A votre bonne santé!
A l’instar du monde culturel, la politique suisse connaît aussi ses saisons. L’automne venu, c’est celle de la santé qui démarre en trombe, en général début octobre, plutôt sur le mode tragique. Chaque année, un nouvel acte se joue, avec un scénario familier et un casting devenu caricatural. D’un côté, les assurés, victimes de nouvelles hausses de primes. En face, des assureurs agrippés à un système malade et une industrie pharmaceutique jalouse de ses bénéfices mirobolants. Enfin, des prestataires, médecins et hôpitaux, pointés du doigt pour leur rôle dans la hausse des coûts. Voilà ce qui se déroule sur la scène.
Mais ailleurs s’agitent d’autres acteurs, lobbyistes et groupes d’intérêts. Les pièces auxquelles ils participent parlent de tout autre chose – et pourtant ils influencent l’air de rien, à leur façon, la politique de la santé et ses coûts.
Ainsi, la semaine dernière, le parlement a décidé d’autoriser la vente d’alcool sur les autoroutes. Alors que, depuis quelques années, plusieurs cantons limitent son accessibilité en soirée pour lutter contre la consommation excessive, voilà qu’on recrée des points d’approvisionnement ouverts en permanence. Et sur les autoroutes, en plus, alors qu’il est avéré que les accidents dus à l’alcool sont deux fois plus graves que les autres. Au nom de la liberté économique et de la responsabilité individuelle, on fait comme si l’alcool n’engendrait ni addiction, ni accident, ni donc coûts à charge du système de santé.
Quelques mois plus tôt, c’est la loi sur les produits du tabac qui a été balayée par le même parlement. Interdire la vente de cigarettes aux mineurs uniformément dans toute la Suisse? Restreindre la publicité? Liberticide, a estimé la majorité. Les 9500 décès prématurés, les près de 2 milliards de francs de coûts de la santé générés chaque année par le tabagisme? Rien à voir!
Cantonner le débat sur les coûts de la santé – et donc sur les primes – à une discussion sur le fonctionnement du système de santé préserve une forme de confort: on ne s’écharpe que sur le salaire des médecins ou la franchise à 2500 francs, sans s’interroger sur ce qui se déroule en coulisses ou sur la scène d’à côté. Et si l’on levait, pour une fois, le rideau? «Fumez, buvez, c’est bon pour le commerce et le PIB, oubliez un moment la santé»: de quoi se divertir cet automne.
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