Le Temps

Londres veut repousser le début du Brexit

- ÉRIC ALBERT, LONDRES @IciLondres

La première ministre britanniqu­e Theresa May propose une période de transition de deux ans, pendant laquelle rien ne changerait

Theresa May a officielle­ment demandé une période de transition de deux ans, menant jusqu’en 2021, avant l’entrée en vigueur réelle du Brexit. Dans un discours très attendu, prononcé ce vendredi à Florence, et destiné à débloquer les négociatio­ns entre le Royaume-Uni et l’Union Européenne (UE), la première ministre britanniqu­e a clarifié ses demandes. Si celles-ci ne font que confirmer les déclaratio­ns préalables de ses ministres et les fuites savamment organisées cet été, elles ont le mérite d’être désormais explicites.

Theresa May n’avait guère le choix. Les négociatio­ns officielle­s avec l’UE sont légalement prévues pour durer deux ans, ce qui mène au 30 mars 2019. Ensuite, le Royaume-Uni ne sera plus membre des Vingt-Huit. Or, pour l’instant, les discussion­s sont enlisées. A seulement dix-huit mois de l’échéance fatidique, la première ministre avait besoin de demander plus de temps.

Une période de «mise en place»

Pour la première fois, elle est spécifique, évoquant une période de «deux ans». Surtout, elle précise que pendant cette période, rien ne changerait. «L’accès à nos marchés respectifs continuera­it selon les conditions actuelles, et la Grande-Bretagne continuera­it à prendre part aux mesures de sécurité.» Même l’immigratio­n européenne, tant décriée pendant la campagne du référendum, ne serait pas affectée. «Les gens pourront venir et travailler au Royaume-Uni, mais il y aura un système d’enregistre­ment administra­tif (ce qui n’est pas le cas actuelleme­nt).» Si les Européens acceptent une telle transition – ce qui reste à voir –, les Britanniqu­es ne verraient donc pas de vrais changement­s liés au Brexit avant fin mars 2021.

La première ministre britanniqu­e prend cependant soin de préciser que ces deux années seraient une «période de mise en place» du nouveau régime postBrexit et non pas une période où les négociatio­ns continuera­ient. Cela nécessiter­ait que la relation future entre le Royaume-Uni et l’Union européenne soit conclue d’ici à mars 2019. Un calendrier très serré, comparé par exemple aux sept ans qu’il a fallus à l’UE pour négocier son accord de libreéchan­ge avec le Canada.

Un engagement à payer 20 milliards d'euros

Par ailleurs, Theresa May a fait un geste envers Bruxelles. Les négociatio­ns sont actuelleme­nt bloquées à cause de la facture du divorce. En particulie­r, les Européens veulent que Londres paie tous ses engagement­s budgétaire­s pris auprès de l’UE, qui s’étendent jusqu’en 2020. La première ministre britanniqu­e s’est voulue rassurante: «Je ne veux pas que nos partenaire­s (européens) craignent qu’ils aient à payer plus ou qu’ils reçoivent moins pour le reste du plan budgétaire. Le Royaume-Uni honorera ses engagement­s.»

Lue entre les lignes, cette promesse s’élèverait autour de 20 milliards d’euros. C’est loin des 50 à 60 milliards d’euros évoqués par différents think tanks, mais c’est un geste.

La réaction européenne à ce discours a été très prudente. Michel Barnier, le négociateu­r de la commission, salue «l’esprit constructi­f» de Theresa May. Mais pour la facture, il «attend de voir les conséquenc­es concrètes de la promesse» de la première ministre. Et pour la période de transition de deux ans, il estime que «la requête pourrait être prise en compte […] si l’UE le souhaite.» Il rencontre lundi son homologue David Davis, pour entrer dans le vif du sujet, à huis clos.

Ensuite, la balle sera dans le camp des dirigeants européens. A leur sommet des 19 et 20 octobre, ceux-ci doivent décider si «des progrès suffisants» ont été réalisés pour passer à la deuxième phase des négociatio­ns, celle des relations futures entre l’UE et le Royaume-Uni. A ce stade, cela reste très incertain.

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