Michael Lahyani rebat les cartes de l’immobilier à Dubaï
Le Genevois est devenu leader des petites annonces immobilières au Moyen-Orient avec son site Property Finder. En parallèle, il est actif dans le «venture capital» et investit dans des sociétés technologiques à forte croissance
Il a grandi à Genève et fait fortune aux Emirats arabes unis. Michael Lahyani, 37 ans, y a créé le site internet Property Finder il y a douze ans. Le design et les fonctionnalités rappellent les plateformes de co-hébergement comme Airbnb. Sauf qu’au lieu de mettre en relation des hôtes, Property Finder réunit des vendeurs et des acheteurs de biens immobiliers. Créé dans la patrie de l’immobilier le plus échevelé, à Dubaï, en 2005, le concept a depuis essaimé au Qatar, au Bahreïn, en Arabie saoudite, au Maroc, en Egypte, au Liban et bientôt en Turquie, où le groupe vient de faire une acquisition. Entre 2011 et 2016, la société a connu une croissance de 100%, et «un taux plus raisonnable» depuis. Malgré ce succès, tout n’a pas été rose immédiatement.
Diplômé de HEC Lausanne, Michael Lahyani établit ses premiers contacts dans la péninsule arabique en lançant en 2003 le magazine international d’équitation Equestrio avec une amie suisse. L’idée d’une publication qui puisse toucher un public plus large émerge. Il cible les petites annonces immobilières à Dubaï, car rien n’existe encore dans le domaine. Le projet prend forme, bientôt accompagné d’un site internet: Property Finder est né. Michael Lahyani restreint ses nombreux allers-retours avec la Suisse en s’installant définitivement à Dubaï en 2005. «A l’époque, c’était un village, tout le monde se connaissait. L’accueil était fantastique, on était presque poussé à monter une entreprise.» Avec des origines marocaines de par son père, le jeune homme se sent vite à l’aise.
Son entreprise prometteuse se fait alors remarquer par REA Group – géant australien de l’immobilier appartenant à l’homme d’affaires Rupert Murdoch –, qui achète plus de la moitié de la société. «Le groupe est arrivé avec son savoir-faire, cela nous a beaucoup servis par la suite.» Puis la crise financière de 2008 touche Dubaï de plein fouet et les prix de l’immobilier chutent. Le Suisse s’accroche et rachète finalement les parts de REA Group, qui veut quitter les Emirats.
Début 2015, le fonds d’investissement Vostok, coté au Nasdaq suédois, évalue Property Finder à 200 millions de dollars en achetant 10% du capital pour 20 millions. La société compte aujourd’hui près de 300 employés, dont une moitié à Dubaï et une autre répartie sur les différents marchés. «Une mise en bourse n’est pas impossible dans quelques années», laisse entendre son CEO.
Pourquoi avoir choisi Dubaï? La ville attire le jeune homme par hasard, lorsqu’il rend visite à son oncle, mandaté pour le chantier de Palm Island, en 2004. La ville est alors en ébullition. «Quelque chose de grand se préparait. Cette ville m’a paru beaucoup plus intéressante que la Suisse, qui, à l’époque, encourageait peu l’entrepreneu- riat.» Après ses études, il est très vite tenté de monter sa propre affaire, mais son père, marchand d’art, lui conseille d’abord d’acquérir de l’expérience. Michael Lahyani entre alors chez PricewaterhouseCoopers, grande société active dans l’audit et le conseil financier. Il y reste deux ans. Une expérience formatrice, qui le conforte pourtant dans l’idée qu’il ne veut pas du monde du corporate.
Son succès, le Genevois l’explique par la capacité de rester concentré sur son objectif. «Avec mon équipe, on ne s’est pas dispersé. Je ne me suis jamais lancé dans le courtage immobilier, même s’il me tend les bras depuis des années!» L’observation du business model de l’Australien qui l’a racheté en 2007 a été source d’enseignements: «Quand vous avez l’opportunité d’apprendre d’un groupe coté en bourse avec des marges nettes supérieures à 50%, vous ne cherchez pas ailleurs.»
Avec le temps, d’autres sont venus exploiter le filon de Property Finder. «La société reste pourtant numéro un en investissant de manière très agressive. Tous nos bénéfices sont réinjectés, permettant d’accroître nos parts de marché face aux géants de la branche.» La capacité de Michael Lahyani à s’entourer de talents a également payé. Après l’embauche du fondateur du plus gros site de petites annonces suédois il y a quelques années, un ami suisse spécialisé dans le capital-investissement a récemment rejoint l’équipe en tant que CFO.
Malgré un goût des affaires évident, Michael Lahyani profite aussi de son temps libre. Il s’entraîne au triathlon et apprécie les possibilités qu’offre Dubaï, entre mer et désert, sports nautiques et motocross dans les dunes. Une hygiène de vie qu’il tient à maintenir dans son entreprise: un fitness y a été aménagé, avec la présence d’un coach. En été, quand les températures avoisinent les 50 degrés, lui et sa compagne, également Suisse, retournent au pays où ils retrouvent famille et amis au bord du lac Léman. «Le pays a connu un fantastique changement de mentalités: on n’attend plus d’un jeune sortant de HEC qu’il entre forcément chez UBS ou Credit Suisse. Toute une génération d’entrepreneurs talentueux émerge!»
Dans le pays où il a grandi, Michael Lahyani est actionnaire d’Hosco, une plateforme de recrutement pour les métiers de l’accueil, ainsi que du site de crowdfunding immobilier Foxstone. Il soutient également depuis peu Kourts, une start-up californienne facilitant la réservation de courts de tennis, développée par un Suisse «dont on entendra bientôt parler». L’entrepreneur n’est pas près de lâcher son affaire principale. «Le site est en pleine expansion, il reste beaucoup d’opportunités à développer. Quitter Dubaï? Je ne vois pas de bonne raison de le faire aujourd’hui.»
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