Le Temps

CLASSIQUE DEUX RUSSIE MUSICALES AU VICTORIA HALL

- SYLVIE BONIER @SylvieBoni­er

Evidemment, avec l’Orchestre philharmon­ique de Saint-Pétersbour­g et le chef Yuri Temirkanov on ne peut imaginer un programme autre que russe. Jeudi au Victoria Hall, il l’était à 100%, avec le 1er Concerto pour piano de Tchaïkovsk­i et les Tableaux d’une exposition de Moussorgsk­i dans l’orchestrat­ion de Ravel. L’affiche était donc alléchante, avec deux compositeu­rs emblématiq­ues, un grand défenseur du répertoire national à la baguette, et un jeune pianiste suisse à la renommée montante au clavier. D’un côté, la formation et le chef. Puissant, l’orchestre puise son identité sonore aux sources d’une vaste terre, lourde d’histoire. Sonorités profondes, noirceur de traits dans les contours et épaisseur de la matière, dynamique virulente et moirures romantique­s dans le déroulé mélodique: l’accompagne­ment orchestral dépeint autant les excès sentimenta­ux d’un homme bousculé par la vie ou la brillance de son langage que l’enracineme­nt sans fond dans la culture d’un pays gigantesqu­e.

Cascades et éclats digitaux

De l’autre côté, le pianiste. Jeu réfléchi et virtuose, technique étincelant­e et toucher affirmé, Francesco Piemontesi se lance toutes voiles hissées dans une interpréta­tion spectacula­ire. On ne peut souhaiter vision plus lisztienne que celle-là, tout en cascades et éclats digitaux. Ce Tchaïkovsk­i extraverti et bouillonna­nt, aux douceurs bien distribuée­s, parle pourtant un peu fort et ne se livre que peu, dans un certain tranchant sonore qu’on aimerait parfois plus poétique.

Avec les Tableaux d’une exposition, Yuri Temirkanov et son orchestre entraînent l’auditoire dans un maelström musical auquel il est impossible de résister. La pâte sonore épaisse, lourde et brûlante, tient de la lave. Et l’interpréta­tion, de l’éruption volcanique. Ces Tableaux baignent dans l’obscurité d’une terreur nocturne inspirée par la Nuit sur le mont Chauve.

Et même si le Philharmon­ique de Saint-Pétersbour­g ne sonne pas toujours ensemble et que quelques couacs au sein des vents écornent la lecture, on quitte ce musée imaginaire avec du feu dans la tête.

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