Le Temps

Le prix des billets CFF restera stable

Andreas Meyer considère que le réseau grandes lignes doit rester en mains des CFF. Il s’inquiète des conséquenc­es de la désindustr­ialisation de la Suisse, qui pèse sur le résultat du transport de marchandis­es

- PROPOS RECUEILLIS PAR BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Interviewé par Le Temps, le patron des CFF, Andreas Meyer, l’affirme: «Il n’y aura pas d’augmentati­on des tarifs en décembre de cette année et nous ne prévoyons pas de hausse sur le réseau grandes lignes ni en 2018 ni en 2019.» Andreas Meyer dit par ailleurs s’inquiéter des conséquenc­es de la désindustr­ialisation de la Suisse, qui pèse sur le résultat du transport de marchandis­es.

Les CFF bouclent le premier semestre avec un bénéfice net de 152 millions, en hausse par rapport à 2016 (72 millions). Ce résultat s’explique par la hausse des recettes du trafic voyageurs et l’augmentati­on de la productivi­té de l’infrastruc­ture. Par contre, CFF Cargo affiche un résultat négatif de 25 millions. Le patron de l’entreprise, Andreas Meyer, revient sur ces résultats et sur la concurrenc­e que veut exercer la compagnie BLS.

Les recettes du trafic voyageurs et le nombre d’abonnement­s généraux et demi-tarif sont en hausse. L’augmentati­on des tarifs en décembre dernier n’a-t-elle pas eu d’effet dissuasif? Non. Cela prouve que nos clients jugent le rapport entre le prix demandé pour les abonnement­s et les prestation­s adéquat.

Les tarifs peuvent-ils continuer d’augmenter chaque année? Non. Il n’y aura pas d’augmentati­on en décembre de cette année et nous ne prévoyons pas non plus de hausse sur le réseau grandes lignes ni en 2018 ni en 2019. Les prix devraient rester stables en moyenne, mais certaines adaptation­s ciblées pour certains types de billets ne sont pas exclues. Il faut aussi que l’ensemble de la branche partage cette vision. Et cela dépendra des commandes des cantons en matière de trafic régional. Mon rêve à long terme reste que les prix puissent baisser.

Est-ce un argument pour défendre votre monopole sur les grandes lignes et contrer l’offensive de la compagnie BLS, qui demande cinq concession­s? Un réseau tel que celui des grandes lignes, qui correspond en fait à une sorte de grand RER, est géré de manière plus efficace s’il est exploité par un seul et même opérateur. Si on en extrait certaines lignes, il coûtera plus cher.

Vous avez tout de même fait une offre de partenaria­t à BLS. Oui. Nous avons fait une propositio­n de coopératio­n dans le cadre de l’intégratio­n de la ligne Berne-Neuchâtel-La Chauxde-Fonds dans le réseau grandes lignes afin de compenser la perte des indemnités versées au titre du trafic régional. Jusqu’à maintenant, aucun accord n’a pu être trouvé.

Parce que les demandes de BLS entraînera­ient une diminution de recettes de 100 millions pour les CFF? BLS souhaite exploiter des grandes lignes qui sont rentables dans l’ensemble. Or, la compagnie propose exactement la même offre que nous, avec le même horaire et les mêmes tarifs. Si l’on change d’opérateur, cela provoque des coûts de transfert de 20 à 40 millions, des investisse­ments à double, des charges de coordinati­on entre BLS et CFF et une diminution de recettes pour nous. Or, nos coûts sont déjà sous pression. Nous devrions nous séparer d’une partie de notre personnel. Mais notre convention collective de travail interdit les licencieme­nts. Je m’étonne d’ailleurs de la démarche de l’Office fédéral des transports, qui veut introduire la concurrenc­e sur le réseau mais a demandé aux opérateurs de s’entendre entre eux. Cela ne fonctionne pas.

Les CFF soulignent l’augmentati­on de la ponctualit­é de 2,1 points à 89,8% au premier semestre, mais avec un bémol pour la Suisse romande, où elle n’a été que de 88,4%. Pourquoi? Parce que nous avons de très grands chantiers en cours entre Lausanne et Genève. C’est une source de tensions à tous les niveaux. Nos collaborat­eurs font un travail énorme dans un contexte difficile. Cette région est aujourd’hui prioritair­e pour nous. Nous faisons tout notre possible pour maintenir les lignes ouvertes malgré les travaux. La ponctualit­é a d’ailleurs augmenté en août, à 89%.

Néanmoins, la ligne Lausanne-Berne sera entièremen­t coupée pendant plusieurs semaines entre Lausanne et Puidoux l’été prochain. Présentere­z-vous une offre de substituti­on valable? J’ai rencontré la présidente du gouverneme­nt vaudois, Nuria Gorrite. Nous sommes en train de discuter de solutions à court et à long terme. Elles seront communiqué­es d’ici à la fin de l’année. Nous faisons tout notre possible pour trouver les meilleures solutions pour nos clients.

Les résultats de CFF Cargo sont négatifs. Comment les expliquez-vous? Nous avons constaté un processus important: la Suisse se désindustr­ialise. Certains sites de production sont transférés ailleurs, certaines activités cessent, notamment dans les secteurs de la sidérurgie et du papier. Nous avons pris des mesures pour améliorer notre offre, par exemple en wagons isolés, mais nous avons aussi élaboré un programme d’assainisse­ment qui permettra d’économiser 80 millions d’ici à 2020. Nous devons augmenter la productivi­té en utilisant toutes les possibilit­és de l’automatisa­tion. Nos clients peuvent continuer de nous faire confiance.

Andreas Meyer: «Un réseau tel que celui des grandes lignes, qui correspond en fait à une sorte de grand RER, est géré de manière plus efficace s’il est exploité par un seul et même opérateur.»

La livraison des trains à deux étages construits par Bombardier semble avoir encore pris du retard. Confirmez-vous qu’ils ne seront pas disponible­s pour le changement d’horaire du 10 décembre? Les tests avancent, mais pas de manière à nous permettre d’être sûrs qu’ils seront à dispositio­n au changement d’horaire. Plusieurs tests d’homologati­on doivent encore être effectués. Or, nous ne voulons pas mener d’expériment­ations avec nos clients. Nous envisageon­s d’insérer progressiv­ement ces nouveaux trains sur le réseau, mais il est exclu de le faire de manière régulière avant d’être absolument sûrs qu’ils soient fiables. Nous ne voulons en aucun cas que nos clients subissent les conséquenc­es d’une mise en service trop rapide.

Envisagez-vous de demander de nouvelles pénalités à Bombardier? Nous constatons que cette livraison est très en retard. Mais nous voulons soutenir les efforts de Bombardier pour que ces trains soient entièremen­t opérationn­els le plus rapidement possible.

A la fin du mois, le Conseil fédéral fixera le montant de l’enveloppe de la deuxième tranche de réalisatio­n des projets financés par le fonds d’infrastruc­ture ferroviair­e. Il devra choisir entre 7 et 12 milliards. Quel est l’avis des CFF? Nous sommes d’avis qu’il faut accorder la priorité aux investisse­ments qui améliorent réellement l’offre et garder un équilibre raisonnabl­e entre le prix demandé et les prestation­s offertes. Or, les investisse­ments ont des coûts consécutif­s élevés. Cela doit être pris en compte.

 ?? (PIERRE-YVES MASSOT) ??
(PIERRE-YVES MASSOT)

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland