CLASSIQUE DEUX RUSSIE MUSICALES AU VICTORIA HALL
Evidemment, avec l’Orchestre philharmonique de Saint-Pétersbourg et le chef Yuri Temirkanov on ne peut imaginer un programme autre que russe. Jeudi au Victoria Hall, il l’était à 100%, avec le 1er Concerto pour piano de Tchaïkovski et les Tableaux d’une exposition de Moussorgski dans l’orchestration de Ravel. L’affiche était donc alléchante, avec deux compositeurs emblématiques, un grand défenseur du répertoire national à la baguette, et un jeune pianiste suisse à la renommée montante au clavier. D’un côté, la formation et le chef. Puissant, l’orchestre puise son identité sonore aux sources d’une vaste terre, lourde d’histoire. Sonorités profondes, noirceur de traits dans les contours et épaisseur de la matière, dynamique virulente et moirures romantiques dans le déroulé mélodique: l’accompagnement orchestral dépeint autant les excès sentimentaux d’un homme bousculé par la vie ou la brillance de son langage que l’enracinement sans fond dans la culture d’un pays gigantesque.
Cascades et éclats digitaux
De l’autre côté, le pianiste. Jeu réfléchi et virtuose, technique étincelante et toucher affirmé, Francesco Piemontesi se lance toutes voiles hissées dans une interprétation spectaculaire. On ne peut souhaiter vision plus lisztienne que celle-là, tout en cascades et éclats digitaux. Ce Tchaïkovski extraverti et bouillonnant, aux douceurs bien distribuées, parle pourtant un peu fort et ne se livre que peu, dans un certain tranchant sonore qu’on aimerait parfois plus poétique.
Avec les Tableaux d’une exposition, Yuri Temirkanov et son orchestre entraînent l’auditoire dans un maelström musical auquel il est impossible de résister. La pâte sonore épaisse, lourde et brûlante, tient de la lave. Et l’interprétation, de l’éruption volcanique. Ces Tableaux baignent dans l’obscurité d’une terreur nocturne inspirée par la Nuit sur le mont Chauve.
Et même si le Philharmonique de Saint-Pétersbourg ne sonne pas toujours ensemble et que quelques couacs au sein des vents écornent la lecture, on quitte ce musée imaginaire avec du feu dans la tête.
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