L’imperturbable ambition de Kim Jong-un
Malgré le durcissement des sanctions, le dictateur nord-coréen a procédé vendredi à un nouveau tir de missile au-dessus du Japon. L’idée d’ouvrir des négociations avec le régime de Pyongyang fait son chemin
Vendredi matin, les Japonais ont vu apparaître sur leurs écrans une figure familière et inquiétante. Le dictateur nord-coréen, Kim Jong-un, venait de lancer un nouveau missile par-dessus l’île d’Hokkaido, dans le nord de l’archipel nippon. Des millions d’habitants ont été réveillés par les sirènes et les messages d’alerte leur intimant l’ordre de se mettre à l’abri.
Imperturbable au dernier durcissement des sanctions contre son pays décidé lundi par le Conseil de sécurité de l’ONU, Kim Jong-un poursuit le développement de son programme balistique. Il espère mettre le territoire américain à portée de ses missiles, sur lesquels pourraient bientôt être installées des têtes nucléaires. Une ambition poursuivie avec une détermination qui stupéfie la communauté internationale.
«Le plus long vol»
Selon le Ministère sud-coréen de la défense, le missile tiré vendredi a probablement parcouru 3700 kilomètres, atteignant une altitude maximale de 770 kilomètres, avant de s’abîmer dans le Pacifique. C’est le «plus long vol d’un de leurs missiles balistiques», a commenté sur Twitter Joseph Demsey, de l’Institut international des études stratégiques. Une démonstration de force qui accrédite l’idée que la Corée du Nord peut menacer la base américaine de Guam, dans le Pacifique. Durant l’été, Pyongyang a procédé à deux tirs de missiles, qui étaient capables, selon les calculs américains, d’atteindre les Etats-Unis.
«Au printemps, quand je disais que les missiles intercontinentaux nord-coréens n’étaient pas du bluff, on me riait au nez», se souvient Juliette Morillot, spécialiste de la péninsule coréenne et coautrice de La Corée du Nord en 100 questions (Ed. Tallandier). «La communauté internationale s’est trop longtemps enfoui la tête dans le sable, dénonce-t-elle. Ce ne sont pas les nouvelles sanctions qui feront reculer le régime de Pyongyang.» Depuis l’armistice de 1953, la Corée du Nord a eu tout loisir de développer son programme nucléaire. Car les premières sanctions ayant eu un réel impact, toujours selon Juliette Morillot, ne datent que de l’an dernier.
La coréanologue pense que Kim Jong-un vise surtout à assurer la pérennité de son pouvoir et conjurer le sort de l’Irak de Saddam Hussein et de la Libye de Mouammar Kadhafi. Les deux dictateurs avaient pu être renversés parce qu’ils n’avaient pas d’armes de destruction massive. «Le régime nord-coréen a de bonnes raisons de se sentir menacé. Les manoeuvres militaires entre les Etats-Unis et la Corée du Sud simulent une attaque contre Pyongyang», analyse Juliette Morillot.
Il ne faudrait pas, selon elle, prendre au pied de la lettre les déclarations belliqueuses nordcoréennes qui promettent de «couler» le Japon et de réduire en «cendres» les Etats-Unis. D’autant qu’elle fait écho aux menaces de «feu» et de «furie» du président américain Donald Trump. «Cette rhétorique sert aussi à resserrer les rangs des Nord-Coréens contre l’impérialisme américain, l’un des ciments du régime», tempère Juliette Morillot.
L’idée d’ouvrir de nouvelles discussions avec Pyongyang commence à faire son chemin. Les présidents russe Vladimir Poutine et français Emmanuel Macron appellent à des «négociations directes» avec la Corée du Nord pour faire baisser les tensions après le dernier tir de missile, a annoncé vendredi Moscou.
Paris et Moscou à l’unisson
Lors d’un entretien téléphonique, les deux chefs d’Etat «se sont montrés unis concernant le caractère inadmissible d’une poursuite de l’escalade» dans la péninsule coréenne, explique le Kremlin dans un communiqué. Les Etats-Unis restent sceptiques. «Les Nord-Coréens n’ont jamais respecté les accords visant à geler leur programme nucléaire», nous disait jeudi James Lindsay, le vice-président du Conseil des relations extérieures, un think tank américain.
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Une ferme volonté d’éviter le sort de l’Irak et de la Libye