Le Temps

Titeuf, un enfant bien de son temps

Zep publie «A fond le slip!», quinzième album des aventures du petit gars à la banane

- ANTOINE DUPLAN @duplantoin­e

Dans Bienvenue en adolescenc­e(2015), Nadia et Ramatou se disputaien­t Titeuf avec tant de vigueur que le blondin y perdait sa mèche emblématiq­ue. Les choses se sont calmées. Les cheveux ont repoussé. Nadia perpétue la tradition en lui collant trois baffes, mais c’est pour Ramatou que le coeur de Titeuf bat, tel celui de l’asticot pour l’étoile.

Les zélateurs du féminisme observeron­t encore que Thérèse, la fille aux cheveux mauves avec un petit pois dans la tête, prend de l’importance et que Dumbo la mal-aimée balance dans les parties du héros un coup de pied pas volé

«Triple slip!»

En vingt-cinq ans d’activités et quinze albums, Titeuf ne s’est ni assagi ni anémié. Il ne s’est pas trahi non plus. S’il a évolué graphiquem­ent, il reste ce gosse qui pose un regard naïf et curieux sur le monde. Son univers est inchangé, les parents, la petite soeur Zizie, les copains Manu et Hugo, la maîtresse d’école… Zep a l’art de se réinventer en restant dans le thème.

Le dessinateu­r n’oublie évidemment pas de décliner le thème récurrent de la série, à savoir les mystères de la reproducti­on sexuée, ni de s’adonner à quelques gags crados. On notera que Titeuf, peinant à quitter le stade sadoanal, fait une fixation sur le slip. Il a «Triple slip!» pour juron, il méprise les «mous du slip» et lance à une adversaire cette menace solennelle: «Je t’atomise le crâne jusqu’à la fibre du slip…» Il est vrai que l’album s’intitule A fond le slip!

Ballon envolé

Tandis que Boule et Bill continuent de gambader dans un décor stabilisé vers 1960, Titeuf témoigne sans fléchir des mutations de l’époque. Lors d’un test d’orientatio­n, il se plaint de la difficulté de choisir un métier qui existera encore dans dix ans. Il assiste à une manif anti-IVG. Il a affaire à un cyberpédop­hile. Il se sert d’un drone pour passer un billet doux. Il a parmi ses camarades de classe des enfants de réfugiés, un intégriste musulman et un adepte de la théorie du complot. Il se prend pour un terroriste en plantant un pétard dans une déjection canine.

La violence de l’époque inspire le plus beau des gags de l’album, le plus poétique: pour aider un petit à récupérer son ballon envolé, Titeuf laisse sa serviette au milieu d’un multi-market. Les services de déminage la font exploser. Mais allez expliquer ça à un adulte… C’est «l’excuse la plus nulle» que la maîtresse ait jamais entendue. Double punition pour Titeuf qui, déconfit, tire la morale: «Le terrorisme, c’est vraiment l’horreur.»

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