Le Temps

A Saint-Cloud, les frères ennemis Libyens choisissen­t la trêve

-

Une déclaratio­n conjointe de soutien à la réconcilia­tion nationale, signée en présence d’Emmanuel Macron, reste conditionn­ée au partage des ressources et aux rapports de force sur le terrain

Emmanuel Macron parviendra-t-il à refermer la plaie ouverte en Libye par l’interventi­on militaire engagée entre mars et octobre 2011 à l’initiative de son prédécesse­ur Nicolas Sarkozy? Le président français a en tout cas symbolique­ment franchi un pas, mardi, en réunissant au château de La Celle-SaintCloud les deux principaux protagonis­tes de l’actuel conflit libyen: le chef du gouverneme­nt «d’accord national» soutenu par l’ONU et installé à Tripoli, Faïez Sarraj, et l’homme fort de la Libye orientale, le maréchal Khalifa Haftar.

Point d’orgue de cette journée diplomatiq­ue: la signature par les deux hommes d’une «feuille de route» dans laquelle ils s’engagent à un cessez-le-feu ouvrant la voie à une réconcilia­tion nationale et à un «processus électoral» au printemps. Emmanuel Macron, qui a salué leur «courage historique» après leur poignée de main, a toutefois un autre agenda en tête: obtenir, par l’apaisement de la situation sécuritair­e en Libye, une intensific­ation de la lutte contre les trafics d’armes au Sahel – où l’armée française est déployée dans le cadre de l’opération «Barkhane» – et une stabilisat­ion des départs de migrants à destinatio­n des côtes italiennes.

Maintenir la réconcilia­tion sur les rails

Le texte, qui réitère la validité des accords signés en 2015 sous l’égide des Nations unies, n’est pas à proprement parler un accord de paix. Il permet surtout à la France, forte de ses bonnes relations avec l’Egypte voisine (dont le régime militaire du maréchal Sissi soutient le général Haftar, résolu à installer un pouvoir fort à partir de sa base de Tobrouk), de refaire surface dans ce dossier et d’apporter son soutien à l’homme chargé de faire aboutir une solution négociée: le nouvel envoyé spécial de l’ONU Ghassan Salamé. L’universita­ire franco-libanais de 66 ans est un habitué des missions impossible­s. Il était, en 2003, l’adjoint du représenta­nt spécial des Nations unies à Bagdad Sergio Viera de Mello, tué dans un attentat où il avait failli aussi trouver la mort.

La question principale porte maintenant sur la capacité de la France, en lien avec l’ancienne puissance coloniale qu’est l’Italie, à maintenir sur les rails cette réconcilia­tion, six ans après la chute de Tripoli et la mort du colonel Kadhafi, tué en octobre 2011 à l’issue d’une frappe aérienne. En rappelant à plusieurs reprises l’importance de la lutte contre les groupes terroriste­s et contre les trafiquant­s à l’oeuvre en Libye, le président français a paradoxale­ment décrit la réalité d’un pays toujours dominé par les milices, dont la loyauté peut varier. La puissance militaire du maréchal Haftar est un élément incontourn­able de l’équation, d’autant que la milice de Zintan, qui lui est proche (à l’extrémité ouest du pays, où elle contrôle les puits de pétrole), a libéré en début d’année un troisième protagonis­te potentiel: Seïf al-Islam Kadhafi, fils du dictateur défunt, emprisonné durant cinq ans, dont un retour sur le devant de la scène libyenne est parfois évoqué.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland