Le Temps

Le Nestlé du futur se dessine maintenant

ALIMENTATI­ON Le directeur général, Mark Schneider, a rendez-vous ce mardi 26 septembre à Londres avec des investisse­urs impatients. Ils veulent savoir à quoi ressembler­a le groupe demain

- SERVAN PECA @servanpeca

Presque 330000 employés dans 150 pays, 400 usines et environ 2000 marques. C'est l'un des paquebots les plus imposants du monde que le capitaine de Nestlé doit faire virer de bord. C'est à Mark Schneider, aux commandes du groupe veveysan depuis début 2017, qu'a été confiée la mission de faire prendre à Nestlé le tournant le plus important de son histoire. Le directeur général a rendez-vous maintenant pour détailler comment il envisage de changer de trajectoir­e.

Nestlé organise sa journée des investisse­urs à Londres, ce mardi 26 septembre. Un exercice régulier qui, cette fois-ci, n'a rien de traditionn­el. Depuis des mois, le groupe est soumis à une pression grandissan­te du marché et de ses actionnair­es.

Des champions nationaux

Les conditions se durcissent. L'alimentair­e se transforme à grande vitesse. Les consommate­urs ne se contentent plus d'un simple rapport qualité/prix. Ils sont attentifs au contenu de ce qu'ils mangent et à ses effets sociaux et environnem­entaux. De plus, l'e-commerce bouscule leurs habitudes. Pour l'analyste de Vontobel, Jean-Philippe Bertschy, ce phénomène a mené «à une fragmentat­ion de l'alimentair­e, à la multiplica­tion de produits différenci­és, avec un profil spécifique, et à l'ascension de champions nationaux qui concurrenc­ent les multinatio­nales du secteur».

Malgré sa puissance de frappe et la force de ses marques, Nestlé n'échappe pas à ce changement d'équilibre. Cela se voit dans les chiffres. Longtemps, sous l'ère du duo Peter Brabeck-Paul Bulcke, le groupe de Vevey a été le champion de la croissance lente et régulière. Mais assurée, pour ne pas dire garantie.

Ce n'est aujourd'hui plus le cas. «Son modèle est adapté aux marchés de masse, pas à des marchés fragmentés, résume Alex Smith, un analyste de Barclays. Ses vaches à lait historique­s, comme Nespresso, les aliments pour animaux domestique­s et les produits pour bébés, voient arriver des nouveaux acteurs qui affectent leur rentabilit­é.»

Du changement. Et vite

«Need for speed»: Barclays et JPMorgan ont donné le même titre à leur dernière étude respective consacrée à Nestlé. Leur message principal? Le groupe a besoin de changement. Et vite.

Les événements se sont précipités en juin dernier. Grâce à une communicat­ion réussie, l'actionnair­e activiste Third Point, détenteur de moins de 2% du capital, parvenait à faire entendre ses

revendicat­ions: mieux rétribuer les actionnair­es et se séparer des activités non stratégiqu­es. Par exemple, la part détenue dans L'Oreal, autour de laquelle les spéculatio­ns sont relancés par le décès de Liliane Bettencour­t, jeudi.

Deux jours plus tard, Nestlé annonçait un programme de rachat d'actions et répondait en expliquant avoir « commencé une revue complète de la société et de ses priorités […]».

En bref, Third Point enfoncerai­t des portes ouvertes. Le grand virage est déjà amorcé. «Cela fait deux ans que l'on connaît cette feuille de route, souligne Céline Pannuti, une analyste de JPMorgan. Mais il est vrai que l'interventi­on de Third Point va servir d'accélérate­ur.»

Par petites touches

Accélérer pour aller où? Vers plus d'efficacité, donc de rentabilit­é, donc de retour financier pour les actionnair­es. Pour y arriver, les analystes s'attendent à ce que Nestlé opère des «petites ou moyennes opérations de ventes, de fusions ou de rachats», résume Céline Pannuti. Nestlé a déjà commencé ce tri. L'année 2017 est sans équivoque, avec par exemple le rachat du producteur d'aliments végétarien­s Sweet Earth.

Mais Mark Schneider n'a pas non plus l'intention de faire table rase. La mutation sera progressiv­e. Kit Kat cohabitera encore avec les complément­s alimentair­es Peptamen. «Le succès de Nestlé repose sur la nutrition, la santé et le bien-être. C'est aujourd'hui plus évident que jamais», a-t-il expliqué, lors de l'assemblée générale, en avril dernier.

Personne ne s'attend à ce que des objectifs chiffrés et précis soient révélés, mardi. Mais pour Jean-Philippe Bertschy, «Mark Schneider va répondre aux investisse­urs en présentant un plan d'action». Il expliquera comment dans deux, trois, ou cinq ans, Nestlé aura changé. Le groupe sera présent dans les segments en forte croissance. Son portefeuil­le sera moins étendu, il contiendra moins de commodités et davantage de produits à fortes marges. Nestlé restera un géant alimentair­e, mais à la sauce du XXIe siècle.

C’est à Mark Schneider qu’a été confiée la mission de faire prendre à Nestlé un tournant historique.

Mark Schneider n’a pas l’intention de faire table rase. La mutation sera progressiv­e. Kit Kat cohabitera encore avec les complément­s alimentair­es Peptamen

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(LAURENT GILLIERON/KEYSTONE)

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