Le Temps

Sus à la maigreur sur les podiums

Pleines de bonne volonté, des marques ont signé une charte en faveur du bien-être des mannequins

- MELISSA KILICKAYA @kilickayad­ilara

Des mannequins qui tiennent à peine debout, engoncées dans leurs cuissardes. D’autres qui s’évanouisse­nt après être restées trois heures en plein soleil sans rien à boire. Triste tableau pour la quatrième saison de la marque Yeezy du rappeur Kanye West. La faute à qui? Au clan Kardashian-Jenner, qui était en retard au défilé…

Il y a tout juste un an, le show avait soulevé les indignatio­ns et l’effroi de milliers d’internaute­s et de «modeux» de tous bords. Depuis plusieurs années, ce genre de calvaire est pourtant devenu monnaie courante pour les mannequins souhaitant faire carrière en foulant les podiums des plus grandes maisons de couture. Au point que James Scully était sorti de sa réserve. Le directeur de casting avait publiqueme­nt condamné Balenciaga, jugeant «sadique et cruelle» cette manie de la marque italienne de faire poireauter ses modèles des heures dans les escaliers.

En partie pour répondre à cette énième polémique au sujet des conditions de travail des modèles, les deux géants du luxe Kering et LVMH ont signé une charte commune «sur les relations de travail et le bien-être des mannequins». Les deux groupes, qui possèdent notamment des marques comme Vuitton, Yves Saint Laurent, Gucci ou encore Fendi ont profité du lancement la semaine dernière de la Fashion Week de New York pour marquer le coup.

Les nouvelles mesures qui concernent le poids et l’âge des mannequins devront être appliquées immédiatem­ent et dans le monde entier. «Nous voulions aller vite et frapper fort, pour que les choses bougent vraiment, et essayer d’inciter au maximum les autres acteurs de la profession à nous suivre», déclarait le PDG de Kering, François-Henri Pinault.

La charte prévoit d’exiger un certificat médical, daté de six mois au maximum, attestant de la bonne santé et de l’aptitude des mannequins à travailler. L’âge minimum pour se présenter aux castings est désormais fixé à 16 ans. «Une jeune fille de 15 ans n’a pas le bagage nécessaire pour affronter le monde difficile de la mode et du mannequina­t», admet Antoine Arnault, membre du conseil d’administra­tion de LVMH. Plus de gamines dans des vêtements de femmes, à l’avenir. De leur côté, les 16-18 ans feront l’objet d’une attention et d’une surveillan­ce particuliè­re.

Alors que Karl Lagerfeld déclarait à plusieurs reprises que «les mannequins maigres rendent juste mieux sur le catwalk», la charte insiste sur la suppressio­n des tailles inférieure­s au 34. «Même si une taille 34 reste beaucoup trop maigre pour 1 m 80», estime l’ancien mannequin Victoire Maçon Dauxerre, qui avait dénoncé le diktat de la maigreur en 2016.

Lequel, à travers les campagnes de publicité et les défilés, fait des ravages depuis longtemps en vendant aux jeunes filles une illusion malsaine les entraînant parfois dans l’anorexie ou d’autres moyens pour conserver une taille zéro, tels que la réduction mammaire ou la prise de laxatifs.

«C’est un premier pas extraordin­aire pour remettre un peu d’humanité dans la façon dont sont traités les mannequins», estime James Scully, qui a participé aux discussion­s dans l’élaboratio­n de la charte. Reste à savoir si les photograph­es et les fashion designers se plieront à ces exigences. ▅

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(BENOIT TESSIER/REUTERS) Défilé Kering, Fashion Week Paris, 2013.

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