Nestlé, la Suisse et nos retraites
Pour l’essentiel, tout se jouera dans des salons londoniens. Mardi, Mark Schneider, le nouveau capitaine de Nestlé, s’efforcera de convaincre les investisseurs du changement de cap de son navire, de loin le plus gros de Suisse. Les analystes aux costumes gris, après l’avoir écouté, le bombarderont de questions techniques. A 18h CEST (pour Central European Summer Time, dans le jargon), le bal prendra fin dans une relative discrétion. Et sans que le grand public ait vraiment pris connaissance ni réalisé l’enjeu dont il est question.
Pourtant, le sort du paquebot Nestlé ne concerne pas qu’une caste d’investisseurs avertis. Selon nos estimations, les caisses de pension ont investi pas moins de 24 milliards de francs dans la multinationale veveysanne. Avec cette dernière, ce sont donc les rentes présentes et futures des Suisses qui virent de bord. Que tous ceux qui s’inquiètent de voir le taux de conversion diminuer ou la TVA augmenter de quelques dixièmes se le tiennent pour dit.
L’entreprise se prépare à un virage stratégique d’ampleur. Après avoir été considéré comme défensif et stable au regard des turbulences du secteur technologique et de l’imprévisibilité des banques, le domaine alimentaire est désormais en danger: l’e-commerce, les modes bio et végane, les labels régionaux menacent tous de grignoter les parts de marché du géant de l’agroalimentaire.
C’est donc tout naturellement que Nestlé amorce le tournant vers les alicaments, annoncé depuis les années 90. Ce qui pourrait se révéler lucratif, mais aussi plus risqué que la stratégie conservatrice qui était de mise jusque-là.
Cette nouvelle voie peut-elle avoir plus d’impact sur nos retraites que le résultat des votations de ce dimanche? Pas vraiment. Mais à l’heure des investisseurs pirates, il vaudrait mieux que les caisses de pension et leurs assurés s’intéressent d’un peu plus près à la gestion de cet extraordinaire flagship de la Suisse. Ensemble, ils détiennent sept fois plus de parts de Nestlé que le fonds américain – dit activiste – Third Point, qui a jeté un quart de sa fortune dans son abordage. Les investisseurs institutionnels sont en nombre pour contrer ces «pirates». Mais ils doivent devenir un peu plus actifs lors des assemblées générales. Il n’y a pas que la politique fédérale dans la vie.
Les caisses de pension ont investi 24 milliards dans la multinationale