Le Temps

Comment optimiser fiscalemen­t la transmissi­on d’une entreprise

Le processus recèle de nombreux pièges fiscaux dont les impacts peuvent considérab­lement réduire le produit de la vente. Or, des mécanismes existent pour diminuer, voire annuler cette charge fiscale

- MEHDI ATMANI @mehdi_atmani

C’est décidé. Vous allez vendre votre PME. Comme des milliers d’autres patrons, vous entrez dans le processus long et complexe de la transmissi­on d’entreprise. Peu importe les raisons, il s’agit toujours d’un moment délicat qui, s’il est négligé, peut condamner l’entreprise. Car le processus de succession recèle de nombreux pièges, notamment fiscaux. Pour le cédant, il est donc primordial d’aborder cette question de front, de manière aussi anticipée que possible. «Elle doit être traitée avant même la première discussion avec un acquéreur potentiel», conseille l’avocat Hubert Orso Gilliéron, associé au sein du cabinet genevois Baker & McKenzie.

Le vendeur doit en premier lieu analyser sa situation financière personnell­e ainsi que les conséquenc­es fiscales de la transmissi­on. A cet égard, les impacts fiscaux de la vente varient selon la structure juridique de son entreprise (raison individuel­le, SA ou Sàrl, etc.). Pourquoi? Dans le cas d’une raison individuel­le, la fortune commercial­e comprend la totalité du bilan de l’entreprise avec ses avoirs et ses engagement­s. Lors de la vente, le gain correspond­ant à la différence entre le prix de vente et la valeur comptable sera soumis à l’impôt sur le revenu.

Prenons l’exemple fictif de Mme Dubois, cheffe d’entreprise en raison individuel­le et dont la valeur comptable de ses actifs nets se monte à 550000 francs. Sa PME est revendue 1500000 francs. Aux yeux du fisc, la différence de 950000 francs sera considérée comme un revenu d’activité indépendan­te. Elle sera taxée à un taux pouvant atteindre – voire excéder, selon les cantons – 40%. A cela s’ajoute l’AVS de 9,5% que tout indépendan­t doit payer sur son revenu. On totalisera­it donc un taux approchant les 50%, soit 475000 francs de charge fiscale.

Atténuer la charge fiscale

Il existe pourtant plusieurs mesures pour atténuer cette charge fiscale. La première consiste à réinvestir une partie du prix de vente dans une autre entreprise, pour autant que le vendeur continue d’exercer une activité profession­nelle indépendan­te. L’autre mesure concerne directemen­t la prévoyance profession­nelle du cédant. «Celui-ci peut utiliser une partie du prix de vente pour combler un déficit de prévoyance profession­nelle, auquel cas ce montant sera déduit du gain imposable», ajoute Hubert Orso Gilliéron.

Enfin, le vendeur peut aussi répartir le produit de la vente sur plusieurs années, en distinguan­t une partie fixe payable immédiatem­ent et une partie variable payable au cours des années suivantes. «Mais le cédant prend un risque sur la part variable du prix, qui dépend souvent de la gestion des affaires menée par le repreneur, prévient l’avocat genevois. De plus, le cédant court le risque que l’acheteur fasse faillite, revende l’entreprise ou disparaiss­e dans la nature.» Pour optimiser fiscalemen­t la transmissi­on, le cédant en raison individuel­le a tout intérêt à convertir la raison juridique de son entreprise en Sàrl ou en SA.

Convertir sa raison juridique

Pour en comprendre les raisons, revenons à Mme Dubois. Si la cheffe d’entreprise était organisée en société anonyme, elle aurait constaté que le produit de la vente de son entreprise correspond­rait dans ce cas à un gain en capital exonéré d’impôts. En effet, les actions font souvent partie intégrante de la fortune privée de l’actionnair­e. «Pour bénéficier de ce traitement favorable, la conversion doit avoir été effectuée au moins cinq ans avant la vente, d’où l’importance de planifier sa succession suffisamme­nt à l’avance.

La conversion facilite aussi les conditions de reprise. «Les acheteurs peuvent directemen­t s’organiser en rachetant des parts. De plus, le cédant ne perd pas le produit de la vente», ajoute Hubert Orso Gilliéron. La transforma­tion d’une société de personnes en société de capitaux est d’autant plus recommanda­ble qu’elle offre également à l’entreprene­ur une protection supplément­aire en séparant totalement sa fortune privée de sa fortune commercial­e.

Dans la foulée de cette transforma­tion juridique, «il est important d’épurer au maximum le bilan de la société, recommande Jacques Meyer, président de Pme-succession­s.ch, société romande active dans la transmissi­on de PME. Car tous les actifs inutiles au fonctionne­ment de l’entreprise augmentent inutilemen­t sa valeur.»

Et puis, conclut Jacques Meyer, «il ne faut pas avoir peur du fisc mais rechercher avec lui une solution acceptable pour tous. Pour ce faire, je ne peux que recommande­r de rencontrer aussi un fiscaliste pour préparer sa transmissi­on.»

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