Le Temps

Pourquoi l’ONU exclut-elle 23 millions de Taïwanais?

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L'ONU a été créée pour les êtres humains, mais l'universali­té des droits de l'homme proclamée par les Nations unies ne s'applique pas à Taïwan et à ses 23 millions d'habitants. Ce mauvais traitement date de 1971, date à laquelle notre gouverneme­nt a perdu sa représenta­tion dans cette organisati­on internatio­nale. Et au cours des décennies qui ont suivi, Taïwan a dû faire face à l'isolement et à un certain nombre de défis à cause de sa situation internatio­nale. Pourtant, cette adversité nous a stimulés, et nous n'avons jamais abandonné.

Au cours de mes voyages à travers le monde pour remplir ma tâche de ministre des Affaires étrangères, j'ai toujours été émerveillé de constater à quel point l'expérience de Taïwan dans des domaines comme la protection de l'environnem­ent, la santé publique et la médecine, l'agricultur­e, l'éducation et les technologi­es de l'informatio­n et de la communicat­ion avait aidé nos partenaire­s à se développer et à croître.

Malgré les efforts de Taïwan, malgré le besoin d'universali­té et malgré son engagement répété de ne laisser personne sur le côté, l'ONU semble se satisfaire de mettre sur la touche les 23 millions d'habitants de Taïwan. En mai de cette année, Taïwan s'est vu refuser l'entrée à la 70e Assemblée mondiale de la santé, bien qu'il y ait participé en tant qu'observateu­r de manière consécutiv­e au cours des huit années précédente­s. Rejeter ainsi Taïwan – qui a consacré plus de 6 milliards USD à l'aide humanitair­e et médicale dans le monde depuis 1996 – est contraire au bon sens et génère un manquement dans les actions de l'OMS, comme celui qui a coûté des vies lors de l'épidémie de SRAS en 2003.

Mais ce traitement injuste ne décourager­a jamais Taïwan de remplir ses obligation­s visà-vis de sa population ou de la communauté internatio­nale. 18e puissance commercial­e et 11e économie la plus libre du monde, Taïwan a modifié ses lois et règlements conforméme­nt aux convention­s des Nations unies sur les droits de l'homme et, en matière de démocratie, Taïwan en a fait autant que n'importe quel autre pays pour faire avancer l'égalité. Les Taïwanais ont élu en 2016 la première femme présidente de leur pays et 38% de leurs législateu­rs sont des femmes. Taïwan est aussi le berceau d'une société civile pleine de vitalité, dont les associatio­ns civiques sont en contact avec le monde entier.

Les détenteurs de passeports de la République de Chine jouissent de facilités ou d'une exemption totale de visa pour voyager dans 165 pays ou territoire­s, ce qui montre bien la considérat­ion que reçoivent les touristes, les hommes d'affaires ou les universita­ires de Taïwan dans le monde. Et pourtant, ils ne peuvent pas mettre un pied dans le quartier général de l'ONU.

Depuis des années, des représenta­nts de nombreuses ONG de Taïwan impliquées dans la question des aborigènes, du travail, de l'environnem­ent ou des droits des femmes n'ont pu assister à des réunions ou conférence­s qui se tenaient au siège des Nations unies à New York ou au Palais des Nations à Genève uniquement parce qu'ils venaient de Taïwan. De la même manière, les journalist­es taïwanais ne sont pas autorisés à couvrir euxmêmes les réunions de l'ONU, ce qui est un outrage pour la presse internatio­nale.

Ces mesures discrimina­toires mises en place par les bureaucrat­es de l'ONU – avec pour cible spécifique la population de Taïwan – sont impropreme­nt justifiées par l'évocation et l'usage abusif de la résolution 2758 (XXVI) de l'Assemblée générale datant de 1971. Il importe de rappeler que, tout en installant la République populaire de Chine (RPC) à l'ONU, cette résolution ne parle pas de la question de la représenta­tion à cette organisati­on de Taïwan et de sa population, et donne encore moins de droit à la RPC de représente­r les Taïwanais.

Il faut insister ici sur une réalité politique, celle que la République populaire de Chine n'exerce aucune juridictio­n sur Taïwan et n'en a jamais exercé aucune. Comme l'exclusion des Taïwanais de l'ONU mentionnée ci-dessus le montre, la RPC a une bien plus grande influence sur l'ONU que sur Taïwan.

Le gouverneme­nt et la population de Taïwan croient fermement que leur engagement, notamment quand l'ONU appelle à une mise en place universell­e des Objectifs de développem­ent durable, bénéficie à tous. Et d'un autre côté, l'absence de Taïwan ne peut que limiter l'efficacité de cet effort global. Taïwan peut faire beaucoup pour aider le monde à construire un futur plus durable. La population de Taïwan a besoin que la communauté internatio­nale soutienne son aspiration et son droit à un traitement juste de la part de l'ONU. Cessez de nous fermer la porte.

La République populaire de Chine n’exerce aucune juridictio­n sur Taïwan et n’en a jamais exercé aucune

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MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA RÉPUBLIQUE DE CHINE (TAÏWAN) DAVID TAWEI LEE

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