Le Temps

Transmettr­e son entreprise à ses enfants ou à ses cadres

SUCCESSION Plus de 60% des succession­s concernent un rachat par les enfants du patron ou par le management. Deux modèles qui ont leurs avantages mais requièrent du sangfroid

- MEHDI ATMANI @mehdi_atmani

A ce rythme, la Suisse ne sera bientôt plus un pays de PME. Près d’un tiers des entreprise­s qui seront à remettre d’ici quatre ans ne seront pas transmises, faute de repreneurs, selon l’étude publiée en juin 2016 par Credit Suisse et l’Université de Saint-Gall. Ce constat s’explique notamment par l’omniprésen­ce d’entreprise­s familiales (75%) parmi les PME suisses. La nouvelle génération ne veut plus nécessaire­ment reprendre le flambeau.

Cette tendance en augmentati­on fait exploser les chiffres de management buyout (MBO). La vente à des cadres et salariés de l’entreprise représente aujourd’hui un quart des succession­s. Quant au modèle de transmissi­on intra-familiale (family buyout ou FBO), il est toujours plébiscité (41%), mais en baisse. Dans les deux cas, ce sont des modèles de transmissi­on pérennes, puisque les employés ou les enfants connaissen­t l’entreprise, ses clients, ses fournisseu­rs. La continuité est assurée, mais elle s’anticipe. La succession est un moment délicat qui, si elle est négligée, peut menacer l’existence de l’entreprise.

De cruciales questions fiscales

Dans le cas d’un management buyout, les questions fiscales et juridiques sont cruciales. Au sein du cabinet de conseil Mazars, Serge Migy accompagne les entreprise­s sur ces aspects dans le cadre de MBO. «Lorsqu’un patron entre en discussion avec le management dans le cadre d’une cession, il doit travailler à livre ouvert, explique-t-il. Et si la transactio­n devait échouer, cela pourrait remettre en question sa relation avec ses cadres dirigeants qui ont eu accès à des informatio­ns sensibles. Sous cet angle, initier une opération de MBO est plus délicat qu’une opération d’achatvente classique avec un potentiel tiers-acquéreur.»

A cela s’ajoute la question du financemen­t. «Dans un MBO, les cadres dirigeants ont souvent une surface financière bien moindre que les investisse­urs classiques qui participen­t à des opérations de private equity, rappelle Serge Migy. Il faut mettre en place très fréquemmen­t des montages d’acquisitio­n plus compliqués (par exemple la reprise par étapes successive­s). Des enjeux fiscaux importants peuvent, en outre, survenir lorsqu’il faut mobiliser des fonds de l’entreprise pour acquitter une partie du prix de vente.»

Pour Serge Migy, «cette approche sort de la démarche logique achat-vente. Elle n’est pas évidente pour les patrons de PME qui doivent se montrer ouverts d’esprit.» Car la contrainte du financemen­t externe détermine généraleme­nt pour partie le prix de vente. Dans un MBO, «nous observons quelquefoi­s une décote importante par rapport aux valorisati­ons théoriques réalisées par un évaluateur indépendan­t.» Mais au final, le prix de vente est une concession que le patron est en général prêt à faire puisque ce sont la pérennité et le maintien de l’emploi de son entreprise qui priment.

Quand l’émotionnel intervient

L’opération n’est pas plus simple dans un family buyout. C’est même l’inverse si on y ajoute l’importance de l’émotionnel dans les relations intra-familiales. Néanmoins, trois méthodes de transmissi­on prévalent. Soit le parent cède gratuiteme­nt la société à l’enfant à titre d’avance sur héritage. Dans ce cas-là, le cédant «ne récupère pas ses billes. C’est donc un frein si l’entreprise constituai­t le capital retraite. Bien souvent, le patron a réinvesti l’essentiel des revenus dans sa société afin de la faire prospérer. Arrivé à l’âge de la retraite, son capital prévoyance est quelquefoi­s très limité», souligne Serge Migy.

Soit il vend l’entreprise. «Outre l’avantage de pouvoir constituer un capital de retraite, la vente permet à l’entreprene­ur de rendre liquide son outil profession­nel, ce qui peut être déterminan­t lorsque la succession comprend de nombreux héritiers», relève Serge Migy. Il existe aussi une variante des deux modèles: la donation mixte. Celle-ci permet au cédant de transmettr­e à son enfant à un prix abordable, fixé par exemple en fonction notamment des besoins du parent pour sa retraite.

Reprendre, oui, mais à quel prix? Comme l’explique Serge Migy, la valorisati­on de l’entreprise peut aussi s’avérer problémati­que. «La nouvelle génération a contribué à la valeur que l’on attribue à l’entreprise. Il faut donc s’assurer que l’enfant ne paiera pas deux fois.»

«La nouvelle génération a contribué à la valeur que l’on attribue à l’entreprise. Il faut donc s’assurer que l’enfant ne paiera pas deux fois»

SERGE MIGY, CABINET DE CONSEIL MAZARS

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