Le Temps

Comment la NFL a reconquis Los Angeles

- PAR RAY LALONDE * / Alcos Ancien directeur du bureau NBA Europe à Genève, consultant indépendan­t en management du sport

La saison 2017 de la National Football League (NFL) a débuté le 7 septembre avec deux équipes basées à Los Angeles, qui n’en a compté aucune entre 1995 et 2016. La reconquête du deuxième marché en importance des Etats-Unis est le résultat d’un long travail.

Durant des années, le commissair­e et grand patron de la NFL, Roger Goodell, a cherché une solution afin de ramener le football américain à Los Angeles, ses 20 millions d’habitants et son immense potentiel commercial. Le système américain des ligues fermées offre deux options: soit une expansion de la NFL de 32 à 34 équipes, soit la relocalisa­tion – le déménageme­nt – d’une franchise existante.

Plusieurs projets ont été discutés durant dix ans sans aboutir. En janvier 2014, Stan Kroenke, propriétai­re des Rams de Saint-Louis (mais aussi d’Arsenal en Premier League anglaise), achetait un immense terrain de 60 acres à Inglewood, en banlieue de Los Angeles. En janvier 2015, il se proposait d’y construire un stade de 80000 places et éventuelle­ment d’y implanter une équipe de la NFL.

Finalement, le 13 janvier 2016, les Rams annonçaien­t qu’ils déménageai­ent officielle­ment de Saint-Louis à Los Angeles pour redevenir les Rams de LA. Car cette franchise, qui avait vu le jour en 1936 à Cleveland, avait déjà été californie­nne de 1946 à 1995.

Un stade «innovant» à Inglewood

Saint-Louis, métropole du Missouri comptant 2,9 millions de résidents et représenta­nt le 19e marché du pays, n’offrait pas, selon Stan Kroenke, un potentiel économique comparable à celui de Los Angeles. Il n’était pas le seul à le penser. Deux autres franchises, les Oakland Raiders et les San Diego Chargers, qui avaient déjà toutes deux évolué à Los Angeles par le passé, avaient aussi présenté un projet de relocalisa­tion.

Les Rams ont remporté la mise. Stan Kroenke a séduit les 31 autres propriétai­res de la NFL avec conviction et déterminat­ion. Il a vendu la promesse d’un stade innovant et inspirant pour son équipe à Inglewood, un projet à 2,6 milliards de dollars qu’il a promis de payer de sa poche. Ce stade – où la ligue elle-même occupera des bureaux auxiliaire­s dans le complexe d’affaires – ne sera prêt qu’en 2020. Les Rams ont donc disputé la saison dernière et disputeron­t les trois qui viennent au Coliseum de Los Angeles.

L’histoire ne s’arrête pas là. Parce que les Chargers et les Raiders souhaitaie­nt également migrer vers un endroit meilleur. En janvier 2017, les Chargers ont confirmé leur intention d’abandonner San Diego pour Los Angeles. Devenus les LA Chargers, ils jouent au StubHub Center, domicile des footeux du LA Galaxy de la Major League Soccer, avant d’éventuelle­ment louer le stade des Rams à Inglewood en 2020.

Enfin, les Oakland Raiders ont annoncé le 27 mars qu’ils quitteraie­nt la Californie pour emménager dès 2020 dans leur nouveau stade qui sera bâti à Las Vegas. Ils seront la deuxième franchise profession­nelle à voir le jour dans la capitale du jeu, après les Golden Knights de la NHL (hockey sur glace) qui débuteront en octobre prochain.

Faire plus d’argent

La motivation de toutes ces équipes est fort simple: faire plus d’argent. Dans les trois cas présents, on retrouvait le problème commun d’un stade petit et vieillissa­nt. La capacité à générer de nouvelles sources de revenus – par la vente de billets, de loges et d’espaces d’hospitalit­é, de nourriture, de restaurati­on de luxe, de parking ainsi que les opportunit­és publicitai­res pour le sponsoring – était limitée.

Malgré la redistribu­tion d’argent provenant des revenus collectifs des 32 clubs de la NFL, tous les propriétai­res veulent accroître leurs profits et c’est ce qu’un stade neuf pouvait justement apporter. Quitte à évoluer, comme les Chargers au StubHub Center, dans un stade modeste de 27000 places qui réduira les recettes pendant trois ans, avant de générer de nouveaux revenus.

A noter qu’une saison à domicile ne compte que dix matches dont deux de préparatio­n, ce qui permet d’accueillir facilement deux clubs en alternance dans le même stade. C’est ce que font les Giants et les Jets de New York, qui se partagent le MetLife Stadium basé à East Rutherford, dans le New Jersey.

Pression sur les municipali­tés

Chaque franchise de la NFL vaut en moyenne plus de 2,5 milliards de dollars. Elles sont rares, ce qui augmente encore leur valeur, leur attrait et l’influence qu’elles procurent. Grâce à leur statut exclusif dans le cercle sportif américain, les propriétai­res d’équipes peuvent relativeme­nt facilement quitter une ville, emménager dans une autre, et exercer une énorme pression sur les municipali­tés locales pour y obtenir le meilleur modèle d’affaires possible. Ils deviennent encore plus riches, sans états d’âme pour les villes et les fans laissés derrière et abandonnés.

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