Numerik Games, le pari de l’immersion en commun
Pour sa deuxième édition, qui débute ce vendredi, le festival yverdonnois voit les choses en grand… et en virtuel. Bienvenue au coeur d’un Luna Park 2.0 où l’on joue, vit, mais aussi pense numérique
Vous êtes-vous déjà fait masser sur une plage de cocotiers? Imaginez: autour de vous, du sable à perte de vue. Dans vos oreilles, le doux bruit des vagues et dans votre dos, un massage prodigué par les mains expertes d’une thérapeute. Cette scène n’a rien d’un rêve éveillé: vous pourrez même la vivre lors d’une séance de détente un peu particulière proposée dans le cadre des Numerik Games, festival dédié à l’art numérique, dont la deuxième édition se déroule ce weekend à Yverdon-les-Bains.
«On utilise des masques de réalité virtuelle branchés sur un jeu de Playstation 4, Perfect, qui nous promène dans des cadres reposants. On est ainsi immergé à 360° au bord de la mer, à la montagne ou en forêt pendant quelques minutes», détaille Nicolas Akladios, vice-président de la Swiss Interactive Entertainment Association (SIEA) qui a développé le concept. «Cela donne l’impression que le corps et l’esprit sont à deux endroits différents, c’est étonnant!»
Ce projet pilote, imaginé pour le festival, doit permettre au public de se familiariser avec la réalité virtuelle. «Ces masques ont explosé l’an dernier, mais ils sont surtout utilisés en solo dans le salon. Ici, l’idée était de les sortir de ce cadre privé et, pourquoi pas, amener les masseurs à les intégrer dans leur travail quotidien!»
Le festival Numerik Games, c’est ça: des expériences inédites pour vivre le numérique autrement… et en grand. Cette année, le coeur de la manifestation quitte le centre-ville, devenu (déjà!) trop petit pour elle, et investit le Y-Parc, bassin technologique de 50 hectares situé aux abords d’Yverdon-les-Bains. Une aire un peu austère qui se transformera, le temps d’un week-end, en une vraie fête foraine du numérique.
Pacman et vélos connectés
Aux manettes, le collectif belge Superbe et son Mega Park, joyeuse collection d’attractions alliant jeux vidéo vintage et technologies de pointe, le tout dans une ambiance colorée et décalée. On pourra ainsi faire chauffer les joysticks d’authentiques bornes d’arcade, mais aussi remporter une partie de Pacman projetée sur la façade d’un bâtiment, s’époumoner dans des micros XXL qui captent nos décibels, s’affronter en pédalant sur des vélos connectés ou encore incarner un vaisseau spatial dans une course galactique grâce à un sac à dos bardé de capteurs.
Une sorte de Luna Park 2.0 dont le mot clé est l’interactivité. «Nous voulions concevoir de nouvelles possibilités d’interaction autour du numérique, détaille Gaëtan Libertiaux, directeur du collectif Superbe. Nos animations invitent à l’expérience participative en impliquant autant celui qui joue que ceux qui regardent et encouragent».
Pour Marc Atallah, directeur de la Maison d’Ailleurs et fondateur de Numerik Games, cet esprit d’échange est inscrit dans l’ADN du festival. «La plus grande crainte autour du numérique, c’est qu’il isole les gens. Il faut au contraire le décloisonner, montrer qu’il peut aussi être utilisé pour dialoguer, créer des liens.»
Incubateur helvétique
Plus qu’une convention geek, le festival se veut donc une plateforme de rencontres, entre festivaliers et exposants, mais aussi un incubateur de créativité bien de chez nous. «Pour les concepteurs de jeux vidéo indépendants suisses, par exemple, c’est encore un peu chacun dans son coin. J’aimerais faire en sorte qu’ils prennent conscience de leur proximité. Et rendre plus visible la scène numérique helvétique: il n’y a pas que les jeux japonais et américains!» poursuit Marc Atallah.
Oui, les Suisses aussi sont dans le vent technologique, et ils profitent de l’occasion pour sortir des écrans… et marquer les rétines. C’est le cas de la HEIG-VD et sa filière en ingénierie des médias qui, comme l’an passé, propose des projections de vidéo-mapping gratuites sur la façade du Temple d’Yverdon-les-Bains. Des animations créées sur mesure par une quinzaine d’artistes, qui donneront des couleurs nébuleuses puis électriques au bâtiment historique.
«Il s’agit de susciter la réflexion autour de la transition numérique.
Car, au-delà du jeu, elle est partout, et il y a encore un réel travail d’éducation à faire»
DANIEL RAPPO, PROFESSEUR À LA HEIG-VD «J’aimerais rendre plus visible la scène numérique helvétique: il n’y a pas que les jeux japonais et américains!»
MARC ATALLAH, FONDATEUR DE NUMERIK GAMES
Entre ces interludes de peinture vivante, les curieux de la place Pestalozzi pourront participer à des minijeux contrôlés depuis leur smartphone, qui s’affichent en direct sur le mur de pierre. Certains de ces modules expérimentaux flirtent aussi avec le virtuel.
Projectiles virtuels
«Lorsque la caméra de son téléphone reconnaît le Temple grâce à des marqueurs projetés, en tapant sur son écran, le joueur peut alors faire apparaître des projectiles sur la façade et faire tomber des briques. Cela veut dire qu’il place un objet virtuel directement dans la réalité, raison pour laquelle nous parlons d’une expérience de réalité amplifiée», explique Daniel Rappo, professeur à la HEIG-VD et responsable du projet.
L’occasion de célébrer de façon ludique les progrès technologiques, mais pas seulement. «C’est une manière d’initier le dialogue et la réflexion autour de la transition numérique, souligne Daniel Rappo. Car au-delà du jeu, elle est partout, et il y a encore un réel travail d’éducation à faire.» Dans ce cadre, le festival propose également un cycle de conférences. Et si les téléphones chauffent autant que les méninges, pas de panique: des bornes de rechargement seront mises à disposition.
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