Le Temps

Justin Murisier sur les pentes de Nouvelle-Zélande avec les JO dans le viseur

Impossible de préparer une saison de ski en restant dans les Alpes. Le Valaisan Justin Murisier, que «Le Temps» suit jusqu’aux Jeux olympiques 2018, et ses camarades d’entraîneme­nt sont partis en Nouvelle-Zélande affûter leurs sensations

- LIONEL PITTET @lionel_pittet

Le soleil du Tessin n'a pas son pareil pour accompagne­r en douceur le déclin des beaux jours. Le skieur Justin Murisier y était la semaine dernière pour quelques jours avec sa copine. Lui ne sortait toutefois pas de l'été suisse, ses festivals et ses Spritz en terrasse, mais de l'hiver néo-zélandais. Pendant un mois, le Valaisan de 25 ans et ses camarades se sont entraînés sur la neige des stations de Cardrona et de Coronet Peak. Une étape essentiell­e de sa route vers les Jeux olympiques de Pyeongchan­g, en février prochain.

Beaucoup rêvent d'un été indien qui s'étire jusqu'au bout de l'automne. Les sportifs, eux, se désolent que l'hiver ne s'installe pas plus tôt. Lorsque la saison de Coupe du monde débutera, fin octobre à Sölden (Autriche), les skieurs devront être prêts. Physiqueme­nt. Techniquem­ent. Les automatism­es bien en place.

Mais avant cela, impossible de trouver en Europe des conditions d'entraîneme­nt idéales. La neige des glaciers suisses fait l'affaire pour reprendre leurs marques, guère plus. Ils ne peuvent attendre l'hiver; ils doivent aller le chercher là où il se trouve: dans l'hémisphère Sud.

Période la plus intense

Certaines équipes choisissen­t le Chili ou l'Argentine. Pour la deuxième année consécutiv­e, les technicien­s suisses ont mis le cap sur la Nouvelle-Zélande pour quatre semaines. De toute leur préparatio­n, il s'agit de la période la plus intense sur les lattes. Pour Justin Murisier, elle est primordial­e pour tester le matériel et trouver des sensations. «Le bilan est plutôt bon, explique-t-il. Les conditions étaient potables. J'ai mis des trucs en place. Mais nous n'avons pas non plus pu skier à fond tout au long du séjour.»

Une première semaine de mauvais temps. Presque sans ski. A se demander le sens de ce long voyage pour accomplir le même travail physique qu'en Suisse. Puis, les conditions se sont améliorées, avec toutefois une neige capricieus­e. La légende dit que les esquimaux ont 52 mots pour la désigner, il n'en faut guère moins à Justin Murisier. «Elle était parfois dure, parfois molle, parfois nous l'avons salée pour l'améliorer. Souvent, elle changeait au cours de la journée. Ce n'est pas pratique car nous testons plusieurs paires de ski. Si la neige évolue, la comparaiso­n devient impossible.»

Au final, sur 19 jours de ski, le Bagnard estime avoir pu attaquer trois jours en géant, sa spécialité, et trois autres en slalom. Le reste du temps, faute d'une neige propice à un ski «Coupe du monde», il s'est focalisé sur la technique. «Je n'ai pas l'impression d'avoir passé un cap significat­if mais c'est normal: à notre niveau, cela ne peut pas arriver chaque hiver. Mais je me trouve plus constant. Je fais moins de grosses fautes que l'hiver dernier.»

Repos minimal

Le skieur, si souvent éloigné des pistes par des blessures, se laisse porter par une condition physique bien au point. Son dos tire un peu mais des séances régulières chez le physio permettent de le détendre rapidement. Son genou aux ligaments croisés déchirés deux fois ne l'ennuie plus autant que par le passé. «L'an dernier, en Nouvelle-Zélande, je devais faire une pause tous les trois ou quatre jours de ski pour que mon corps récupère. Cette fois, c'était tous les six ou sept jours.»

Cela n'est pas pour lui déplaire, mais l'entraîneme­nt plus intensif rabote en conséquenc­e ses plages de repos. Quand Justin Murisier dit à ses potes non skieurs qu'il part un mois en Nouvelle-Zélande, ils y voient des vacances maquillées en boulot. La réalité est bien différente et ferait scandale dans le monde du travail traditionn­el. Peu de temps libre. De très rares jours «off». Deux, au total. Dont un, pour le Valaisan, passé à soigner une crève qui l'a poursuivi 72 heures. Mais Justin Murisier ne veut surtout pas donner l'impression de se plaindre: «Ce n'est pas le bagne non plus, hein…»

Ce n'est pas du tourisme non plus, avec une seule petite virée à Queenstown, sur les rives du lac Wakatipu. Le voyage avait pourtant ses agréments. Les cinq skieurs du groupe technique de Swiss-Ski vivaient en coloc' dans une villa d'Arrowtown, petite bourgade située à proximité de plusieurs stations de montagne. L'ambiance entre eux est excellente. Luca Aerni, Daniel Yule, Reto Schmidiger, Marc Rochat et Justin Murisier ont la chance d'être de la même génération (ils sont tous nés entre 1992 et 1993) et de «rire des mêmes trucs», dit le dernier cité.

Après avoir été souvent blessé, Justin Murisier jouit aujourd’hui d’une bonne condition physique. Le skieur valaisan a ainsi pu s’astreindre à un entraîneme­nt exigeant sur les sommets néo-zélandais durant quatre semaines.

Quand Justin Murisier dit à ses potes qu’il part un mois en Nouvelle-Zélande, ils y voient des vacances maquillées en boulot. La réalité est bien différente et ferait scandale dans le monde du travail

Le plus gros est fait

Mais au bout d'un mois, il admet être content de changer d'air et de retrouver sa copine. «Je ne suis pas du genre à m'ennuyer, d'autant que nous avons toujours quelque chose à faire, glisse-t-il. Mais après quatre semaines, cela fait du bien de retrouver du calme et quelqu'un que tu aimes…»

Au Tessin, c'est l'heure de l'apéro. Avant de raccrocher le téléphone pour aller profiter du soleil, Justin Murisier fait le compte: «C'est assez incroyable de se dire qu'à la mi-septembre, on a fait les deux tiers des jours de ski de notre préparatio­n. Avant le début de la Coupe du monde, il ne nous en reste qu'une dizaine…» L'hiver vient. Justin Murisier est presque prêt à l'accueillir.

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(INSTAGRAM @JUSTIN_MURISIER)

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