Comment optimiser fiscalement la transmission d’une entreprise
Le processus recèle de nombreux pièges fiscaux dont les impacts peuvent considérablement réduire le produit de la vente. Or, des mécanismes existent pour diminuer, voire annuler cette charge fiscale
C’est décidé. Vous allez vendre votre PME. Comme des milliers d’autres patrons, vous entrez dans le processus long et complexe de la transmission d’entreprise. Peu importe les raisons, il s’agit toujours d’un moment délicat qui, s’il est négligé, peut condamner l’entreprise. Car le processus de succession recèle de nombreux pièges, notamment fiscaux. Pour le cédant, il est donc primordial d’aborder cette question de front, de manière aussi anticipée que possible. «Elle doit être traitée avant même la première discussion avec un acquéreur potentiel», conseille l’avocat Hubert Orso Gilliéron, associé au sein du cabinet genevois Baker & McKenzie.
Le vendeur doit en premier lieu analyser sa situation financière personnelle ainsi que les conséquences fiscales de la transmission. A cet égard, les impacts fiscaux de la vente varient selon la structure juridique de son entreprise (raison individuelle, SA ou Sàrl, etc.). Pourquoi? Dans le cas d’une raison individuelle, la fortune commerciale comprend la totalité du bilan de l’entreprise avec ses avoirs et ses engagements. Lors de la vente, le gain correspondant à la différence entre le prix de vente et la valeur comptable sera soumis à l’impôt sur le revenu.
Prenons l’exemple fictif de Mme Dubois, cheffe d’entreprise en raison individuelle et dont la valeur comptable de ses actifs nets se monte à 550000 francs. Sa PME est revendue 1500000 francs. Aux yeux du fisc, la différence de 950000 francs sera considérée comme un revenu d’activité indépendante. Elle sera taxée à un taux pouvant atteindre – voire excéder, selon les cantons – 40%. A cela s’ajoute l’AVS de 9,5% que tout indépendant doit payer sur son revenu. On totaliserait donc un taux approchant les 50%, soit 475000 francs de charge fiscale.
Atténuer la charge fiscale
Il existe pourtant plusieurs mesures pour atténuer cette charge fiscale. La première consiste à réinvestir une partie du prix de vente dans une autre entreprise, pour autant que le vendeur continue d’exercer une activité professionnelle indépendante. L’autre mesure concerne directement la prévoyance professionnelle du cédant. «Celui-ci peut utiliser une partie du prix de vente pour combler un déficit de prévoyance professionnelle, auquel cas ce montant sera déduit du gain imposable», ajoute Hubert Orso Gilliéron.
Enfin, le vendeur peut aussi répartir le produit de la vente sur plusieurs années, en distinguant une partie fixe payable immédiatement et une partie variable payable au cours des années suivantes. «Mais le cédant prend un risque sur la part variable du prix, qui dépend souvent de la gestion des affaires menée par le repreneur, prévient l’avocat genevois. De plus, le cédant court le risque que l’acheteur fasse faillite, revende l’entreprise ou disparaisse dans la nature.» Pour optimiser fiscalement la transmission, le cédant en raison individuelle a tout intérêt à convertir la raison juridique de son entreprise en Sàrl ou en SA.
Convertir sa raison juridique
Pour en comprendre les raisons, revenons à Mme Dubois. Si la cheffe d’entreprise était organisée en société anonyme, elle aurait constaté que le produit de la vente de son entreprise correspondrait dans ce cas à un gain en capital exonéré d’impôts. En effet, les actions font souvent partie intégrante de la fortune privée de l’actionnaire. «Pour bénéficier de ce traitement favorable, la conversion doit avoir été effectuée au moins cinq ans avant la vente, d’où l’importance de planifier sa succession suffisamment à l’avance.
La conversion facilite aussi les conditions de reprise. «Les acheteurs peuvent directement s’organiser en rachetant des parts. De plus, le cédant ne perd pas le produit de la vente», ajoute Hubert Orso Gilliéron. La transformation d’une société de personnes en société de capitaux est d’autant plus recommandable qu’elle offre également à l’entrepreneur une protection supplémentaire en séparant totalement sa fortune privée de sa fortune commerciale.
Dans la foulée de cette transformation juridique, «il est important d’épurer au maximum le bilan de la société, recommande Jacques Meyer, président de Pme-successions.ch, société romande active dans la transmission de PME. Car tous les actifs inutiles au fonctionnement de l’entreprise augmentent inutilement sa valeur.»
Et puis, conclut Jacques Meyer, «il ne faut pas avoir peur du fisc mais rechercher avec lui une solution acceptable pour tous. Pour ce faire, je ne peux que recommander de rencontrer aussi un fiscaliste pour préparer sa transmission.»
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