Le grand charabia idéologique de Donald Trump
Il faut reconnaître à Donald Trump un sens bien à lui de la provocation: mardi, au siège newyorkais de l’ONU, principale enceinte du multilatéralisme, il s’est lancé dans un éloge décomplexé du chauvinisme. Or, si le respect de la souveraineté, idée martelée tout au long de son discours, est un principe fondateur de l’organisation internationale née dans les cendres de la Deuxième Guerre mondiale, la mission de l’ONU n’en est pas moins précisément de dépasser les égoïsmes nationaux pour imposer des solutions de paix par le dialogue. Le président américain a prôné l’exact inverse en appelant les chefs d’Etat présents à la «grande renaissance du patriotisme».
Pour Donald Trump, la «fierté retrouvée des peuples» est le moteur de l’histoire, ces peuples dont il faut respecter les différences, quels que soient leur culture ou le système politique qui les gouverne. Les Etats-Unis, promet-il, ne chercheront donc pas à exporter leur modèle démocratique ni leurs valeurs. Est-ce la fin de l’impérialisme américain? Bien au contraire: les «nations souveraines et fortes» doivent éliminer les «petits Etats voyous», a poursuivi dans le même temps le président américain. Trois pays sont voués à un changement de régime: la Corée du Nord, l’Iran et le Venezuela. Cela revient quasiment à des déclarations de guerre.
Que faut-il comprendre? Les Etats-Unis de Trump sont-ils isolationnistes ou interventionnistes? Difficile de s’y retrouver dans les multiples incohérences d’un discours qui a provoqué la consternation des démocrates et suscité l’approbation des pouvoirs forts. Le problème n’est pas tant les contradictions auxquelles sont confrontées toutes les grandes puissances, mais l’articulation des priorités du président américain. Là où Barack Obama exposait une doctrine d’engagement inscrite dans le multilatéralisme en termes sophistiqués, Donald Trump proclame un faux désengagement exprimé dans un charabia qui n’est pas sans évoquer les envolées de Kim Jong-un.
Ce discours n’en permet pas moins de lever un doute qui persiste en Europe: non, Donald Trump n’a rien d’un isolationniste. Sa référence est Harry S. Truman, un président qui a procédé à un déploiement de force dans le monde comme aucun de ses prédécesseurs. A l’époque, c’était pour endiguer la progression du communisme. A l’inverse, on aurait tort de suivre Donald Trump lorsqu’il affirme que ce sont «les résultats et non pas l’idéologie» qui importent. Le 45e président des Etats-Unis est à sa façon un idéologue, celui d’un nationalisme revanchard censé redonner à son pays sa place perdue dans le monde, une place en grande partie imaginaire.
L’action de l’homme d’affaires est par ailleurs aiguillée par un autre objectif, qui relève celui-là moins de l’idéologie que du ressort psychologique: déconstruire systématiquement l’héritage de son prédécesseur qu’il n’a jamais considéré comme un véritable Américain. Cette posture vaut autant pour la politique extérieure des Etats-Unis que pour ses affaires intérieures. S’il faut craindre un conflit à venir dans lequel s’engagerait Washington, c’est davantage en direction de Téhéran que de Pyongyang qu’il faut tourner son regard. Donald Trump pourrait bien en fin de compte signer un deal avec Kim Jong-un, un homme qui lui ressemble. Il fera par contre tout pour briser l’accord sur le nucléaire avec l’Iran, l’une des plus grandes réussites de Barack Obama et de la communauté internationale pour freiner la prolifération de l’atome.
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