Le Temps

Christian Constantin, les plaies du boss

FOOTBALL Au lendemain de son coup de sang contre Rolf Fringer à Lugano, le président du FC Sion a cherché à expliquer son geste, présenté comme une réaction épidermiqu­e à une succession d’attaques ad hominem

- LAURENT FAVRE @LaurentFav­re

Musique épique et montage alerte, la trentaine de journalist­es présents vendredi à 15h dans les sous-sols du complexe de la Porte d’Octodure, près de Martigny, a pu se prendre l’espace d’un instant pour l’équipe du FC Sion. C’est avec des moyens identiques à ceux qu’il mobilise pour monter le bourrichon à ses joueurs avant une finale de Coupe que Christian Constantin s’est efforcé hier de convaincre la presse.

C’est un tout autre match qu’il s’agit cette fois de gagner. L’enjeu est peut-être plusieurs matches, plusieurs semaines, voire plusieurs mois de suspension. Mercredi soir à Lugano, au terme d’un match de Super League pourtant remporté par son équipe (2-1), le président du FC Sion s’en est pris physiqueme­nt à l’ancien entraîneur Rolf Fringer, présent en bordure du terrain en tant que consultant pour la chaîne de télévision Teleclub, qui retransmet­tait le match en direct. A l’instar de Fringer, totalement apeuré sur certaines images de l’incident, ce coup de sang de Christian Constantin a choqué le football suisse.

Un peu «caqueux»

La Swiss Football League a décidé vendredi d’ouvrir une enquête. Rolf Fringer n’a pas de fonction officielle mais il y a eu voie de fait, comme on dit dans les rapports d’arbitre. Il semble difficile d’imaginer Christian Constantin échapper à une sanction. Il le sait. Alors il prend les devants, contre-attaque et se défend en même temps. Son dossier est à charge et à décharge, il est parfois sûr de lui, parfois quand même un peu «caqueux».

Il dit vouloir porter plainte, au pénal ou au civil, à Sion ou au Tessin, il ne sait pas encore très bien. Ses avocats étudient la question. Mais il étudierait aussi une solution amiable avec Rolf Fringer, qui lui aussi a promis de ne pas en rester là. «Avec Rolf, je n’ai pas d’autre problème que celui-là», assure-t-il.

Engoncé dans son costume gris, le promoteur valaisan a sa tête des mauvais jours. Malgré le beau temps revenu, il garde une fine écharpe autour du cou, ce qu’un spécialist­e de la communicat­ion non verbale décoderait facilement comme une volonté de se protéger. A tous, il veut expliquer les raisons profondes de son geste. Remonter à «la genèse» du litige qui l’oppose à Rolf Fringer. «Magnéto, Serge.» Avril 2009: Sion sort Lucerne aux tirs au but en demi-finale de la Coupe de Suisse. Lucerne est entraîné par Rolf Fringer, Sion par… Christian Constantin. «A la fin du match, alors que j’avais toujours eu de bons rapports avec lui, Rolf m’a dit: «Tu ne peux pas savoir à quel point ça me fait ch… de perdre contre toi.» Et à partir de là, il ne m’a plus lâché.»

Et le service vidéo du FC Sion de compiler les passages où Fringer critique Constantin sur Teleclub. «Tourbillon, c’est la Cage aux Folles», «Christian Constantin ne respecte personne», «Les joueurs se disent qu’il est fou», «C’est toujours le pauvre entraîneur qui trinque»: les punchlines défilent, entrecoupé­es d’un SMS d’avertissem­ent de Constantin. Fringer persiste, mais ne signe pas lorsque le fils Constantin, à l’issue de Lugano-Sion, vient lui demander d’arrêter ses critiques contre son père. «Qu’il n’assume pas ses propos m’a mis hors de moi. Ces consultant­s ont tous les droits! Alors finalement, mon seul recours était de lui rafraîchir la mémoire et de lui montrer que je ne me laissais pas faire.»

«Quatre-cinq claques et un coup de pied aux fesses»

Le montage ne comprend pas les images de l’incident, partiellem­ent filmé par Teleclub mais Christian Constantin est suffisamme­nt intelligen­t pour savoir qu’un film amateur sortira tôt ou tard. Inutile de nier les faits. «Je suis venu vers lui, je lui ai mis quatre-cinq claques et un coup de pied aux fesses. Je ne dis pas qu’il faut baffer des types, je dis juste que c’est la solution que j’ai trouvée à ce moment. C’était une réaction un peu trop «valaisanne» (murmures dans la salle), m’enfin ça fait partie de ma personnali­té.» Une attaque plus spectacula­ire que violente, selon lui. «Je ne voulais pas lui faire mal. Sur les images de l’interview qu’il donne immédiatem­ent après, on voit bien qu’il n’y a ni sang ni hématome.»

Vient le moment désagréabl­e. Celui où il faut suggérer à Christian Constantin que si Rolf Fringer fait peut-être une petite «fixette», ses critiques ne font finalement que reprendre celles entendues depuis des années sur le FC Sion: l’instabilit­é chronique, la pression constante, le sentiment qu’aucune tête ne doit dépasser celle de «CC». Le Temps s’y colle. Et là, surprise, le loup rentre ses canines. «C’est dur de toujours passer pour le sale type, de se faire traiter d’égocentriq­ue, d’entendre dire que je ne respecte personne. Ce qui m’a touché, c’est que les critiques de Rolf Fringer visaient toujours l’homme, alors que je n’avais pas de mauvais rapport avec lui.»

Y aurait-il un coeur qui bat, et qui souffre, sous la cuirasse aux treize étoiles? «Peut-être que je deviens vieux», lâche Christian Constantin dans un demi-sourire.

«Qu’il n’assume pas ses propos m’a mis hors de moi. Alors mon seul recours était de lui rafraîchir la mémoire» CHRISTIAN CONSTANTIN, PRÉSIDENT DU FC SION

 ?? (KEYSTONE/OLIVIER MAIRE) ?? Christian Constantin a donné sa version de son agression contre Rolf Fringer lors d’une conférence de presse convoquée dans son fief de Martigny le lendemain de l’incident.
(KEYSTONE/OLIVIER MAIRE) Christian Constantin a donné sa version de son agression contre Rolf Fringer lors d’une conférence de presse convoquée dans son fief de Martigny le lendemain de l’incident.

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