Le Temps

Emmy Awards: tribune anti-Trump

- SYLVIA REVELLO @sylviareve­llo

La 69e édition des Emmy Awards, qui récompense­nt les meilleures séries télévisées de l’année, s’est déroulée dimanche soir à Los Angeles.

Vedette malgré lui de cette cérémonie hautement politique, le président des Etats-Unis a essuyé moult critiques. Féministe, tolérant et engagé: le palmarès célèbre une autre Amérique, celle des minorités

Il n’était pas là, mais son nom n’a cessé de bruisser tout au long de la cérémonie. Dimanche soir, Donald Trump s’est imposé, malgré lui, en invité d’honneur des Emmy Awards 2017. Big Little Lies, SNL, La Servante écarlate ou encore Veep: la grand-messe des séries télévisées américaine­s a consacré un palmarès politique, féministe et engagé en faveur des communauté­s LGBT. L’occasion pour les acteurs et les présentate­urs de dénoncer les travers de l’Amérique à la mode du président.

«Tout est mieux à la télé […] quand le monde est effrayant»: la ritournell­e entonnée sur un air de music-hall par le présentate­ur et humoriste Stephen Colbert donne le ton. Cette Amérique violente, intolérant­e, sexiste, qui se déchire sur ses symboles et veut ériger des murs, les comédiens n’en veulent pas. Sur un ton tour à tour léger ou accusateur, ils ont multiplié les adresses à l’intention du président américain.

Sacré «meilleur acteur comique» et «meilleur réalisateu­r» pour sa prestation dans la série Atlanta, Donald Glover s’est exclamé au moment de recevoir son prix: «Je voudrais remercier Donald Trump d’avoir fait des Noirs la tête de liste des opprimés. Il est probableme­nt la raison pour laquelle je suis ici!» A 33 ans, l’acteur californie­n est le premier Noir à remporter une telle distinctio­n. Résolument tournée vers les minorités, cette 69e édition a également primé l’actrice queer et noire américaine Lena Waithe. «A toute ma famille LGBT, les choses qui nous rendent différents sont des super-pouvoirs. Le monde ne serait pas aussi beau si nous n’en faisions pas partie», a-telle déclaré. Doyenne de l’édition à presque 80 ans, Jane Fonda n’a pas reçu de trophée, mais a tout de même tenu à donner son avis: «Nous refusons d’être contrôlés par un bigot sexiste, égocentriq­ue, menteur et hypocrite.»

Comble du cocasse, Alec Baldwin a été primé pour son imitation de Donald Trump dans l’émission «Saturday Night Live». Une petite revanche quand on sait tout le mal que le président pensait de sa prestation. «Il est temps de supprimer cette émission ennuyeuse et non amusante. Le portrait fait (de moi) par Alec Baldwin est pourri», avait-il tweeté fin 2016. Sans oublier que lui-même avait tenté à deux reprises de remporter la mise avec son émission «The Apprentice». A cet instant, le spectre de Donald Trump était prégnant.

Le président s’est littéralem­ent incarné lorsque Sean Spicer, porte-parole démissionn­aire de la Maison-Blanche, a déboulé sur scène devant une foule ébahie. Invité par le maître de cérémonie Stephen Colbert pour commenter l’audience du jour, il a parodié ses propos prononcés à l’occasion de l’investitur­e de Donald Trump, la «plus grande de l’histoire» comme il l’avait alors qualifiée à tort. Sourire aux lèvres, Sean Spicer a récidivé: «Les Emmy Awards n’ont

«A toute ma famille LGBT, les choses qui nous rendent différents sont des superpouvo­irs. Le monde ne serait pas aussi beau si nous n’en faisions pas partie»

LENA WAITHE, ACTRICE QUEER

jamais eu une aussi grande audience. Point final.» Un mea culpa qui a beaucoup fait rire, mais n’a pas tout à fait convaincu les internaute­s.

La rhétorique anti-Trump n’a bien sûr pas été du goût de sa conseillèr­e en communicat­ion Kellyanne Conway: «En agissant ainsi, vous aliénez les quelque 63 millions de citoyens qui ont voté pour Donald Trump et tous ceux qui veulent que le président réussisse. C’est simplement malheureux.» Sur Twitter, @femijr renchérit: «Les #EmmyAwards ont été une grande soirée pour Trump qui a dominé l’entier du show. #Trump2020, la victoire sera encore plus facile.»

Depuis l’élection du tribun républicai­n, les rendez-vous hollywoodi­ens se sont régulièrem­ent transformé­s en tribunes politiques. En janvier dernier, lors des Golden Globes, l’actrice Meryl Streep s’était fendue d’une déclaratio­n acérée: «Vous tous dans cette salle appartenez aux segments les plus diabolisés de la société américaine en ce moment. Hollywood croule sous les gens venus d’ailleurs et les étrangers. Si vous les mettez tous dehors, vous n’aurez plus rien à regarder que du football américain et des arts martiaux mixtes, qui ne sont pas de l’art.»

Plus que jamais cette année, les séries télévisées sont-elles le miroir de la société?

 ?? (ESTER COHEN/WIREIMAGE) ??
(ESTER COHEN/WIREIMAGE)

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland