Le Temps

«Berne peut jouer un rôle dans la crise coréenne»

- PROPOS RECUEILLIS PAR SIMON PETITE @SimonPetit­e

Il y a toujours une place pour la diplomatie, mais la crise nord-coréenne est arrivée à un point crucial, décrypte James Lindsay, vice-président du Conseil des relations extérieure­s, un think tank américain

Le Conseil des relations extérieure­s (Council on Foreign Relations) est un think tank de politique étrangère très influent aux EtatsUnis. Son vice-président, James Lindsay, de passage en Suisse sur fond de tension maximale entre la première puissance mondiale et la Corée du Nord, livre son analyse.

Si vous venez en Suisse, c'est pour parler de cette offre de médiation helvétique sur la crise nord-coréenne? Je suis ici pour parler de la politique étrangère américaine sous Donald Trump, qui suscite beaucoup d’interrogat­ions et de curiosité. Mais oui, c’est vrai, je rencontrer­ai [ jeudi] des représenta­nts du Départemen­t fédéral des affaires étrangères. Votre présidente a offert les bons offices de la Suisse. Votre pays peut jouer un rôle. Chacun se souvient que vous avez accueilli les pourparler­s qui ont abouti à la signature d’un accord avec l’Iran sur son programme nucléaire.

Sauf que ni la Corée du Nord ni les Etats-Unis n'ont répondu à cette offre de médiation. Cela ne signifie pas qu’ils ne se mettront pas finalement autour d’une table. Pour l’instant, la Corée du Nord poursuit le développem­ent de son programme nucléaire. De leur côté, les EtatsUnis ont entrepris de renforcer la pression sur Pyongyang. Un nouveau train de sanctions vient d’être adopté par le Conseil de sécurité de l’ONU, même si cela ne va pas assez loin.

Entre les tweets intempesti­fs du président et les déclaratio­ns de son administra­tion, la politique nord-coréenne des Etats-Unis paraît illisible. Donald Trump, qui a hérité le problème nord-coréen des administra­tions précédente­s, a toujours été très transparen­t sur ce qu’il comptait faire. Il l’a ouvertemen­t expliqué via Twitter, son canal de communicat­ion préféré. Il a d’abord compté sur la Chine: c’était à Pékin de régler le problème à sa frontière. Donald Trump a donc mis en sourdine ses attaques contre la Chine, qu’il accusait pendant la campagne de voler les emplois américains. Mais Pékin n’est manifestem­ent pas prêt à aller aussi loin que le veut Washington pour forcer son allié nord-coréen à faire des concession­s. Donald Trump est donc devenu plus dur avec la Chine. Le risque d'une guerre sur la péninsule coréenne est-il le plus élevé depuis l'armistice de 1953? Pendant la campagne, Donald Trump a toujours condamné l’interventi­onnisme, la folie selon lui de vouloir imposer la démocratie dans le monde. Il ne veut pas la guerre, mais cela ne signifie pas qu’il ne l’aura pas. Nous sommes arrivés à un point crucial. Les Etats-Unis vont devoir choisir s’ils acceptent que la Corée du Nord devienne une puissance nucléaire. J’ignore combien de temps il faudra encore au régime de Kim Jong-un pour pouvoir menacer les Etats-Unis avec des missiles à tête nucléaire. Mais les Nord-Coréens avancent vite et il n’y a aucune indication qu’ils renoncent à cet objectif.

«Les Etats-Unis vont devoir choisir s’ils acceptent que la Corée du Nord devienne une puissance nucléaire»

Les Etats-Unis peuvent-ils s'accommoder du fait que la Corée du Nord devienne une puissance nucléaire? Il y a un consensus pour affirmer que Kim Jong-un cherche avec l’arme nucléaire à assurer la survie de son régime. Mais que fera-t-il ensuite? C’est là que les avis divergent. Pyongyang pourrait être tenté de pousser son avantage et régler le conflit entre les deux Corées à sa manière. Car les Etats-Unis, qui offrent un parapluie nucléaire à la Corée du Sud et au Japon, pourraient ne pas être prêts à risquer de voir Los Angeles frappée par les missiles nord-coréens pour protéger Séoul ou Tokyo.

N'y a-t-il que des mauvaises options face à la Corée du Nord? Le coût d’une interventi­on militaire contre la Corée du Nord serait énorme. Mais le coût de l’inaction est aussi effrayant. Si la Corée du Nord devient une puissance nucléaire, la proliférat­ion en sera relancée. Pyongyang pourrait vendre sa technologi­e et d’autres pays risquent de vouloir se doter de l’arme atomique, à commencer par la Corée du Sud et le Japon.

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JAMES LINDSAY VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL DES RELATIONS EXTÉRIEURE­S

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