement restauré et propriété de l’association Trivapor? «Ce n’est pas un tabou, mais il faut faire attention. J’observe un fort attachement de notre personnel, toujours très solidaire malgré les années difficiles, à nos bateaux et il faudrait bien choisir le sponsor», répond-il. ▅
«Je ne peux pas influencer la météo. Or, elle joue un rôle essentiel» JEAN-LUC ROUILLER, NOUVEAU DIRECTEUR DE LA LNM