L’usine d’Aisa devance l’industrie 4.0
Les machines de l’entreprise familiale de Vouvry (VS) fabriquent un tube de dentifrice sur deux dans le monde
L'objet semble anodin. Pourtant, nous l'utilisons chaque jour et sa consommation augmente à l'échelle mondiale. De quoi s'agit-il? D'un tube de dentifrice. C'est dans la commune valaisanne de Vouvry que l'on retrouve la société Aisa Automation Industrielle, leader dans la fabrication de machines permettant la production de ces tubes laminés ou en plastique, destinés à accueillir dentifrice, crème, shampoing et autres produits cosmétiques. «Au niveau mondial, 50% des tubes de dentifrice sont fabriqués par nos machines», affirme Hugues Vincent Roy, un physicien qui chapeaute Aisa Automation Industrielle depuis huit ans. Il s'est, entre autres, donné pour mission de rester à la pointe de l'innovation afin de se démarquer de la concurrence, qu'elle soit zurichoise – avec le groupe PSG –, chinoise, coréenne ou bulgare.
C'est d'ailleurs dans un bâtiment en forme de prisme et à l'ambiance feutrée – lieu dédié uniquement à la réflexion – qu'une équipe de recherche et développement planche sur les tubes de demain, des nouvelles capsules à café ou de nouveaux emballages pour le vin. «Nos machines doivent être les plus rapides et capables de produire des tubes réduisant, par exemple, au maximum le gaspillage de matière première, explique Hugues-Vincent Roy qui mise sur l'auto-apprentissage de la machine, en collaboration avec l'institut de recherche Idiap à Martigny. Grâce à l'auto-apprentissage, certains réglages critiques sont réalisés automatiquement pour faire par exemple une série de tubes pour L'Oréal puis passer à une autre série pour Estée Lauder.»
Une production de 600 tubes par minute
Il y a quelques années déjà, Aisa Automation Industrielle a investi dans l'impression 3D pour réaliser certains éléments en acier inox. Ces pièces sont intégrées dans les machines de production. «L'impression 3D a permis une amélioration des performances», explique Hugues-Vincent Roy, qui sourit lorsqu'on lui parle d'industrie 4.0, un concept présent chez Aisa depuis plus de dix ans.
A quelques mètres, dans une grande halle de production lumineuse, le bruit des machines se fait entendre. L'une d'entre elles, longue de plusieurs mètres, sera prochainement acheminée au Mexique. Elle permet de fournir 600 tubes par minute. «Nous pouvons communiquer avec les machines déjà installées chez nos clients. La plupart des mises à jour sont faites à distance et nous anticipons les problèmes de ces appareils qui tournent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7», précise Hugues-Vincent Roy, qui peut compter sur une quarantaine de familles de brevets actifs.
Un peu plus loin, des employés clouent des planches en bois autour d'un autre modèle qui partira cette fois en Chine. La plupart des clients d'Aisa Automation Industrielle se trouvent à l'étranger. L'entreprise exporte 99% de ses machines dans une centaine de pays, aussi bien en Europe (30%), en Asie (43%), en Amérique (21%) qu'en Afrique (3%). Les clients d'Aisa se nomment Unilever ou Colgate entre autres. Ce dernier possède près de 60 machines de l'entreprise valaisanne. La PME vend aussi ses modèles aux fabricants d'emballage qui livrent des tubes aux fabricants de cosmétique.
Un défi: trouver des ingénieurs
Chaque modèle, une quinzaine au total, nécessite près d'une année de travail pour le fabriquer de A à Z. Quant au prix, celui-ci est compris entre 500000 et 5 millions de francs. «Nous en vendons 30 à 40 par année», précise Hugues-Vincent Roy, qui préfère rester discret sur la marche des affaires de cette entreprise familiale, fondée il y a 55 ans à Vevey. «L'euro est un vrai problème. En 2009 et 2015, il y a eu un report des commandes. Nos machines sont devenues plus chères et cela a automatiquement poussé nos clients à regarder ailleurs. Il a fallu réduire les coûts, en faisant appel notamment à de la sous-traitance en Europe de l'Est au lieu de commander certaines pièces en Suisse. Nous avons aussi dû instaurer temporairement le chômage partiel», déplore HuguesVincent Roy, qui s'attend à des ventes stables en 2017.
La société Aisa Automation Industrielle a-t-elle pensé à délocaliser? «Nous avons regroupé toutes nos compétences sur un seul site, c'est ce qui fait notre force. Nous pouvons compter sur du personnel extrêmement bien qualifié. Nous n'avons donc aucune intention de délocaliser», précise Hugues-Vincent Roy, qui consacre plus de 10% du chiffre d'affaires à la recherche et au développement.
Par contre, pour la PME de 200 collaborateurs, présidée par Joachim Sander, membre de la famille propriétaire, trouver des ingénieurs en microtechnique, mécanique ou des automaticiens devient un réel défi. «Ces métiers plus traditionnels sont devenus moins populaires. Il manque des ingénieurs», dit Hugues-Vincent Roy, qui doit recruter près de 30% de ses effectifs en France voisine.
«C'est parfois difficile d'attirer des employés à Vouvry. Mais, une fois sur place, ils prennent vite goût à la qualité de vie de la région. A la pause-déjeuner, certains vont faire du vélo, courent ou gravissent cette montagne, juste en face, pour redescendre travailler en parapente», note Hugues-Vincent Roy, en pointant en direction de la station de ski de Torgon.
L’entreprise valaisanne Aisa exporte 99% de ses machines de conditionnement dans une centaine de pays.